La rencontre prévue entre majorité et opposition a été reportée du 12 au 19 décembre. Motif avancée de ce report : la visite d’Ibk dans la région de Ségou. C’est un exemple du pilotage à vue érigé en méthode de gouvernance du pouvoir actuel. La visite du président dans la région de Ségou, envisagée depuis plus de deux mois, doit-elle être un prétexte pour freiner le fonctionnement normal du pays ? Pourquoi ne l’a-t-on pas prise en compte avant de se prononcer sur une date ? Décidément, la majorité présidentielle, composée de plus de 80 partis politiques, ne fait aucun effort pour masquer le fait qu’elle n’est que sa plus simple expression et son incapacité à résoudre les problèmes.
Contrainte, malgré elle, à assister en spectatrice à la descente aux enfers du pays, sous la commande du Président IBK, l’opposition républicaine et démocratique, a été finalement appelée à la rescousse. Le mercredi dernier, a eu lieu une première rencontre entre l’opposition et la majorité présidentielle, sur une initiative de celle-ci. Un réveil tardif (mieux vaut tard que jamais), car le pouvoir était resté jusque là sourd aux remarques et suggestions de l’opposition, pour sortir le pays de la situation chaotique du fait de la crise politique et sécuritaire en cours depuis 2012.
Or il est difficile d’envisager ce pays paisible avec une classe politique qui s’entre-déchire et dont les partis se regardent en chiens de faïence. L’initiative de la majorité est elle sérieuse ? Va-t-on assister à de réelles retrouvailles de la classe politique malienne autour de l’essentiel pour tirer le pays de la crise ?
Qu’est ce qui motive cette subite et tardive sollicitation de la majorité présidentielle jusque là hostile à toute proposition de l’opposition républicaine et démocratique ? Dans une interview accordée à notre confrère « Le Prétoire », le lundi, le Président de la majorité présidentielle, Dr Boulkassoum Haïdara a tenté de se justifier. A travers cette rencontre, a-t-il expliqué, la majorité présidentielle a « souhaité que la classe politique parle à peu près le même langage, c’est-à-dire loin du processus de consensus, mais que la classe politique se mette d’accord sur l’essentiel: le Mali. Nous plaçons cette rencontre sous le signe «sauvons le Mali d’abord». Une volonté de rapprochement qui découle de l’impasse constatée par tous, du processus de paix. Le régime s’est révélé incapable de relever les défis de l’heure. Une réalité que le président la majorité présidentielle Boulkassoum Haïdara, ne semble pas d’ailleurs s’en cacher : « Il y a eu la signature d’un accord pour la paix et la réconciliation. Il y a eu des réactions positives et négatives de part et d’autre. Actuellement, l’insécurité bat son plein depuis le septentrion jusqu’au Sud. L’attaque de l’hôtel Radisson et d’autres en sont des témoignages éloquents ». Cet aveu du Président de la majorité présidentielle décrit à juste titre l’inquiétude des proches collaborateurs du Président IBK et l’essoufflement du régime sous le poids des problèmes auxquels il ne dispose d’aucune solution.
Vers un attelage de sauvetage ?
En optant pour ce choix tardif, mais jugé salutaire et responsable à plus d’un titre, la mouvance présidentielle semble rester, une fois de plus, dans un cercle vicieux. Car peut-on penser à soigner un malade sans y apporter un diagnostic sérieux ? Le Dr Boulkassoum, puisque c’est son domaine, est sans doute d’accord qu’il faut un diagnostic sérieux de la situation sécuritaire et de la gouvernance, par la classe politique malienne, rassemblant majorité et opposition. S’asseyant à la même table que la majorité, les leaders de l’opposition ne viendront certainement pas en gibier de potence, mais poseront sans doute des préalables logiques. Demander par exemple de vraies concertations pour déceler des solutions idoines aux problèmes de la Nation. De son côté, la majorité doit avoir l’humilité de reconnaître ses errements et ses erreurs, s’ouvrir à des critiques et accepter de prendre en compte les suggestions et propositions de l’opposition, dès lors que celles-ci sont reconnues pertinentes. C’est à ce prix que l’opposition se verra devant ses responsabilités historiques et son devoir patriotique de contribuer à la construction nationale. Si le pays n’appartient à personne seule, personne n’a le droit d’en exclure d’autres. A cet effet, la majorité doit tout mettre en œuvre, pour obtenir le soutien de l’opposition tout en reconnaissant les péchés du régime. Le jeu de cache-cache ne passera plus, place à la transparence. Jusqu’où la majorité présidentielle se montrera-t-elle disposée à réunifier la classe politique autour de l’essentiel ?
Les hésitations de la majorité présidentielle, ses reports sans motifs valables, et sa réticence au débat avec l’opposition républicaine et démocratique ne rassurent guère sur l’avenir de la Nation dont l’état exige un diagnostic urgent.
La mise en place d’un cadre de concertation lors de la première rencontre, le 2 décembre, suffira-t-elle à apaiser le front politique ? Certainement pas ; les images de Belkassoum Haïdara et de Tiebilé Dramé, conduisant les leaders de l’opposition, assis côte à côte, ne suffiront pas. Il faut aller plus loin pour donner un contenu à cette rencontre. Par cette rencontre, un pas nécessaire et audacieux a été fait ; il doit être maintenu gagné et faire plus. Etablir une expertise et savoir que les maux qui minent aujourd’hui la République, tirent leur racine dans la mal gouvernance, installée à demeure.
L’opposition aux dires de Tiébilé Dramé, est favorable au dialogue politique pour sauver le pays. Mais, on ne peut sauver quelque chose, sans faire un diagnostic de la situation. Selon lui, l’opposition est prête pour discuter et faire en sorte que le pays puisse se stabiliser. Face à cette urgence, pendant que le pays se trouve dans le creux des vagues, la majorité présidentielle conduite par Boulkassoum Haïdara semble jouer au dilatoire. Alors question : à quand l’attelage de sauvetage de la classe politique pour une même et seule destination commune dans l’intérêt supérieur du peuple malien ? Wait and see !
Youssouf Z KEITA
source : Le Républicain