Avec la disparition de MLD, survenue le 27 janvier dernier, c’est un compagnonnage de 42 ans qui s’achève entre lui et moi; c’est aussi un chapitre de l’histoire de L’Indépendant qui se referme.
MLD et moi avons quitté l’ENSUP et le Mali en 1973 pour entreprendre à Dakar (Sénégal) des études de journalisme qui nous conduiront en France, au Canada, aux Etats-Unis d’Amérique. Durant toutes ces années, nous avons formé un duo inséparable. Notre parchemin en poche, la vie professionnelle va pourtant nous séparer. Momentanément. Lui optant spontanément pour rentrer au bercail et servir dans l’unique organe de presse écrite qui existait alors, L’Essor. Moi préférant peaufiner mon apprentissage du métier d’informer au pays de la Teranga (hospitalité) et de Senghor, où les conditions de son exercice me semblaient – étaient objectivement – meilleures qu’au Mali sous la botte de la dictature de Moussa Traoré et compagnie.
L’éclatement du comité militaire de libération nationale (CMLN), le 26 février 1978 et l’illusion de rétablissement des libertés (en particulier celle de l’expression, et donc de la presse, qui était notre préoccupation majeure et notre combat quotidien) nous feront nous retrouver à l’Essor, côte à côte, dans le même bureau, deux années durant. Le temps de voir se dissiper cette illusion face à la triste et implacable réalité : le journal qui nous employait restait sévèrement contrôlé par le clan sorti victorieux de l’affrontement entre les soi- disant « colombes » et » faucons » et n’offrait aucun espace pour la libre expression de la pensée et la simple relation des faits dès lors qu’ils dérangent.
Il faudra attendre la chute de la deuxième République, suite à l’insurrection populaire de janvier-mars 1991 et la fin de la transition conduite par ATT (juin 1992) pour que le destin nous réunisse de nouveau. Tiébilé Dramé, qui venait d’être libéré de sa charge de ministre des Affaires étrangères et des Maliens de l’extérieur, m’a fait venir de Dakar pour l’aider à lancer » Le Républicain ».
La première personne à qui j’ai pensé pour constituer mon équipe rédactionnelle fut MLD. Pour relever le challenge, j’avais besoin de son talent, de sa capacité à traiter vite et bien tous les sujets qui lui étaient confiés, sauf ceux se rapportant à l’économie, matière pour laquelle il éprouvait très peu d’attirance, pour ne pas écrire une réelle aversion. Ce ne fut pas une mince affaire de lui mettre la main dessus. Il avait pris sa retraite anticipée dans la fonction publique et coupé tout lien avec la profession. Il m’a fallu d’intenses recherches pour le retrouver dans son Bougouni natal où il s’était retiré mais peu d’efforts pour le convaincre de me rejoindre dans la nouvelle aventure qu’était le lancement du « Républicain ».
Ensemble, avec d’autres, bien sûr, nous avons gagné le pari. Quand nous le quittions, après trois années de dur et exaltant labeur, il était le plus gros tirage de la presse hebdomadaire avec une moyenne de 5000 exemplaires et des pointes qui pouvaient atteindre 7 à 8 000.
Commença alors pour nous l’aventure de L’Indépendant dont le premier numéro fut mis sur le marché un 5 février 1995. Voici donc 20 ans dans 72 heures. MLD a considérablement, substantiellement et remarquablement contribué à cette longévité, mieux osons lâcher le vocable, ce « success story » car c’en est un.
A ses débuts hebdomadaire, puis bi-hebdomadaire avec une équipe rédactionnelle restreinte, L’Indépendant est devenu, à la faveur des élections générales de 1997, un quotidien. Qui revendique, depuis plusieurs années déjà, la première place dans la presse privée malienne.
Hélas ! MLD ne sera pas parmi nous pour partager notre joie et notre fierté d’avoir fait vivre cet organe qu’il a tant aimé, auquel il a tant donné, une double décennie durant, pour le grand bonheur de milliers de Maliens et d’étrangers vivant au Mali. C’est pour nous un incommensurable regret.
Sa perte nous est d’autant plus douloureuse, insupportable devrais-je écrire, qu’elle laisse orpheline « La Roue libre », la rubrique où il mettait en relief sa vaste culture gréco-romaine et donnait libre cours à ce «style propre à lui» qui lui a forgé une personnalité et amplifié son audience.
Dors en paix, cher compagnon et cher collègue. Nous ne t’oublierons jamais.
Saouti Labass HAIDARA
SOURCE : L’Indépendant