Notre compatriote Elmaestro Mahamadou Elmihidi Traoré fabrique des réfrigérateurs, des fontaines, des tables à base de calebasse. Cet inventeur assure que la calebasse est un isolent thermique naturel, un stabilisateur naturel de la température
De la capacité d’un pays à mieux cerner les enjeux de son développement en produisant les biens et services adaptés à ses besoins de consommation, dépendra en partie son progrès économique, social, culturel et environnemental. La recherche, l’invention et l’innovation technologique sont d’un apport inestimable en la matière.
C’est en ce sens que la créativité et l’inventivité permettent d’améliorer constamment la qualité de notre vie dans tous les domaines et renforcer notre capacité d’adaptation aux phénomènes qui s’imposent à nous. En la matière, nos créateurs et inventeurs notamment les artisans, semblent de plus en plus préoccupés par l’adaptation aux effets néfastes du changement climatique. Leurs productions tendent à renforcer notre résilience face au dérèglement climatique.
Elmaestro Mahamadou Elmihidi Traoré dit Calebasse est l’un de ces innovateurs qui s’imposent par leur savoir et leur savoir-faire. Designer sur calebasse, il est l’auteur de plusieurs créations, dont le frigo en calebasse. Grâce à cette invention, dont tout le Mali peut se réjouir, l’artiste décroche des distinctions au niveau national et international. Les prix d’excellence du premier Salon de l’habitat du Mali en 2001 et au Salon international de Ouagadougou (Siao) en 2006 sont, entre autres, distinctions à lui décernées pour la qualité de ses œuvres.
En décidant ainsi de valoriser ce matériau, il voulait attirer l’attention sur la nécessité de tenir compte de certains savoirs locaux. «Très tôt, j’ai compris que la calebasse était un accessoire du bois. J’ai alors reporté les techniques de transformation du bois sur la calebasse. Dieu a fait que j’ai pu réussir à fabriquer des frigos, des fontaines et des tables en calebasses», explique ce menuisier de profession qui explique que la calebasse est un isolent thermique naturel, un stabilisateur naturel de la température.
Les femmes peulhs vendent par exemple du lait (frais comme caillé) dans la calebasse qu’elles portent souvent sur la tête en parcourant des kilomètres à pieds sous le soleil. Que ce soit sous l’effet de la chaleur ou de l’humilité, l’intérieur de la calebasse ne transpire pas.
L’air ne la pénètre pas non plus de l’extérieur. Dans le pays profond, le reste du dîner de la veille y était conservé des heures sans qu’il ne se décompose, explique Elmaestro Mahamadou Elmihidi Traoré. «C’est pourquoi, nous adoptons les qualités physiques de la calebasse à la technologie du froid pour réussir des frigos et fontaines en calebasse», précise l’innovateur.
Outre l’invention de ces humidificateurs, notre artisan se dit également détenteur d’un brevet en économie de carbone et concepteur d’un dispositif de fourneaux pour blanchisseurs et cuisinières dénommé «Sinignèsigi». S’y ajoute l’invention d’une machine servant à cueillir les mangues.
ECONOMIE D’ÉNERGIE- Si elles sont vulgarisées, ces différentes créations peuvent aider le Mali à renforcer sa capacité de résilience face au changement climatique. «Aujourd’hui, nous avons un problème de développement durable, les ménages consomment du carbone, du bois de chauffe, rejetant ainsi du gaz à effet de serre en l’air. Ce qui est nocif à l’homme et son environnement. En chercheur designer, j’ai inventé des modèles de fourneaux iso-thermiques qui réduisent le temps de cuisson et permettent en même temps une économie en terme de consommation d’énergie pour les ménages», argumente l’inventeur.
Pour lui, le dispositif pour blanchisseurs minimise la consommation du charbon de bois par ces ouvriers. Aussi, le blanchisseur peut réaliser en deux heures l’équivalent des tâches qu’il accomplissait en 8 heures de travail. «Quatre blanchisseurs peuvent l’utiliser à la fois», vante-t-il, ajoutant qu’avec «la machine, vous pouvez cueillir un million d’hectares de mangues et vous ne perdez aucune mangue».
Mais pour que ces innovations puissent produire les effets souhaités, elles doivent être connues des consommateurs et produites en quantités suffisantes. En la matière, le soutien de l’état est indispensable. «Il faut valoriser les capacités, la connaissance et le savoir locaux.
Tant qu’on ne pense pas à cela, il est impossible d’avancer. Seul l’état dispose des moyens pour porter ce challenge en promouvant l’innovation, nos produits, etc. Cela est nécessaire pour avancer. Mais, attendre tout de l’extérieur, c’est choisir la voix contraire au développement que nous voulons», interpelle celui qui est chevalier de l’Ordre national. Son souhait aujourd’hui est de transmettre ce savoir-faire à la nouvelle génération. Car, estime-t-il, le problème dans l’artisanat, est que l’ingénierie qu’on a reste en famille.
OBJETS DE DÉCORATION- À l’instar de Mahamadou Elmihidi, la jeune dame Coumba Diakité évolue dans la gestion et le recyclage des déchets à travers son entreprise By’recycl. à partir de pneus usagés, l’entrepreneure fabrique des meubles et autres objets de décoration depuis 2018. Pour ce faire, elle utilise les tissus locaux notamment le bogolan, l’indigo. L’idée de départ, c’était de revaloriser les déchets en les transformant, selon Coumba Diakité.
Ses ressources étant limitées, elle a fait la politique de ses moyens en se focalisant sur les pneus usés. «Les pneus sont source d’énormes problèmes environnementaux et de santé. Ils sont incinérés par certains qui revendent les métaux qu’ils contiennent. Cette incinération pollue l’air entraînant des problèmes de santé dans les zones environnantes», soutient-elle.
L’entrepreneur ne compte pas s’arrêter à cet exploit. «Nous comptons lancer l’activité de granulage de pneus. Nous comptons utiliser le produit obtenu soit en revêtement de sol ou dans les bétons ou les poteaux», a explique Coumba Diakité qui sollicite l’accompagnement de l’état pour mener à bien son projet.
Aminata Dindi SISSOKO
Source : L’ESSOR