A quelques encablures des prochaines élections présidentielles, tout porte à croire que la saignée dans l’entourage du président de la République n’est pas sur le point de prendre fin. Plusieurs mouvements politiques s’opposant à Ibrahim Boubacar Keita ont été créés et beaucoup d’autres sont en gestation. L’on comprend aisément l’isolement continu d’un patron dont le bilan plaide peu en sa faveur
En 2013, le candidat du Rassemblement pour le Mali (RPM) à l’élection présidentielle a été élu à la magistrature suprême par plus de 77 % des Maliens. Il n’y a pas de doute que nos compatriotes croyaient en la capacité d’Ibrahim Boubacar Keita de remettre le pays sur les rails. Grâce notamment à ses rhétoriques politiques et sa longévité dans les hautes sphères de l’Etat, le natif de Koutiala s’était imposé comme « l’homme providentiel » pour la nation, celui à qui les citoyens devaient confier les rênes du pays pour cinq longues années. Le futur boss de la République a ratissé large. Ses soutiens étaient légion, aussi bien au sein de la société civile que de la classe politique et de l’armée. Mais, au fil du temps, nombreux sont les courtisans du chef de l’Etat à avoir pris leurs distances avec lui, isolant davantage un IBK, qui n’a pas été aidé par sa propre formation politique. A quelques encablures des prochaines élections présidentielles, tout porte à croire que la saignée dans l’entourage du premier responsable de la nation n’est pas sur le point de prendre fin. Plusieurs mouvements politiques s’opposant au successeur de Dioncounda Traoré ont été créés et beaucoup d’autres sont en gestation. L’on comprend aisément l’isolement continu d’un patron dont le bilan plaide peu en sa faveur.
Le RPM n’a pas facilité la tâche au président de la République. Inattendue avant la chute de feu le régime ATT, l’arrivée d’IBK aux commandes du Mali n’a pas du tout laissé ses lieutenants au sein de son parti politique indifférents. Ces derniers, au lieu d’appuyer les initiatives de leur champion de président, ont vu le soleil devant leur porte et devaient monter sur leurs grands chevaux pour la moindre des raisons. Prétextant que les trois premiers chefs de gouvernement choisis par IBK devaient venir des rangs du parti présidentiel, les poulains du chef de l’Etat ont livré une guerre sale aux personnalités sur lesquelles il avait jeté son dévolu pour diriger le gouvernement. Oumar Tatam Ly, Moussa Mara et Modibo Keita ont fait les frais du mécontentement des cadres du parti du Tisserand.
Engagement
Les actions des gouvernements qu’ils pilotaient ont été entravées et le pays mis en hibernation à cause d’œuvres malsaines de proches du président de la République. Pour satisfaire son parti et donner des chances de succès à ses projets, IBK a finalement opté pour un PM issu du RPM. Vice-président du parti présidentiel, Abdoulaye Idrissa Maïga est Premier ministre depuis bientôt 9 mois. Toutefois, les choses ne bougent toujours pas dans le sens souhaité et l’on a l’impression que le président doit aller au charbon tout seul. Les partisans d’IBK s’affairent plutôt à sauver leurs postes et leurs intérêts politiques que d’aider le père fondateur du RPM à relever les défis qui se dressent devant lui.
L’activisme d’anciens proches collaborateurs du chef de l’Etat symbolise également son isolement. Si le vétéran Modibo Keita se tient éloigné du terrain politique et autres activités sociales, tel n’est pas le cas pour ses deux prédécesseurs sous IBK à la primature. Moussa Mara, Oumar Tatam Ly et IBK ne se sont pas quittés en bons amis. Amer depuis son éviction de la primature, le premier, qui a, entre temps quitté la Convention de la majorité présidentielle (CMP), ne cache plus ses ambitions présidentielles. Moussa Mara pourfend régulièrement le système en place et se présente comme un sérieux candidat pour l’alternance.
A la différence de son bouillant cadet, Oumar Tatam Ly joue à la sérénité. Depuis Dakar, où il travaille à la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bcéao), il suivrait la situation de près et serait dans les starting-blocks au moment opportun. On lui prête déjà la paternité de plusieurs associations politiques qui lui demandent de se porter candidat à la présidentielle de l’an prochain. D’ailleurs, dans certains milieux, l’on susurre que l’ancien ministre de l’Administration territoriale et récent démissionnaire de l’armée, Moussa Sinko Coulibaly préparerait le terrain pour son ex-chef de gouvernement. Rien n’est moins certain même si le soudain intérêt du général Coulibaly, proche de l’ex-junte au pouvoir, pour la politique prouve à suffisance qu’il n’y a plus d’atomes crochus entre IBK et les milieux proches des ex-mutins de Kati.
L’opposition politique qui affirme être prête pour l’alternance voit donc ses rangs grossir. Le chemin menant au changement est encore long même si les défections parmi les proches d’IBK permettent aux détracteurs de ce dernier d’entretenir l’espoir d’un changement réel.
Ogopémo Ouologuem
(correspondant aux USA)
les echos