Lors d’une cérémonie de réconciliation entre bérets rouges et bérets verts qui s’étaient affrontés à sang, juste après le coup d’Etat du 22 mars 2012, le capitaine Amadou Haya Sanogo (auteur du coup d’Etat) a demandé pardon au peuple malien. Un pardon que nombre de nos compatriotes ont du mal à digérer.
Beaucoup de Maliens ne comprennent pas pourquoi c’est maintenant que le chef de l’ex-putschiste, le capitaine Amadou Haya Sanogo demande pardon au peuple maliens pour le grand tort qu’il lui a causé, alors qu’il avait eu plusieurs occasions pour le faire. Selon toute vraisemblance, le capitaine est resté longtemps dominé par sa fougue et croyait à son étoile. Mais, surpris et pris de court, vu la rapidité par laquelle la communauté internationale est venue au chevet du Mali, il a dû se rétracter. A-t-il aujourd’hui le choix de faire profil bas ? Tout porte à le croire, car il lui est difficile de continuer à tenir longtemps tête à la communauté internationale.
D’accord pour le pardon, mais doit-on faire table rase du passé récent peu reluisant ? De son passage de quelques heures à la tête du Mali, Sanogo a laissé des images sombres qui ne militent pas en sa faveur. En quelques semaines, il a fait perdre au pays sa splendeur et son rayonnement ; et cela, à travers de propos arrogants et décousus. Le capitaine n’a pas hésité à déclarer à la face du monde qu’il n’a jamais voté et qu’il ne croit même pas aux valeurs qu’incarne la démocratie.
En clair, il a souillé la mémoire des martyrs du 26 mars 1991. Pire, il a restreint les libertés avec l’arrestation arbitraire des hommes de médias et autres citoyens. Comme si cela ne suffisait pas, les villes nord du Mali s’étaient effondrées comme des châteaux de cartes. Et l’armée a été plongée dans une crise où le commandement a vu son autorité réduite. Mais, cela n’a changé en rien la détermination de l’ex-putschiste à persister dans la démesure.
Ainsi, il a réussi à manipuler une partie de l’opinion nationale qui s’est transportée à l’aéroport Bamako Sénou pour empêcher l’atterrissage de certains chefs d’Etat de la Cédéao. Du jamais vu dans l’histoire de notre pays. La suite, on la connaît. Toutes les couches sociales maliennes se sont donné rendez-vous à Ouagadougou pour sceller le destin du Mali qui était à terre.
Les Maliens peuvent pardonner. Oui, ils ont su toujours le faire, mais ils n’oublieront jamais les événements du 30 avril avec l’affrontement entre bérets rouges et bérets verts, dont les séquelles demeurent. Et la conséquence directe est la présence de deux armées dans un même pays : armée nationale et jihadiste. Pour ne rien arranger à son cas, Sanogo multipliait ses sorties médiatiques et défiait tout un peuple.
Oui le pardon, mais les Maliens ont en mémoire l’entêtement du capitaine à vouloir, coûte que coûte, tenir une Convention nationale souveraine qui, à terme, déterminera la transition. Certains Maliens peuvent pardonner par hypocrisie, mais d’autres, plus nombreux et avertis, ont eu du mal à comprendre l’entêtement de Sanogo à l’arrivée des forces étrangères au Mali.
Pour toutes ces raisons, le pardon qu’a demandé au peuple malien, le très zélé capitaine, n’a pas produit l’effet escompté. Au contraire, il a été un non-événement. Pardonner aveuglement à Amadou Haya Sanogo, c’est faire le dos large à l’impunité.
Paul MAHAMANE
Source: Le Reporter