Des ateliers de restitution du Projet de découpage territorial ont été organisés, du 29 au 30 avril 2021, dans les régions. Il n’en fallait pas plus pour provoquer une levée de boucliers dans de nombreuses circonscriptions.
Trois associations bwas, dans un communiqué, s’interrogent sur les raisons profondes qui ont poussé le Gouvernement à revenir sur le projet initial de proposition d’érection de Fangasso et Mandiakuy en chef-lieu de Cercle qui avait fait l’objet d’un large consensus lors des concertations sur le découpage administratif.
Ailleurs, lors des concertations locales et régionales tenues en 2018, sur le découpage territorial, les participants avaient validé la proposition d’ériger Markala et Farako en cercle. Ce qui explique les manifestations de ce lundi à Markala.
Il faut rappeler que face à la polémique, le gouvernement, sous la houlette du ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation (MATD), avait organisé des conférences régionales du 13 au 17 novembre 2018.
Alors, la Transition est-elle là pour renverser la table ou pour servir la soupe ? Souffler sur les braises ? Est-elle contrainte à un passage en force d’une réforme qui peut attendre ?
Sous cet amas de questions qui n’offrent que de mauvaises réponses, c’est un autre sujet, encore plus fondamental que celui-là, qui transparaît : est-ce que le Mali n’est pas désormais dirigé de l’extérieur ?
Une certitude, par la faiblesse du projet de découpage territorial, n’importe quelle entité administrative s’engouffre dans le moindre interstice, revendique un droit inconsidéré. C’est ‘’la grenouille qui veut se faire plus grosse que le bœuf’’.
En tout cas, la manœuvre a de quoi alimenter la défiance envers le Gouvernement. En slalomant de petites frustrations en grandes déceptions, la Transition, coupable d’une monumentale défaillance, peine assurément à sortir des chausse-trappes.
Qu’on se le dise, le seul mérite de ce découpage biscornu est d’électriser les esprits.
C’est vrai, en accédant aux rênes du pouvoir, les autorités de la Transition ont fait un point d’honneur d’assumer la responsabilité de l’État en flux continu. Ainsi, sous la férule de la Communauté internationale, l’application de l’Accord pour la paix et la réconciliation s’est imposée comme l’une des priorités les plus pressantes. Sous un malagauche ripolinage de découpage territorial inscrit en bonne place des réformes à entreprendre, l’on applique l’article 5 de l’Accord qui stipule: ‘’des mesures destinées à assurer une meilleure gouvernance. Outre les mesures visées ci‐dessus, le règlement définitif du conflit nécessite une gouvernance qui tienne compte des spécificités locales et qui s’articule autour des éléments suivants : (…) une plus grande représentation des populations du Nord au sein des institutions nationales’’
Cette disposition trouve écho à l’article 6 : ‘’les Parties conviennent de mettre en place une architecture institutionnelle permettant aux populations du nord, dans un esprit de pleine citoyenneté participative, de gérer leurs propres affaires, sur la base du principe de libre administration et assurant une plus grande représentation de ces populations au sein des institutions nationales. A cet effet, il est prévu les dispositions ci‐après : au niveau local – La région est dotée d’une Assemblée Régionale élue au suffrage universel direct, bénéficie d’un très large transfert de compétences, de ressources et jouit des pouvoirs juridiques, administratifs et financiers appropriés (…)’’.
L’enjeu, au-delà de la dimension administrative, est politique avec une surreprésentation dans les institutions d’une population minoritaire avec de fortes implications aux niveaux décisionnels. Personne ne s’y trompe.
La théorie ‘’effectif et superficie’’ sortie du chapeau des doctrinaires du ministère de l’Administration territorial n’est que pure entourloupe. En son temps, Babahamane MAIGA, le secrétaire général du MATD expliquait : « nous aimerions combiner l’effectif de la population à la superficie du territoire, faire en sorte que la région soit la circonscription électorale et passer à la proportionnelle afin de permettre une meilleure représentativité. Un cercle ne serait donc plus systématiquement égal à un député ». Ces phrases emberlificotées que l’est le projet de découpage territorial. Un cercle n’a jamais été systématiquement égal à un député. Par contre, c’est ce qui va être le cas avec le nouveau projet visant « une meilleure représentativité».
Interrogé sur le pataquès de ces derniers jours, le ministère de l’Administration territoriale, condamné à des contorsions ridicules, tempère et rassure les protestataires. Il a fait comprendre que ce document date de 2008 et ne constitue pas sa base de travail. Selon une source au niveau du département, il s’agit d’un vieux document et rien ne peut être validé sans des discussions préalables au sein du Comité d’orientation stratégique (COS). N’est-ce pas plutôt au niveau des populations qu’il faudrait décider, à travers des concertations inclusives ? Parce que les membres du COS nommés par décret n’ont aucune légitimité pour éteindre un dossier fumeux depuis plusieurs années.
En réalité, cette calinothérapie ne vise qu’à amuser le tapis, à travers des slogans incantatoires. Les arrière-pensées politiques, la culture jacobine ont pollué ce chantier politico-administratif.
Pour éviter le naufrage, la Transition serait inspirée d’introduire une clause de revoyure pour décaler son projet de découpage territorial, larguer les amarres du totalitarisme grégaire (intervention musclée contre les manifestants à Markala), parce qu’il n’y a pas de plébiscite pour la force.
PAR BERTIN DAKOUO
Source : INFO-MATIN