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Cour constitutionnelle : L’épineuse reconstitution

À la suite des échauffourées qui ont suivi la manifestation et l’appel à la désobéissance civile du M5-RFP, les 10 et 11 juillet 2020, le Président de la République, Ibrahim Boubacar Keita, a abrogé le décret de nomination des membres restants de la Cour constitutionnelle et promis sa reconstitution pour les prochains jours.  Si l’acte en soi est dans un esprit d’apaisement des tensions et pour une sortie de crise, il soulève également des interrogations. Au-delà des dispositions constitutionnelles, dont la crise actuelle a dépassé le cadre, quelle formule adopter pour reconstituer la Cour constitutionnelle ?

 

« Suite aux nombreuses analyses et consultations, sollicitations sur la crise post-électorale, et pour la sauvegarde et la préservation de la vie, même des membres restants de la Cour constitutionnelle, j’ai décidé (…) d’abroger le décret de nomination des membres restants de la Cour constitutionnelle et d’aller vers la mise en œuvre des recommandations issues de la mission de CEDEAO » , a déclaré le Président Ibrahim Boubacar Keita dans son adresse à la Nation le 11 juillet 2020.

Une dissolution qui devrait rapidement conduire à la désignation par les autorités compétentes de membres « pour qu’une cour reconstituée nous aide à trouver les solutions au contentieux issu des élections législatives ».

Mais cette mesure forte, qui a été longtemps attendue, semble aujourd’hui complexe quand il s’agit de l’appliquer dans le contexte actuel, sans la dissolution de l’Assemblée nationale.

Légalité ?

Pour le constitutionnaliste Dr. Souleymane Dé, il n’y a pas d’équivoque. L’abrogation du décret de nomination des membres de la Cour constitutionnelle n’est pas du tout légal dans les codes de droit.

« La Constitution, en son article 91, stipule clairement que la cour a un mandat de 7 ans et le juge constitutionnel n’est pas révocable. Il n’y a donc pas de possibilité de mettre fin à un mandat déjà en cours », souligne-t-il, reconnaissant toutefois que la solution de sortie de crise ne peut être que politique, une solution juridique étant quasi inexistante.

« Nous sommes aujourd’hui dans un contexte exceptionnel et la résolution de la crise dépasse largement les plans juridique et constitutionnel », plaide également Bréhima Mamadou Koné, politologue.

Le casse-tête de la reconstitution

Selon la Constitution, les neuf membres de la Cour constitutionnelle sont désignés par le Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale et le Conseil supérieur de la magistrature, à raison de trois membres pour chaque institution.

Toutefois, aujourd’hui, la question est posée concernant la désignation de trois juges par le Président de l’Assemblée nationale, l’Honorable Moussa Timbiné, qui est lui-même issu d’une circonscription électorale où l’arrêt de la Cour constitutionnelle sortante est contesté.

« De telles propositions paraissent encore plus insultantes à l’égard du peuple malien lorsqu’elles induisent qu’un président de Parlement frauduleusement élu puisse désigner au sein de la Cour constitutionnelle des juges censés statuer sur la régularité de sa propre élection, pourtant notoirement contestée et largement mise en doute aux yeux de l’opinion nationale et internationale », s’insurgeait le M5-RFP dans un communiqué, le 12 juillet 2020.

Dr. Souleymane Dé pense également qu’il pourrait y avoir un conflit d’intérêt, tout en se questionnant sur l’impartialité des juges nommés par l’Honorable Moussa Timbiné, qui seront amenés à statuer sur son cas.

Cependant, pour le politologue Bréhima Mamadou Koné, le fait que cette Assemblée nationale soit contestée aujourd’hui, ne peut pas constitutionnellement décharger son Président de ses prérogatives concernant la désignation des membres de la Cour constitutionnelle.

Selon lui, cela ne devrait pas poser de problème, parce que « ce qui s’est passé avec la Cour dissoute doit servir de leçon pour les juges constitutionnels qui vont être désignés pour constituer  la nouvelle Cour constitutionnelle ».

Par ailleurs, selon une source proche du Parlement, le choix de ces juges, bien que mis dans le quota constitutionnel du président de l’Assemblée nationale, ne serait pas  individuel et représenterait le résultat d’un consensus entre les différents groupes de députés à l’Assemblée nationale, comme c’est le cas pour la mise en place du bureau de l’Hémicycle.

Alors que les membres de la nouvelle Cour constitutionnelle devraient être connus dans les plus brefs délais, l’option d’une démission de l’Honorable Moussa Timbiné de la présidence de l’Assemblée nationale ne serait pas totalement exclue, à en croire certaines sources.

Germain Kenouvi

Journal du Mali

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