Le coup d’Etat de l’armée burkinabé a déplacé Roch Marc Christian Kaboré du pouvoir ce lundi 24 janvier. Les suites du coup d’Etat inquiètent la France, et ce après une déstabilisation croissante de sa position en Afrique de l’Ouest.
Emmanuel Macron au côté du président burkinabé Roch Kaboré, en novembre 2017, à Ouagadougou (Burkina Faso). PHOTO / LUDOVIC MARIN / AFP.
C’est le troisième coup d’Etat en 8 mois en Afrique de l’Ouest. Ce lundi soir sur les télévisions nationales burkinabées étaient diffusées les images d’un groupe de militaires annonçant la capture du président Kaboré ainsi que sa démission forcée. Cela faisait plusieurs semaines que la situation se dégradait au Burkina Faso, notamment après la démission du Premier Ministre Dabiré à la suite des mobilisations massives du mois de décembre dernier.
Une crise supplémentaire pour l’impérialisme français
Selon une note publiée ce mardi par African Intelligence les diplomates et militaires français préparaient depuis septembre l’éventualité un coup d’Etat organisé par l’armée et avaient proposé une exfiltration d’urgence dès dimanche au président Kaboré. La crise s’inscrit donc dans une grave déstabilisation de la position française dans la région depuis les précédents coup d’Etat en Guinée Conakry mais surtout au Mali ainsi que de la montée d’un profond sentiment de rejet de l’impérialisme et des opérations militaires comme Barkhane et Sabre, dans le cas du Burkina Faso.
Les causes principales du coup d’Etat selon les militaires menés par le colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba (militaire lui-même formé en France) seraient avant tout l’incapacité de l’Etat à faire face à la multiplication des groupes terroristes comme Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI) et l’Etat Islamique ainsi que de leurs attaques qui auraient occasionné depuis 3 ans le déplacement de plus de 1.6 millions d’habitants. A la suite de la prise de pouvoir par les militaires, ces derniers ont annoncé la mise en place d’un couvre-feu ainsi que la fermeture des frontières du pays et la suspension du gouvernement, de l’Assemblée nationale et de la Constitution.
L’armée Burkinabée souligne l’impuissance du gouvernement de Kaboré à faire face aux attaques de djihadistes ayant fait plus de 2000 morts ces derniers mois. Celle-ci oublie sa responsabilité dans de graves exactions comme celles dénoncées en 2020 par le journaliste Rémi Carayol pour Orient XXI comme les rafles et massacres perpétrées sur les populations civiles par l’armée dans le prétendu cadre de la lutte contre les groupes rebelles ou djihadistes dans les zones rurales. Il faut aussi rappeler l’importante responsabilité de l’armée française agissant comme une véritable armée d’occupation dans les zones rurales des pays d’Afrique de l’Ouest et du Sahel au travers l’opération Barkhane.
Le spectre d’une déstabilisation supplémentaire à celle ayant déjà lieu au Mali (ainsi qu’en Guinée Conakry) pour la position française inquiète la France et la CEDEAO. Emmanuel Macron a déclaré condamner ce coup d’État militaire tout en s’en remettant à une décision collective à la Cédéao. Pour rappel, celle-ci a démontré encore récemment son rôle d’organisation régionale vassale aux intérêts de l’impérialisme français dans la région en organisant un embargo économique historique contre le Mali.
Dehors l’impérialisme français, aucune confiance envers les militaires !
La promesse d’un retour à un « ordre constitutionnel accepté de tous » rappelle les images de la chute de « IBK » au Mali en août 2020, avant que l’actuel président Malien Assimi Goïta n’annonce une transition démocratique que dans l’horizon 2025. Comme à son habitude Emmanuel Macron a dénoncé le coup de force avec sa lecture variable du respect de la constitution, alors que celui-ci avait soutenu le coup d’Etat mené par le fils d’Idriss Déby au Tchad.
Cette crise ouvre de nouvelles brèches pour les autres puissances dans la région. C’est ce qui pourrait notamment expliquer les déclarations du russe Prigojine, chef présumé du groupe Wagner qui inquiète déjà tant la France au Mali et qui a indiqué souhaiter partager son expérience auprès des militaires burkinabés. On ne peut pourtant avoir aucune confiance en la Russie et ses groupes paramilitaires pour une prétendue lutte contre l’impérialisme quel qu’il soit. Cette crise entre aussi dans le contexte où le gouvernement malien vient de demander à plusieurs reprises le retrait des troupes danoises de l’opération Takuba sur son territoire, en guise d’avertissement pour la position française de plus en plus complexe dans le pays.
Dans cette situation, il faut dénoncer avec force la position militaire de la France dans la région ainsi que de ses vassaux régionaux organisés par la Cedeao. Les positions et les agressions impérialistes de la France et de ses alliés construisent la légitimité des Etats militarisés au Mali et maintenant au Burkina Faso. Mais aucune illusion ne peut être concédée aux gouvernements putschistes locaux. Comme nous l’indiquions déjà dans un précédent article de Philippe Alcoy : « Ce n’est pas derrière les militaires qu’ils mettront fin à la domination néocoloniale. La classe ouvrière et l’ensemble des exploités et opprimés se trouveront très rapidement dans une impasse s’ils n’arrivent pas à construire leur propre organisation politique, de classe et indépendante des impérialistes mais aussi de l’armée et des différentes fractions de la bourgeoisie nationale, qui a démontré savoir très bien s’entendre avec les différentes puissances étrangères depuis l’indépendance du Mali. »
Source: revolutionpermanente