La nouvelle annoncée imminente, est finalement tombée le vendredi 7 février dernier sur les antennes de la radiodiffusion nationale. Toutes les voies publiques, les rues et trottoirs du grand marché, la chaussée, les accès aux édifices publics, doivent être à partir de minuit, délai de rigueur, débarrassés des vendeurs à la sauvette, des marchands ambulants, des kiosques anarchiques qui font de notre capitale Bamako, un souk nauséabond, parce que sale et envahi par des ordures de toute sorte.
Ce communiqué du gouvernement a jeté un froid, sinon la panique chez les petits commerçants et tout ce que Bamako compte de petits métiers, des ménagères vendeuses de condiments, de médicaments par terre, de friperies, de lingerie féminine, de bijoux en toc, à même la chaussée, d’étalagistes, de jeunes vendeurs d’articles électroménagers qui déambulent sur les grandes artères et même chez les mendiantes qui envahissent chaque jour, du matin au soir, ces lieux favoris d’élection que sont les grands carrefours particulièrement fréquentés.
Mais c’est non sans un grand soulagement que ces commerçants, pas aussi informels que cela, puisque la plupart, du moins ceux qui exercent à un point précis, payent chaque jour des taxes de marché dites taxes communales ont appris que la décision de les chasser définitivement était remise à dix jours. Ils sont ainsi des milliers et des milliers à s’acquitter quotidiennement de cet impôt qui va directement à la municipalité. On ne peut donc mépriser leurs activités qui participent à la vie de la cité, même s’il y a beaucoup à redire sur les conditions dans lesquelles ils les exercent sur la voie publique.
Celle-ci, il faut en convenir est dangereusement envahie par une armée de vendeurs et de vendeuses d’une myriade de choses. A tel point que la circulation s’en trouve perturbée, extrêmement difficile et dangereuse aux heures de pointe, avec parfois des accidents. Est-ce uniquement pour pallier ces inconvénients que les pouvoirs publics ont choisi d’appliquer cette mesure aussi drastique que le déguerpissement total des voies publiques, à l’égard tous ces marchands parmi lesquels on compte une majorité en plus des jeunes, de pères et de mères de familles nombreuses qui n’ont pas d’autre activité à exercer et d’autre point de chute ?
Aux dernières nouvelles, cette mesure sera plus atténuée. Les marchands et marchandes qui occuperaient les trottoirs sans déborder sur la chaussée seront tolérés. Mais pour combien de temps ? L’écrasante majorité de ces commerçants dit informels, car n’apparaissant pas dans les statistiques officielles sera tout simplement chassée sans ménagement et conviée à aller se faire pendre ailleurs.
Ce qu’il faut regretter en l’occurrence dans cette mesure, c’est son improvisation, sinon sa légèreté. Depuis quand a-t-on rapproché les dirigeants de la Chambre de commerce et d’industrie, les associations de commerçants, pour trouver un terrain d’entente et des solutions pérennes avec les vendeurs et vendeuses à la sauvette, qui participent de manière significative à l’essor économique de la cité des trois caïmans ?
Le cas de ces maliens d’en bas, les électeurs d’IBK, c’est-à-dire le peuple, est totalement déconsidéré. Ce sont eux qui, occupent le Rail Da, tous les marchés du Sougounikoura au Grand Marché, de Dibida à Sogoniko et aux Halles de Bamako, qui battent laborieusement le pavé, chaque jour que Dieu fait pour gagner leur pitance quotidienne et de quoi nourrir une famille généralement nombreuse. A tous ces pauvres gens, des dizaines de milliers de déscolarisés, de jeunes diplômés sans emploi autrefois chômeurs. Ils refusent de devenir des délinquants professionnels, des bandits de grand chemin qui volent et tuent pour exister. Que leur propose-t-on en retour ? Rien du tout ! Sinon de prendre la rue. Cette dernière extrémité serait en l’occurrence une question de vie ou de mort pour eux et la conséquence de l’imprévoyance des gouvernants qu’ils ont élus pour faire leur bonheur. Paradoxalement, ils veulent se débarrasser sans état d’âme de ces « enquiquineurs » à qui ils faisaient la cour il n’y a pas longtemps. Parce qu’ils n’ont aucun souci du lendemain, ils ne peuvent se mettre à la place de ces malheureux qui souffrent.
Le compte à rebours a commencé et selon nos informations, un terrible bras de fer se profile à l’horizon entre ceux qui n’ont plus rien à perdre et le nouveau pouvoir qui a manifestement l’art de décider des mesures impopulaires, comme le port du casque et le permis de conduire pour les motocyclistes, en ces temps durs pour les parents d’élèves et les étudiants. Pourtant, gouverner c’est prévoir. IBK doit faire mieux attention au peuple qui l’a élu, se méfier des aventures et des aventuriers qui occasionnent des troubles dans le social, s’il ne veut pas se créer de dangereuses déconvenues pendant sa gouvernance.
Oumar Coulibaly