L’Afrique subsaharienne connaîtra un taux de croissance prévisionnel à plusieurs vitesses en 2016. Pendant que des pays atteindraient moins de 1,4%, d’autres verraient un produit intérieur brut à plus de 6%. Les raisons sont diverses, les mesures correctives variant d’un pays à un autre, en fonction du choc subi.
Nos parlements voteront, le 31 décembre 2016 au plus tard, les Lois de finances initiales pour 2017. En attendant l’adoption de ces projets de budget, le rapport 2016 du Fonds monétaire international (FMI) sur les perspectives économiques de la région Afrique subsaharienne prévoit un taux global de croissance très faible de l’ordre de 1,4% du Produit intérieur brut (PIB) pour 2016. Ce qui est, selon Céline Allard, chef de la division des études régionales au Département Afrique du FMI, en deçà des 3,5% enregistrés en 2015 et des 5% observés dans la région entre 2010 et 2014. Le taux de croissance économique de l’Afrique subsaharienne devrait descendre en 2016 à son plus bas niveau depuis plus de vingt ans, déplore le rapport qui a été publié le 25 octobre dernier. « Le taux de croissance économique de la région ne devrait atteindre que 1,4 % cette année. Ce rythme de croissance est bien inférieur à celui de la croissance démographique », prévient le document intitulé «Une croissance à plusieurs vitesses». Il marque ainsi, de l’avis des experts, une nette rupture par rapport aux taux de croissance élevés de ces dernières années. Qu’est-ce qui explique cette prévision de recul du taux de croissance ? Ce ralentissement, selon le directeur du département Afrique, Abebe Aemro Selassie, tient à deux facteurs principaux. La première cause est la détérioration de l’environnement extérieur pour beaucoup de pays de la région. Les cours des produits de base sont à leur plus bas niveau depuis plusieurs années. Les conditions financières se sont sensiblement durcies. L’autre raison provient du fait que les autorités, dans un grand nombre de pays touchés par ces chocs de détérioration, ont réagi tardivement et de façon inadéquate. « Ce qui a accru l’incertitude, découragé l’investissement privé et empêché de nouvelles sources de croissance de se développer », a-t-il commenté. Toutefois, le chiffre global de la croissance masque une diversité considérable au sein de la région subsaharienne. « La moitié des 45 pays suivis par le FMI pourront connaître une croissance supérieure à 4% », commente Céline Allard, dans une interview audio publiée sur le site internet du FMI. Ces pays qui sont peu tributaires des exportations de produits de base continuent d’enregistrer de bons résultats. L’experte du FMI cite en exemple des pays comme la Côte d’Ivoire, l’Éthiopie, le Sénégal et la Tanzanie. Selon les prévisions du FMI, ces pays continueront d’enregistrer des taux de croissance supérieurs à 6%. En revanche, les perspectives à court terme des pays exportateurs de pétrole se sont détériorées ces derniers mois. Les effets délétères de la chute des cours du pétrole se propagent à l’ensemble de l’économie. Le recul de l’activité risque de se pérenniser. « Beaucoup de pays exportateurs de produits de base autres que le pétrole continuent aussi de connaître des conditions difficiles », déplore le rapport. En perspective, le Fonds estime que la croissance pourrait remonter à près de 3% en 2017. Cette prévision de reprise est conditionnée à la mise en place rapide des réformes durant les prochains mois. Et, les pays exportateurs de pétrole doivent agir sans tarder, indique le rapport. Qui explique que, compte tenu de l’ampleur et de la persistance du choc, un effort d’ajustement global s’impose d’urgence. A ce titre, le FMI prône des mesures d’urgence à exécuter. Il plaide ainsi pour un ajustement budgétaire vigoureux, un renforcement des mesures de protection sociale, en réduisant par exemple les subventions accordées au carburant qui ont tendance à profiter aux plus riches (les propriétaires de voitures…) Le gain pourrait être redirigé vers les dépenses sociales. Le FMI conseille aussi des réformes structurelles pour améliorer la compétitivité et la diversification de l’économie. « Tout nouveau report des mesures nécessaires pour remédier aux déséquilibres macroéconomiques aura inéluctablement pour résultat de compromettre davantage les perspectives de croissance et de retarder l’évolution vers une reprise robuste et créatrice d’emplois », met en garde M. Selassie. Qui a souligné que l’Afrique subsaharienne restait une région dont le potentiel économique était immense (une population très jeune et qui croit vite). Pour lui, un ensemble complet de politiques publiques formant un tout cohérent sur le plan interne est nécessaire pour rétablir la stabilité macroéconomique dans les pays les plus touchés.
Synthèse
C. M. TRAORE
Source : Essor