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Délinquance financière : Où vont les fonds alloués à l’armée ?

Où vont les ressources financières allouées au département de la Défense dans le cadre de l’équipement de l’armée ? Combien de de milliards ont-ils été puisés des caisses de l’Etat pour de soi-disants achats équipements militaires ? Combien de millions (milliards ?) ont-ils été détournés ? Autant de questions qui sont sur les lèvres aujourd’hui, et au moment où des responsables sont arrêtés pour d’autres affaires. 

Le président de la République et le Gouvernement ne ratent  aucune occasion pour clamer « la remise à niveau » de nos forces armées.

D’importants moyens auraient été acquis pour mettre nos forces en état d’accomplir leur mission sacrée de défense de notre pays. Les propagandistes du régime mettent notamment l’accent sur l’achat d’avions et d’hélicoptères de transport de troupes ou de combat. A les croire, l’armée de l’air, en particulier, « a poussé des ailes ». « Jamais un président de la République n’avait fait autant pour les forces armées et de sécurité » a déclaré le ministre de la sécurité lors d’une interview avec des animateurs de radio en langue Bamanan.

Aussi, Le président de la République lui-même a déclaré en décembre 2017 : « Nous avons fait un effort budgétaire considérable pour doter (les forces) d’armements modernes, notamment d’une aviation. Sont acquis ou en voie de l’être quatre hélicoptères Puma et MI-35, quatre avions d’attaque Super Tucano brésiliens, trois avions de transport Casa et Y-12 chinois. Quand je suis arrivé aux affaires, notre aviation, qui eut ses heures de gloire, était à l’image de l’Etat malien : réduite à néant. Aujourd’hui, elle renaît, à l’instar du Mali » (Jeune Afrique numéro 2969 du 3 décembre 2017)…

En février 2015, l’Assemblée Nationale a voté une loi d’orientation et de programmation militaire (LOPM) ; pour le quinquennat 2015-2019, 1230 milliards de FCFA ont, ainsi, été prévus pour des dépenses relatives à l’augmentation des effectifs de l’armée, la construction d’infrastructures, l’amélioration des conditions de vie des soldats, la formation et l’achat d’équipements militaires et de matériels de guerre. Mais, selon beaucoup d’observateurs, les dépenses dans le cadre de la LOPM ont donné lieu à des détournements de deniers publics et d’énormes surfacturations.

Le 17 mai 2016, un parti politique (pour ne pas citer le nom) avait écrit au Vérificateur Général pour dénoncer un marché douteux de livraison de 42 pick-ups aux patrouilles. Selon le quotidien national du 18 avril 2016, les 42 pick-ups ont été facturés au Trésor public à 2.300.000.000 de francs CFA, soit environ 54 millions de francs CFA l’unité.

Toutefois, selon des informations recueillies par le même parti, le président de la République est en possession des rapports confidentiels de deux missions d’audit conduites par un cabinet privé et une structure publique.

Il s’agit de rapports de vérification des dépenses exécutées dans le cadre d’une douzaine de contrats conclus par le Gouvernement pour doter les FAMAS de moyens terrestres et aériens.

Ces rapports sont des condensés choquant d’anomalies volontaires, de violations grossières et délibérées des règles de la comptabilité publique dans le seul but de piller les maigres ressources d’un pays en guerre qui se bat pour sa survie.

La quasi-totalité des contrats examinés par le cabinet privé présentent des irrégularités et/ou vices de forme : « pas de signature de l’autorité contractante, pas de visa ou de signature du contrôle financier. » etc…,

Dans certains cas, les factures des fournisseurs sont inexistantes, dans d’autres aucune preuve matérielle de la bonne exécution du contrat n’est disponible. Certains contrats n’ont ni clauses techniques ni calendrier d’exécution alors que le Trésor Public a effectué des virements bancaires. Il y’a une opacité autour des contrats et l’absence de tout contrôle financier.

 Rapport d’audit 

Un Super PUMA d’occasion acheté en Irlande et payé en espèces ! – Près de 3,5 milliards de FCFA ont été déboursés pour payer, cash, un hélicoptère de transport type « Super Puma » en violation de toutes les règles élémentaires de procédure d’achat.

Présenté à la presse au moment de son acquisition, cet hélicoptère est cloué au sol malgré l’achat de pièces de rechange à hauteur de 3 milliards de franc CFA.

En payant par espèces un hélicoptère entier, le Gouvernement du Mali s’est donné à une pratique digne de la mafia.

Un second Super PUMA a été acheté à 3,9 milliards de FCFA auprès d’Airbus. Les termes et conditions de ce contrat sont « inconnus ». Le document du contrat est tout simplement illisible selon le cabinet d’audit.

Un officier supérieur a déclaré au magazine américain en ligne « Bloomberg.com » que les deux Super Puma étaient « cloués au sol » (selon un article paru le 13 juillet 2017). En tous cas, ils n’étaient pas en mesure de voler à la fin janvier 2018.

Entre le 23 et le 26 mars 2018, le nouveau Premier ministre s’est rendu à Kidal, Gao, Tombouctou et au centre du pays. Il a évité les hélicoptères Super PUMA de l’armée malienne pour voyager à bord d’un hélicoptère des Nations Unies. Malgré les milliards engloutis dans l’achat de pièces de rechange, les Super Puma maliens tombent souvent en panne. L’on a, ici, une claire indication que le gouvernement a préféré acquérir de vieux appareils dans des conditions douteuses (paiement en espèces d’un des deux Super PUMA) plutôt que d’investir dans des hélicoptères à même de voler.

Le mystère des avions brésiliens : en juin 2015, le Mali a signé un contrat de 88,7 millions de dollars américains, soit environ 51,682 milliards FCFA (au cours en vigueur en Juin 2015), pour l’acquisition de six (6) avions de guerre « Super Tucano ».

Dans l’interview à « Jeune Afrique », citée plus haut, le président de la République a annoncé la livraison imminente de quatre (4) Super Tucano.

Embraer SA, la société brésilienne qui fabrique les Super Tucano s’apprête, en effet, à livrer quatre appareils. La valeur totale de ces quatre avions (qui inclut aussi des prestations de service) est d’environ 68 millions de dollars.

Au lieu de 51,7 milliards FCFA initialement prévu, le contrat de Juin 2015 a fait l’objet de 53,302 milliards de FCFA d’engagement et de mandatement entre 2015 et 2017 par les services financiers de l’Etat.

Une première tranche de 13,367 milliards a été « liquidée » en 2015.

Une seconde tranche de 18,636 milliards a été payée en 2016. La « liquidation » de la troisième tranche de 21,298 milliards était prévue en 2017.

Pourtant, EMBRAER ne livrera que quatre appareils comme annoncé par le président.

Selon le leader du même parti, la valeur de ces deux avions est d’environ 20,7 millions de dollars, soit environ 11,2 milliards de FCFA (au cours actuel du dollar).

Que s’est-il passé entre temps ? Un mystère que le gouvernement se doit de dissiper au plus vite. Comme il doit expliquer le retard de livraison des quatre Super Tucano.

Mohamed Sylla

 

Source: L’Aube

 

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