Une véritable armoire à glace, la poitrine ornée de médailles, le béret rouge soigneusement plaqué sur la tête, le corps géant dans un treillis de commando, le kalach en bandoulière… l’image du Lieutenant-colonel Mamady Doumbouya qui a tourné en boucle durant toute la matinée d’hier dimanche sur les réseaux-sociaux a vite satisfait la curiosité de tous sur l’identité du nouvel homme fort de la Guinée. Celui-ci qui, en sa qualité de commandant du Groupement des forces spéciales guinéennes s’est attaqué au palais présidentiel pour déloger et ramener avec ses hommes le président Alpha Condé. Le doute n’est plus permis, le coup d’Etat a été consommé en Guinée. Qui est-il ? Faut-il voir une main cachée de la France derrière ce putsch ?
Au Mali, l’annonce d’une information de coup d’Etat ne fait plus sursauter. Mais celle de la République sœur de la Guinée a sonné comme une onde de choc auprès de l’opinion publique nationale. Dans un premier temps, cette information sur la chute du président Condé a été prise avec des pincettes. D’aucuns sur les réseaux sociaux parlaient de fake-new ou d’infox, d’autres minimisaient ces évènements au point de faire croire qu’il s’agit d’une énième émeute ou simple mutinerie des forces armées guinéennes. Tout cela, jusqu’à ce que sur une vidéo largement partagée, les uns et les autres ont découvert le visage d’un officier doté d’une physique imposante en train de lire une déclaration. Il s’agissait bien de celui du Lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, commandant du Groupement des forces spéciales de l’armée guinéenne. Dans cette déclaration, le Lt-Colonel Doumbouya proclame la mise en place d’un Comité national du rassemblement et du développement (CNRD) et invite les militaires à rester dans les casernes. Il annonce l’arrestation du président de la République, Alpha Condé, la suspension de la Constitution et du gouvernement, ainsi que la fermeture des frontières. Les raisons de ce putsch sont égrenées par l’officier Doumbouya en quatre maux : « la situation socio-politique et économique du pays, le dysfonctionnement des institutions républicaines, l’instrumentalisation de la justice, le piétinement des droits des citoyens ».
Pour corroborer cette déclaration, des images du désormais ancien président de la Guinée, Alpha Condé (entre les mains de ses tombeurs) ont tourné sur les réseaux sociaux. Les traits du visage tirés, habillé en chemise bazin trempé en indigo local sur un pantalon Jeans bleu. Puis, le nouvel homme fort du pays, dans un langage militaire fera sa deuxième déclaration sur le plateau de la chaine de télé nationale (RTG1).
« La Guinée est belle…Pas besoin de la violer, il faut juste la faire amour… » fin de citation.
Après ce coup d’Etat, le public voudrait savoir d’autres motivations profondes de ce changement de régime. C’est ainsi que de nombreux observateurs, sans autres formes de procès ont porté un doigt accusateur sur la France. Et ce, pour deux raisons fondamentales : les liens entre le nouvel homme fort et l’hexagone et les derniers développements de la coopération entre la Guinée et la France sous le magistère du président Condé.
Qui est le Colonel Doumbouya ?
Epoux d’une française, fruit de l’école de cavalerie de Saumur (une école où sont formés les officiers et sous-officiers des unités blindées de l’armée de terre, au combat blindé et de reconnaissance) dans le cadre de la coopération entre la France et les États africains partenaires pour la formation de gradés, le Lieutenant-Colonel Mamady Doumbouya est revenu en Guinée pour prendre les rênes du nouveau Groupement des forces spéciales de l’armée guinéenne. C’était en 2018 sur une demande expresse du même président Condé. Le Groupement dont il dirigeait était réputé comme l’unité d’élite de l’armée guinéenne. D’ailleurs, durant cette année 2021 même, le lieutenant-colonel Doumbouya a tenté de rendre le Groupement des forces spéciales moins dépendant du ministère de la Défense nationale. Toute chose qui a suscité la méfiance du pouvoir guinéen à son égard. C’est dans cette atmosphère de méfiance qu’on a annoncé en mai 2021, son arrestation par le président Condé. Il n’en était rien.
C’est donc ce dimanche 5 septembre aux environs de 8 heures que le Lt-Col Doumbouya et ses hommes sont passés à l’acte avec professionnalisme et sans effusion de sang. Les premières informations faisaient cas des coups de feu d’armes lourdes entendues aux alentours du palais de Sekhoutereya.
Faut-il voir une main cachée de la France derrière ce putsch ?
Au regard de l’évolution rapide de ces évènements en Guinée, tous les observateurs aguerris ont pointé un doigt accusateur sur la France d’Emmanuel Macron. Cela, pour deux raisons fondamentales.
D’abord, au regard du profil du nouvel homme fort, le Lieutenant colonel Mamady Doumbia, un légionnaire français issu de l’école de cavalerie de Saumur (France). Ensuite, le climat tendu entre le président Macron et son homologue de la Guinée, Alpha Condé depuis sa réélection en novembre 2020 pour un troisième mandat.
Pour rappel, lors d’une conférence de presse, le président français, Emmanuel Macron a été sans concession contre le président Condé. Surtout lorsqu’il a déclaré ne pas adresser de lettre de félicitations à son homologue guinéen, à cause du fait qu’il : «a organisé un référendum et un changement de la Constitution uniquement pour pouvoir garder le pouvoir ». D’ailleurs, après ce coup d’Etat, contrairement à son habitude, l’Elysée (jusqu’au moment ou nous mettions sous presse) n’avait pas fait de déclaration de condamnation. Le ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères a tout simplement fait un communiqué pour inviter ses ressortissants à la prudence. « Compte tenu de la situation sécuritaire actuelle en Guinée, il est instamment recommandé de rester en lieu sûr et d’éviter tout déplacement. Dans ce contexte, il est recommandé aux Français de passage en Guinée de faire preuve de la plus grande vigilance, de se tenir informés de l’évolution de la situation en consultant les recommandations de l’Ambassade et les Conseils aux voyageurs » pouvait-on lire dans ce communiqué.
Moustapha Diawara LE SURSAUT
Source: LE COMBA