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Daouda Tékété, auteur du Recueil de poèmes africains : « Les Africains sont aujourd’hui comme à la dérive,…»

Les écrivains, le Mali en compte de plus en plus et de toutes les catégories. Daouda Tékété est un écrivain malien auteur de quatre ouvrages phares qui sont tous des produits de ses recherches voire de ses expériences. Son dernier livre est le Recueil de Poèmes africains. Nous l’avons rencontré autour de ce livre. Lisez l’interview !

Le Pays : Qui est Daouda Téketé ?
L’auteur : Je m’appelle Daouda Teketé. Je suis journaliste, écrivain.  Je dirai que je m’essaye à l’écriture. Que dire de plus ?  En janvier dernier,  j’ai fait valoir mes  droits à la retraite. Mais auparavant, j’ai fait plus de 30 ans de service dans ma carrière professionnelle qui est partagée entre l’ORTM, mon service d’accueil de base et aussi le ministère de l’Éducation. Mais j’ai beaucoup plus travaillé au ministère de l’Éducation qu’à l’ORTM bien que les gens retiennent de moi le journaliste à la télévision nationale. J’ai fait 20 ans au ministère de l’Éducation comme conseiller chargé de la communication  où j’ai travaillé avec 8 ministres de l’éducation à savoir : feu Bakary Traoré qui a été assassiné suite aux évènements de mars  1991 ; ensuite, j’ai continué avec Issa N’diaye , Baba Aguib Haïdara, Mme Diallo Fanta  Camara, Adama Samassékou , Mme Sidibé Aminata Diallo, Salikou Sanogo et enfin Adama Wane. Voilà les 8 ministres avec lesquels j’ai travaillé sur une période de 20 ans. C’est vers la fin de ma carrière professionnelle à l’ORTM que je me suis lancé dans  l’écriture. Aujourd’hui, j’ai produit quatre livres qui portent essentiellement  sur l’Afrique,  le Mali.

Comment comprendre votre  titre ‘’ recueil de proverbes africains’’ ? 
J’ai fait un recueil de proverbes africains ou j’ai recueillis plus de 5000 proverbes africains que je présente par pays, par ethnie, par thème et dont certains sont expliqués avec  une ouverture   sur les proverbes de la diaspora noire à l’extérieure du continent, comme la Guadeloupe, la Martinique, le Haïti, la Guyane et j’en passe. Je suis arrivé à cela, suite à mon expérience d’écoute depuis ma tendre enfance. La première fois où j’ai entendu des proverbes, c’était avec ma grande mère qui habitait à Guetema, une bourgade de peulh, à neuf kilomètres au sud  de Nioro du sahel. Tout jeune, avant même que je n’entre à l’école, j’ai été avec ma mère dans son village natal à Guetema où toutes les nuits autour du feu elle nous racontait des contes. Une fois en conclusion d’un conte, elle a dit deux proverbes : « La vache qui aime son petit le lèche même quand il a grandi », et  « La vache bouscule son veau, mais ne le hait pas ». Ce sont des  contes qui me sont restés en mémoire. Alors depuis ce jour, je faisais extrêmement attention à tout ce que ma grande mère  disait.  Les proverbes qu’elle utilisait quotidiennement dans ses conversations avaient tous des  corrélatifs dans la vie de tous les jours.  Ils traduisaient un sens profond du savoir-vivre en société. Alors ces choses me sont restées en tête, j’ai évolué avec ça à l’école. Je me suis dit : « Est-ce que tôt ou tard je ne ferai pas un livre sur les proverbes africains ? » Voilà ce qui m’a motivé  et qui a fait que finalement, cette année, j’ai produit le  »Recueil de proverbes africains »  dans lequel on  peut lire plus de cinq mille (5000) proverbes africains.

Pouvons-nous savoir d’où vient l’inspiration de Daouda Teketé ?
Mon inspiration, ça vient de mes  constats dans  la vie. Évidemment que j’ai été recruté à l’école héritée de la colonisation française. Tout mon parcours, même dans le cycle universitaire, rien presque ne nous disait ce que l’Afrique a créé, non seulement pour elle, mais  pour l’histoire même de l’humanité. Or, j’avais souvenance qu’on racontait très souvent que l’Afrique est le berceau de l’humanité. Est-ce que l’homme peut naitre en Afrique et n’avoir rien apporté à l’humanité dans la mesure où on dit que tous les hommes  sont issus de l’homme africain, de l’homme noir ?   C’est ainsi que d’écoute en écoute, d’étude en étude, avec tout ce que j’ai accumulé pendant ma formation à l’école fondamentale, au lycée, à l’université, je me suis dit qu’il faudrait que je fasse en sorte que ce que j’ai retenu, lu, compris que je le synthétise pour montrer qu’il n’est pas vrai que l’Afrique n’a rien apporté à l’histoire de l’humanité. Donc j’ai continué mes recherches, je suis tombé sur un auteur qui, je dirai sans exagération aucune,  a  été l’un de ceux  qui ont fortement contribué à réorienter la vision de l’Afrique sur l’Afrique elle-même. Je veux parler de Cheick Anta Diop. J’ai rencontré  des gens qui sont dans son sillage, des Maliens, des Français, des Camerounais et des Sénégalais. Je veux dire des historiographes, mais dont on qualifie d’Égyptologues. Alors j’ai lu, j’ai rencontré certains d’entre eux  par exemple Doumbi Fakoly qui, bien qu’il dise  qu’il n’est  pas Égyptologue, mais écrit, analyse   et expose les faits dans la même vision que Cheick Anta Diop. Grâce à Doumbi Fakoly, j’ai pu faire la rencontre  spirituelle et même technique et physique de certains Égyptologues comme Kalala Ombotimbé qu’on appelle Jean Philippe, mais qui s’est rebaptisé d’un nom africain, Kalala Ombotimbé, et aussi M’bong M’basson Lasconi, Louis Gomèz. Voilà autant d’historiographes qui évoluent dans le sillage de Cheick Anta Diop, dont j’ai pu lire les œuvres, pas parfaitement en entier, mais des extraits qui disent vraiment  l’essentiel de leur pensée. C’est  tout cela qui m’a  amené à vouloir écrire progressivement afin d’apporter aussi à partir de ma propre vision, de mon expérience et de mon vécu, ma contribution  à la consolidation des idées  qui ont été émises de Cheick Anta Diop à Doumbi Fakoly pour faire montrer que l’apport de l’Afrique à l’histoire de l’humanité est incommensurable et qu’il est grand temps que les Africains connaissent leur histoire, pas seulement connaitre,  mais qu’ils s’approprient de leur histoire.

Quelles sont les thématiques phares de ce ‘’recueil de proverbes africains’’
J’ai présenté les proverbes par pays et par ethnie. J’ai recensé ce que j’ai pu avoir comme proverbes dans différentes ethnies composant les 54 pays. Certes, je n’ai pas pris toutes les ethnies, mais celles dont j’ai pu avoir les proverbes. Ça c’est le premier chapitre. Le deuxième chapitre, c’est les proverbes par thème. Comment les Africains exprimaient leur sentiment vis-à-vis d’une maman à travers les proverbes? L’importance de la maman, de la  mère  dans la vie familiale des sociétés africaines ; on peut le sentir à travers les proverbes.  Nous avons aussi l’amour: quel sens donnait-on à l’amour ? Comment l’amour s’exprimait ou s’exprime  dans la pensée des sociétés africaines ? Le  cœur,  la parenté, le temps. Quelle compréhension les Africains ont du temps ? Comment se situent-ils vis-à-vis du temps ? Il y’a également  la valeur et l’effort, la vie et le bonheur, la paresse et le courage, la patience et la persévérance, la famille, etc. Le  troisième chapitre, c’est les  proverbes  africains expliqués. J’ai pris des proverbes qui m’ont paru difficiles  et j’ai tenté  de leur trouver des explications. Le quatrième  chapitre, c’est les proverbes de la diaspora noire à travers le monde: la Guyane, la Guadeloupe, la Réunion, le Haïti, la Martinique, etc. Un proverbe n’a  pas d’auteur généralement, mais évidemment il peut y avoir des proverbes avec des auteurs, mais cela est très rare.  J’ai aussi montré un peu l’historique du proverbe. C’est pourquoi je dis que  les Africains doivent se réapproprier de  leur histoire  afin   de se reconstruire. Comme on dit : « Qui ne sait pas d’où il vient ne saura pas où il va ».  Il n’y a rien de plus vrai que ça. Les Africains sont aujourd’hui comme à la dérive, tourmentés et orientés à tout vent parce qu’ils ignorent qui ils sont. L’Afrique a apporté infiniment plus à l’histoire de l’humanité que n’importe quel autre continent dans le monde. Aucun continent dans le monde n’a apporté à l’histoire de l’humanité autant que l’Afrique.

Une question beaucoup  plus subjective. Quel est l’auteur préféré de Daouda Teketé dans la littérature classique et contemporaine ?
Je l’ai déjà dit, celui dont je  m’inspire comme auteur dans tout ce que je fais comme  écrit,  c’est  Cheick Anta Diop. Celui-ci,  je dirais que  c’était  un savant au sens propre  du terme ; c’était  un savant qui nous renvoie à des  auteurs africains qu’on ne dit pas. Par exemple, combien d’Africains savent que Ahmès a été le plus grand mathématicien de l’histoire de l’humanité? Combien d’Africains savent que Imhotep  était le premier savant polyvalent de l’humanité? Il a embrassé tous les domaines de la connaissance  humaine. Aujourd’hui dans le domaine de la médecine, on parle du serment d’Hippocrate, mais c’est faux ! C’est le serment d’Imhotep. Les auteurs  grecs  même ont dit qu’Hippocrate n’a fait que transcrire le serment d’Imhotep. Combien d’Africains le savent?  Et si nous ne revenons pas à nous-mêmes, nous allons toujours rester dans cette situation de complexé et aussi longtemps que nous serons complexés, nous n’avancerons jamais. Si je dis complexés, c’est-à-dire nous croire   inférieurs aux autres. C’est pourquoi mon combat sur les traces de Cheick Anta Diop, de Doumbi fakoly  qui,  pour moi, est un combat noble parce que j’ai la conviction profonde qu’aussi longtemps  que l’Afrique sera sous-estimée par les autres et les Africains eux-mêmes,  le monde ne sera pas stable. Tant que  dans le monde il y aura  de l’injustice par le fait que certains hommes  considèrent d’autres comme inférieurs, il n’y aura pas de paix dans le monde, il n’y aura pas de stabilité. Et pire, tant que les autres continents sous-estiment l’Afrique et que l’Afrique se sous-estime elle-même, il n’aura pas de paix et de stabilité dans le monde. Il faudrait qu’on prenne conscience de ça pour réorienter l’évolution des relations internationales   actuelles   pour avoir cette paix et cette stabilité tant recherchée dans le monde.

Avez-vous d’autres projets d’écriture ?
Oui. J’ai déjà écrit quatre livres et j’ai encore de grandes ambitions  pour  l’écriture.

Votre dernier mot?
Mon dernier mot, c’est de dire aux Africains, quels qu’ils soient, de chercher à mieux se connaitre. Toutes les cultures du monde sans exception sont unanimes à reconnaitre que  la meilleure des connaissances, c’est la connaissance de soi même. Aussi longtemps que nous les Africains nous ne chercherons pas à nous connaitre,  soyons convaincus que nous irons de mal en pire. C’est ce qu’on dit d’ailleurs tous les jours: « Quand tu ne sais pas d’où tu viens, tu ne sauras jamais où tu vas ». C’est ce qui nous frappe aujourd’hui, nous les Africains. Nos langues, on les a toutes abandonnés,  même à l’assemblée nationale, c’est le français qu’on parle, même quand un député s’exprime dans sa langue nationale, on prend un interprète pour traduire  en français. Alors notre configuration sociolinguistique est telle que la plupart des Maliens, même s’ils ne savent  pas le  parler, comprennent le bambara. L’Afrique est le seul  continent où la majorité des enfants sont éduqués dans une langue étrangère. Ce qui ne se fait dans aucun autre continent dans le monde. Le chinois ne s’est jamais développé en Anglais ; c’est en Chinois.  Les connaissances que nous avons dans nos langues, nous ne pourrons jamais   avoir ça dans une langue étrangère. Réformons notre école et le contenu de nos programmes. L’école va à la dérive parce qu’on n’apprend rien aux enfants qui puissent les aider à se connaitre, à s’aimer, à aimer leur pays et aller de l’avant. On ne peut pas aimer quelque chose qu’on ne connait pas, ou développer quelque chose qu’on n’aime pas. Voilà pourquoi les Africains ne se développent jamais. Nous  ne pourrons en sortir de cette situation  que quand nous aurons  orienté  notre  éducation et notre formation vers la connaissance de nous-mêmes. Améliorons ce que nous sommes et ce que nous avons, sinon nous nous conduisons directes au chaos.

Réalisée par ISSA DJIGUIBA

Source: Le Pays

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