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Crise entre le Mali et la France : Péché d’orgueil

Comme ceux du gouvernement malien, les propos du président français sont peu conformes à la décence diplomatique. Par arrogance ou volonté de rabaisser autrui, les deux parties ont favorisé l’escalade.

Sauf à croire en l’existence d’agendas cachés, le divorce entre la France et le Mali ne relève ni d’une quelconque «ingratitude» ni d’une stratégie mûrement réfléchie. A y regarder de près, il est la conséquence d’une accumulation de fautes et erreurs. © Montage Gabonreview

Des décennies durant, les élites progressistes d’Afrique n’ont eu de cesse d’inviter la France à changer de politique. Lui reprochant son soutien inconditionnel aux dictatures, elles pointaient sa propension à s’accommoder de la mal-gouvernance. Depuis quelques années, suite à l’enlisement de l’opération Barkhane, cette requête a laissé place à un sentiment anti-français. Au Sahel, comme dans la plupart des pays francophones, les réseaux sociaux bruissent de rumeurs mettant en cause la responsabilité de Paris dans le retard accusé par le continent. Dans ce tohu-bohu, les théories complotistes font florès, installant le doute sur les raisons de l’intervention française tout en légitimant des manifestations d’hostilité. Comme chacun a pu s’en rendre compte, l’épicentre de ce mouvement reste le Mali, le drapeau tricolore ayant été brûlé.

Erreur d’appréciation

Comment en est-on arrivé là ? Les accointances entre troupes françaises et groupes djihadistes ? Cette rumeur prend racines dans les liens entre la France et le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). Or, le MNLA ne figure pas sur la liste des organisations terroristes. S’il conteste le pouvoir de Bamako, ses revendications sont indépendantistes et non politico-religieuses. S’il a souvent eu recours à la lutte armée, son ambition n’est pas d’instaurer le khalifat. Alors président intérimaire du Mali, Dioncounda Traoré le présentait comme un interlocuteur éventuel, lui demandant cependant de renoncer à ses «prétentions territoriales.» Au risque de cultiver l’amalgame, on doit s’efforcer de faire la part des choses. Sans encourager les velléités sécessionnistes, on doit pouvoir établir la nuance entre Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), Ançar Dine et le MNLA. Est-ce une simple coquetterie si Choguel Maïga parle peu des groupes terroristes, préférant regrouper tout ce monde sous le label «groupes armés» ? A chacun de conclure…

Pour sûr, l’accord entre la France et le MNLA fut une erreur d’appréciation. Mais, au gré des circonstances, les autorités maliennes ont aussi pris la même option. En juin 2013, sous les auspices du ministre burkinabé des Affaires étrangères, un accord fut signé en vue du retour de l’armée régulière et de la tenue de la présidentielle dans la région de Kidal. De même, en mai 2015, la paix fut scellée entre le gouvernement malien et la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA). Au nombre des signataires, le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad, le Mouvement arabe de l’Azawad et…. le MNLA. Plus éloquent, dans la Charte de la transition, promulguée par le décret n° 2020-0072.PT-RM du 1er octobre 2020, le Mali affirme demeurer fidèle au processus d’Alger, c’est-à-dire à l’accord conclu avec la CMA. Assimi Goïta et ses acolytes pourront toujours indexer leurs prédécesseurs. Cela n’exonèrera jamais l’Etat malien de toute responsabilité. Ils pourront se servir de ces éléments pour légitimer leurs putschs. Leur stratégie n’en deviendra pas plus lisible pour autant.

Dirigeants peu aguerris

Certes, les dirigeants français ont souvent péché par arrogance ou mépris de leurs interlocuteurs. Certes, au terme de 10 ans d’intervention militaire, la situation ne s’est guère améliorée, laissant même l’impression de s’être dégradée. Mais, au vu des approximations véhiculées par certains leaders d’opinion, on peut parler sinon de mauvaise foi, du moins d’irresponsabilité. Eu égard aux réactions de certains officiels, on peut craindre une récupération politicienne. On peut même penser à un sentiment suscité, entretenu à des fins de légitimation. Sauf à croire en l’existence d’agendas cachés, ce divorce ne relève ni d’une quelconque «ingratitude» ni d’une stratégie mûrement réfléchie. A y regarder de près, il est la conséquence d’une accumulation de fautes et erreurs. Cause internationale d’une extrême sensibilité, la lutte contre le terrorisme s’est curieusement déplacée sur le terrain de l’orgueil personnel, se muant en une bataille d’ego entre Emmanuel Macron et Assimi Goïta.

Il y a quelques jours, le gouvernement malien invitait «les autorités françaises à retirer, sans délai, les forces Barkhane et Takuba (de leur) territoire.» En réponse, le président français annonçait la «réarticulation du dispositif», s’engageant à le faire «en bon ordre afin d’assurer la sécurité de la mission des Nations-Unies et de toutes les forces». Dans un cas comme dans l’autre, ces propos fleurent bon la volonté de rabaisser autrui ou tout au moins le péché d’orgueil. En tout cas, ils sont peu conformes à la décence diplomatique. Or, pour sortir des situations difficiles, il faut établir la différence entre les faits et les opinions, l’affectif et les sentiments. Autrement, on s’expose à tout, y compris à l’escalade. Pour le plus grand malheur des populations, éternelles victimes des maladresses de dirigeants peu aguerris.

 

Source: gabonreview

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