La lutte pour son développement matériel est une valeur que l’on ne saurait dénier au monde occidental. Mais des griefs que l’on peut légitimement reprocher aux puissances occidentales, un des plus funestes réside dans leur propension à prôner des valeurs telles que les droits de l’homme, la démocratie… alors qu’elles les piétinent en réalité. Sur ce registre, les propos d’Aimé Césaire édifient: “une civilisation qui ruse avec ses principes est une civilisation moribonde.”
Dans le N° 822 du Monde Diplomatique de septembre 2022, les propos liminaires des journalistes Fanny Pigeaud et André-Michel Essoungou dans leur article ” LES MÉDIAS AU DIAPASON DE L’ÉLYSÉE. LES VOIX DE LA FRANÇAFRIQUE” disent:
“Ignorance ? Suivisme ? Patriotisme mal placé ? Les médias français épousent facilement le discours officiel lorsqu’il s’agit de l’Afrique. Les interventions militaires – de la Côte d’Ivoire au Sahel – seraient ainsi « utiles » et « désintéressées». Ce traitement biaisé rend incompréhensible l’échec d’opérations telles que « Barkhane » ou l’impopularité croissante de Paris sur le continent.”
Il se trouve que les médias en France ne sont malheureusement pas les seuls à s’accommoder de telles manipulations de l’information. Nombres d’organisations internationales (ONU, UE, UA, CEDEAO, Francophonie…), ONG (Amnesty International, Médecins sans frontières…) sont complices par le silence ou actrices de la manipulation de masse parce que cornaquées par des mains invisibles. Dans ce fatras de désinformations des femmes et des hommes se font souvent les porte-drapeaux de causes dont ils n’ont qu’une idée parcellaire et en ignorent d’autres qui les auraient révulsés s’ils en avaient une juste appréhension.
Ce maquillage malsain gouverne les relations entre certaines grandes puissances et l’Afrique depuis mathusalem. Les acteurs puissants changent au fil des siècles mais l’Afrique est demeurée l’entité dominée. Et le monde se refuse à accepter que cette Afrique s’épanouisse et sorte ainsi du cadre qu’on lui a défini.
Des données qui définissent les relations entre les dirigeants d’Afrique sub-saharienne et de bon nombre de ceux d’Occident, il en est une qui de par sa durée et sa persistance brille du feu de Dieu depuis des décennies. Elle s’appelle la soumission servile et rampante de ceux d’Afrique au sud du Sahara à l’oligarchie tantôt européenne, tantôt étasunienne. Notamment dans le cercle francophone, elle trône et se repait avec l’ignorance parfaite des peuples d’Europe et du reste de l’Occident qui, bien souvent, s’acharnent à ne pas voir ce qui pourtant crève les yeux. Finalement, ne pas voir est si commode.
Les dirigeants africains qui ont osé la témérité de s’y opposer sont dans les tombes, fracassés, parfois noyés dans l’acide pour un anéantissement immatériel. De concert, les médias globaux, des intellectuels, des gouvernements tirent à vue sur les dirigeants récalcitrants. On leur applique les termes péjoratifs et les vocables mélioratifs sont décernés aux supplétifs.
Et voilà que les autorités maliennes troublent encore une fois le bon fonctionnement de cette machine en franchissant le Rubicon. Elles ont osé porter plainte contre les violations de l’espace aérien malien, l’aide au terrorisme entre autres gentillesses contre la France dont les autorités osent tout en Afrique francophone.
En effet, le mardi 16 août 2022, les autorités maliennes déposent une plainte auprès du Conseil de Sécurité des Nations Unies contre la France pour plusieurs cas de violation de l’espace aérien malien parfois assorties de manœuvres dangereuses des avions de l’armée française contre des aéronefs du Mali; l’espionnage; les livraisons d’armes et de renseignements aux groupes terroristes. Les preuves sont si accablantes et si indéniables que, pour une fois, les autorités françaises restent muettes mais pas inactives en coulisse pour œuvrer à l’échec de la plainte du Mali.
Face à cette situation qui constitue une première dans l’histoire récente et passée de la France avec ses anciennes (et toujours) colonies d’Afrique noire, trois faits interrogent: le mutisme éhonté de la presque totalité de la classe politique malienne; la permanence des pratiques criminelles et prédatrices de la France sur le continent; la solidarité européenne et l’OTAN qui font bloc derrière la France afin d’empêcher toute procédure aux Nations Unies. Les nouveaux Otto von Bismarck, Léopold II…
Le premier des sujets de préoccupations pour le Malien de la rue désigne ce silence ahurissant de la classe politique malienne. Cette classe politique convaincue de l’incapacité de prendre et conserver le pouvoir en Afrique francophone sans l’absolution de Paris et son soutien se tait dans la honte malgré les preuves irréfutables qui, de par leurs précisions, empêchent toute tentative de réplique des autorités françaises. A l’unisson la France, l’Union européenne et d’autres nations occidentales s’esquintent à bloquer la plainte du Mali, d’empêcher qu’elle soit discutée parce qu’elle est imparable tellement elle fournit des preuves circonstanciées. Elles ont les mains sales, l’âme souillée par des siècles de crime.
Cette classe politique malienne est désormais disqualifiée parce qu’incapable de défendre le peuple malien, trop engluée dans des ambitions personnelles. Des IBK en puissance.
Cette lâcheté assumée est de provenance lointaine et certainement incontrôlable sans une prise de conscience sur les mécanismes qui sous-tendent l’imprégnation de nos dirigeants à la chose. Nous nous en sommes expliqués le 24 octobre 2019 dans votre journal “L’Aube” par cette découverte d’Isabelle Mansuy, professeure à l’Université de Zurich. Son expérience fait partie de celles menées sur des souris et ayant démontré qu’on peut inscrire la peur dans leur mémoire sur plusieurs générations. Ces études épigénétiques nous permettront un jour de savoir à quel moment la mutation s’opère pour que l’acquis se transforme en inné. Nous comprendrons comment cette peur panique s’est incrustée en l’Africain noir depuis les traites négrières, la colonisation, les meurtres des premiers présidents d’Afrique refusant la soumission. Le processus chez les souris ne passerait pas, selon les données, par une inscription dans l’ADN. Mais comment?
A cette hypothèse s’ajoutent les mécanisme de la manipulation telle celle, grotesque, sur la défaite de Laurent Gbagbo lors des élections présidentielles de Côte d’Ivoire en 2010.
Cela met en lumière la permanence des pratiques criminelles et prédatrices de la France sur le continent. L’homme avait gagné, mais la France de Nicolas Sarkozy, avec l’absolution de Barak Obama, des Nations Unies de Ban Ki Moon et des puissances occidentales a organisé son arrestation et son renvoi devant la CPI. On connait la suite. Les déclarations récentes de Fatou Bensouda, procureure de la CPI, qui s’était acharnée sur Laurent Gbagbo avec de fausses preuves renforcent l’ignominie des pratiques ourdies contre l’homme. Maintenant elle accuse Nicolas Sarkozy, mais au moment où le procès se déroulait, elle savait que toutes les pièces à charge contre le Président Laurent Gbagbo étaient viciées.
La manipulation avait amené beaucoup d’Africains à adhérer à la thèse fabriquée sur la défaite de Gbagbo et son refus de quitter le pouvoir.
Le mensonge est une technique bien rodée pour “abattre” les adversaires et cela avait bien marché contre Laurent Gbagbo.
Il fallait éliminer du jeu politique ivoirien l’homme qui se montrait intraitable sur les intérêts de la Côte d’Ivoire pour imposer le défenseur acharné des intérêts occidentaux par le coup d’état d’une puissance étrangère. L’arrestation de Laurent Gbagbo, de sa famille et proches le 11 avril 2011 par les troupes françaises envoyées par Nicolas Sarkozy. Ce n’était pas nouveau en Afrique. Pour rappel, le coup d’état de la Saint-Sylvestre de Jean-Bedel Bokassa, le 31 décembre 1965 contre son cousin David Dacko avec l’appui de la France. Ensuite retour de ce même David Dacko au pouvoir suite au nouveau coup d’état de la France le 20 septembre 1979, des noms de code d’opérations Bacan et Barracuda. Même méthode au Burkina Faso contre Roch Marc Christian Kaboré
En conformité au sens commun, être une démocratie revient à se considérer, en terme hygiénique, comme un État propre. On me dira que je confine la notion à une acception purement domestique. Passons… Mais retenons qu’une entité propre qui s’allie à une autre sale se compromet, se corrompt de façon irrémédiable. Partant, aucun des États qui se parent de cet attribut démocratique, dès lors qu’ils vendent, collaborent, échangent avec des États riches et voyous, n’est légitime à revendiquer ce statut. Ces pays, appelés démocraties parlementaires, s’enjolivent d’un vernis démocratique en interne et se comportent en dictatures brutales et sanguinaires à l’extérieur toujours en brandissant l’épée démocratique, notamment en Afrique et parfois au Moyen-Orient.
Il ne s’agit pas ici de verser dans l’apologie de la Chine et la Russie. Mais des cinq membres permanents disposant d’un droit de veto au Conseil de Sécurité des Nations-Unies, ce sont les seuls qui n’envahissent pas d’autres pays sous des prétextes fallacieux d’y défendre la démocratie et les droits de l’homme.
Les trois autres, États-Unis, France, Royaume-Uni, disposent encore de colonies, envahissent d’autres territoires, seuls ou sous le couvert de l’OTAN (parfois de l’ONU). L’OTAN, à la remorque des Étasuniens est devenue la principale puissance dominatrice et prédatrice en Afrique. Depuis l’effondrement du pacte de Varsovie en juillet 1991 et l’URSS, dont l’existence justifiait celle de l’OTAN, au lieu de s’auto-dissoudre aussi, elle s’est rapidement muée en gendarme maléfique mondiale.
Cela nous impose une triste chronologie.
Au Moyen-âge, l ‘esclavage et la traite négrière ont été mis en place, ensuite l’histoire écrite a établi que ce sont les Africains eux-mêmes qui ont commis les crimes abominables de se vendre les uns les autres. L’histoire humaine, dans les conflits entre les peuples, est jonchée de situations où une partie des pays vaincus collaborent avec les vainqueurs. Mais pour l’Afrique on en a fait l’acte majeur. Les collabos de la deuxième guerre mondiale en France n’ont hérité du même traitement consistant à étendre leur vilénie aux autres français. Mais pour les Africains on ne se gêne pas pour le mettre en avant. Les vérités variables en fonction des pays, des peuples.
Encore une question sur ce sujet.
Le bourreau est-il éligible à la même peine que le donneur d’ordre? Les personnes qui envoyaient les gaz mortels sur les prisonniers des camps de concentration auraient-ils commis ces crimes si les conditions n’avaient pas été réunies et organisées par les chefs? Peut-on organiser, planifier un crime pour se défausser ensuite sur les exécutants? Vaste débat…
Ensuite la colonisation des XVIIIème et XIXème siècles a été légitimée par le grossier alibi de l’œuvre civilisatrice des peuples arriérés.
Aujourd’hui les invasions sont justifiées par la volonté de débarrasser le monde d’un terrorisme créé volontairement pour déstabiliser et servir d’arguments pour s’imposer à d’autres peuples sur leurs territoires.
Parler ainsi, c’est s’attirer les foudres de ceux qui crient au complotisme dès que le moindre grief est adressé aux maîtres du monde occidentaux. Notre propos n’est pas de dire que la Chine et la Russie sont des anges mais elles n’ont commis ni les crimes de la traite négrière, ni ceux de la colonisation, et encore moins celui de la propagation des crimes sanguinaires appelés terrorisme. Le terrorisme planifié pour anéantir des populations entières. Un détournement de sens de la définition classique du terrorisme.
Et ces gens chassent en meute, ne se trahissent pas au contraire des Africains qui ont la peur inscrite en eux et ne connaissent que le sauve-qui-peut. La fabrique de la peur a fait son œuvre.
Ces dirigeants occidentaux sont très habiles à mal poser un problème ou à le fabriquer pour ensuite imposer leur volonté dans sa résolution qui est toujours à leur avantage. Aimé Césaire l’avait souligné dans le “Discours sur le colonialisme”.
On tue Kadhafi. Ainsi les armes de la Libye se disséminent dans le Sahel entre les mains d’individus parfois au service de ceux qui ont tué Kadhafi. Ensuite on pousse de hauts cris contre ce même terrorisme qui risque de déferler sur l’Europe.
SERVAL débarque, suivie de BAKHANE, les deux avec les mercenaires de la légion étrangère. Cela ne suffisant pas, on sonne le rappel et TAKUBA surgit avec l’OTAN. L’OTAN, la première puissance criminelle dans le monde à la remorque des États-Unis dont l’objectif principal reste d’empêcher la prééminence mondiale de la Chine en faisant main basse sur les ressources dont elle a besoin pour son développement.
Ce jeu malsain est accompagné d’une campagne médiatique mondiale relayée par certaines ONG financées en sous-main par des hommes-monde.
Dans ce schéma macabre, certaines chancelleries ont pris pour acquis définitif que les peuples d’Afrique subsaharienne resteraient les serfs du monde ayant toujours la portion congrue.
Ces peuples d’Afrique sortent de cette torpeur multiséculaire et réclament le respect, la fin du pillage, l’asservissement, la déshumanisation.
Les récentes manœuvres tendant à créer un clivage entre l’Afrique du Nord et le reste du continent échoueront. Les visites de la ministre allemande des Affaires étrangères de la République fédérale d’Allemagne, M. Annalena Baerbock au Maroc le jeudi 25 août 2022 et du président de la République Française, Emmanuel MACRON en Algérie les 26 et 27 août 2022 donnent à réfléchir sur la volonté de création d’une zizanie entre Africains, amoindrir les forces en les divisant comme cela a toujours été au niveau des dirigeants africains.
Désormais les peuples suivent les vrais dirigeants panafricains et disent: ABAS LES PETITS SOLDATS AFRICAINS SUPPLÉTIFS DE LA FRANÇAFRIQUE, L’EURAFRIQUE ET L’OTAN-AFRIQUE. ILS DISENT ENCORE: VIVE LES PEUPLES DU MONDE RESPECTUEUX DES AUTRES ET D’EUX-MÊMES.
Yamadou Traoré
Analyste politique.
Source: L’Aube