Son visage: une prison
Mai 2000. La vie de Fakhra Younus, une ancienne danseuse pakistanaise de 33 ans, a basculé lorsqu’elle fut aspergée d’acide durant son sommeil sous les yeux de son fils âgé de cinq ans à l’époque. Défigurée, sa chevelure brulée, éborgnée, la jeune femme avait déclaré être prisonnière d’un visage que son fils regardait avec peine. Réfugiée en Italie, où elle a subi 39 opérations au cours de ces dix dernières années, Fakhra Younus a mis fin à ses jours le 17 mars dernier ne supportant plus l’inertie de la justice de son pays.
Manque d’argent
À la douleur physique et psychologique, s’était ajouté un sentiment d’injustice lorsqu’en 2002, son mari, Bilal Khar, soupçonné d’être l’auteur de l’agression, était relâché après cinq mois de prison. Cet homme a toujours nié les faits, expliquant qu’un homonyme à la ressemblance physique troublante était l’auteur des faits et trouvant dans le manque d’argent les raisons du suicide de son ex-femme. Pourtant, ils sont nombreux à penser que ce fils d’un riche gouverneur pakistanais a profité d’un réseau de relations pour être blanchi.
“Honte au Pakistan”
Une thèse soutenue par Tehmina Durrani, l’ex-femme du père de Bilal Khar devenue avocate de Younus qui s’insurge des largesses de son pays à l’égard des violences conjugales. “Notre pays tout entier devrait avoir honte de voir un état étranger prendre en charge depuis douze ans une citoyenne pakistanaise en raison de l’absence de justice ou de sécurité”, déclarait-elle dans les colonnes du Dailymail. “Le gouvernement pakistanais doit faire plus pour empêcher les attaques d’acide ou toutes autres formes de violence contre les femmes”. En 2011, la Fondation Aurat, une organisation de défense des droits de la femme, révélait que plus de 8500 attaque à l’acide, de mariages forcés ou d’autres formes de violence avaient été relevées au Pakistan.
Manipulation de la loi
Des chiffres qui ont encouragé le gouvernement pakistanais à adopter, l’an dernier, une loi condamnant les attaques à l’acide à quatorze ans de prison. Une mesure qui semble bien timide au vu des largesses accordées à certaines castes de la société. “Le principal problème au Pakistan, c’est la mauvaise application de la loi, il n’y a pas d’état de droit, les gens manipulent la loi”, déclarait à ce sujet Rabeea Haadi, coordinateur national de la fondation Aurat. Une manipulation de la loi qui vient de faire une nouvelle victime et dont le retour au pays a donné lieu à certaines manifestations. Avec quel effet?