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Corruption au Mali: le plan de riposte du Pôle économique

« Sans acharnement ni a priori, mais avec objectivité et détermination, nous envisageons d’ouvrir systématiquement des enquêtes sur tous les cas de corruption dont nous aurons connaissance par suite de plaintes, de dénonciations ou par d’autres voies », c’est l’assurance donnée par le nouveau Procureur en charge du Pôle économique et financier de Bamako, Mamoudou KASSOGUE, dans un grand oral, hier, dans une des salles d’audience du Tribunal de grande instance de la Commune III du District.

Pour cet exercice inaugural qui intervient seulement 10 jours après sa prise de fonction, M. KASSOGUE était entouré de certains de ses collègues.
Le contexte
Premier point abordé, le contexte dans lequel il entre en fonction où beaucoup d’affaires de corruptions sont révélées ou dénoncées, tant dans la Rapport 2018 du Vérificateur général que dans la presse et par les lanceurs d’alertes ; un moment où la perception (différente de la réalité) de la corruption dans notre pays est fortement évoquée. Pour le Juge anti-corruption : « la corruption existe certes sous tous les cieux et dans toutes les couches socio-professionnelles, mais l’ampleur avec laquelle le phénomène est actuellement perçu au sujet de notre pays, tant au plan national qu’international est inquiétante et doit nous interpeller tous ». Pour lui, la situation est tellement critique que si nous ne voulons pas perdre défensivement le combat contre la corruption et donc le combat pour le développement, nous devons promptement nous ressaisir.
Le Procureur a également souligné que la Justice, dans le dispositif de lutte contre la corruption, n’est qu’un élément ; elle n’est pas la seule responsable de la lutte.
Les quatre griefs
Deuxième point développé par le magistrat, les quatre griefs qui sont généralement formulés contre la justice par rapport à la lutte contre la corruption.
S’agissant de la lenteur, il a expliqué que la justice a besoin de temps pour comprendre et faire la part des choses ; identifier les vrais auteurs et éviter que des innocents ne soient condamnés.
Concernant le non-aboutissement des enquêtes, il estime qu’il faut nuancer. Et pour cause, a-t-il fait savoir, la plupart des dossiers de corruption portent sur des faits criminels (dès que le seuil est supérieur ou égal à 10 millions en matière d’atteinte aux biens publics) qui nécessitent l’ouverture d’une information qui peut prendre du temps. Aussi, a-t-il souligné, les cas qui sont jugés au correctionnel et en Assises, mais qui ne sont pas portés à la connaissance du grand public.
Pour ce qui est du nombre élevé de classements sans suite, le Procureur KASSOGUE impute cela à des causes liées à l’action publique elle-même. Concrètement, il s’agit des cas de prescription, d’amnistie, d’abrogation de la Loi pénale, de mort du mis en cause. A cela, il ajoute qu’il peut arriver que les faits ne soient pas de nature pénale.
« C’est aussi souvent une question d’appréciation d’opportunité ou non de poursuivre, compte tenu du contexte de l’affaire et de l’environnement socio-politique et économique du moment », a-t-il conclu sur ce grief.
Enfin, s’agissant du silence de la justice sur les cas de corruption révélés, le Procureur indexe un problème de culture, en ce sens que les juges ne sont pas habitués à se saisir des informations reçues en dehors des canaux officiels. Mais aussi évoque-t-il des difficultés à réunir les éléments de preuve dans la plupart des cas.
La méthode et l’ambition
La méthode du Procureur KASSOGUE se décline ainsi : « en dépit des nombreux défis au niveau du Pôle économique et financier, nous entendons pleinement jouer notre partition dans la lutte contre la corruption avec engagement, détermination et responsabilité (…). Nous nous engageons dans la limite de nos attributions et des moyens qui seront mis à notre disposition, à mener une lutte objective et transparente contre la corruption ».
C’est ainsi que, a-t-il ajouté : « sans acharnement ni a priori, mais avec objectivité et détermination, nous envisageons d’ouvrir systématiquement des enquêtes sur tous les cas de corruption dont nous aurons connaissance par suite de plaintes, de dénonciations ou par d’autres voies ».
Dans cette veine, il compte de capitaliser et d’améliorer toutes les bonnes pratiques acquises au contact de la réalité et au fil des formations reçues, mais aussi celles qui ont été léguées par les devanciers à qui il a rendu un hommage. Tout cela sera complété par une part personnelle de bonnes pratiques.
De ce point de vue, le Procureur annonce certaines actions fortes.
Nul n’étant au-dessus de la Loi, a-t-il souligné, des poursuites seront systématiquement engagées contre toutes les personnes que les enquêtes feront découvrir comme étant présumés auteurs, coauteurs ou complices de faits de corruption. Bien sûr, les dossiers concernant les personnes bénéficiant du privilège de juridiction seront transmis à qui de droit. En tout cas, il donne l’assurance que les classements sans suite n’interviendront que dans les cas où ils seront inévitables par la loi.
« Dans tous les cas, il n’y aura pas de rétention de dossiers à notre niveau et le traitement des dossiers sera fait au mieux des intérêts de l’État, donc de l’intérêt général de l’ensemble des Maliens et dans le strict respect des droits de la défense », a-t-il rassuré.
L’ambition au terme de la mission, selon M. KASSOGUE, est de contribuer à réduire de façon significative le délai de traitement des dossiers de corruption ; contribuer au jugement d’un nombre appréciable de dossiers de corruption ; assurer l’exécution diligente des condamnations à l’amende et au remboursement et des confiscations ordonnées…
Les difficultés
Mais, l’ambition du Pôle économique pourrait être contrariée par certaines difficultés que cite le Procureur KASSOGUE : la faiblesse des moyens mis à disposition ; la non-extension des avantages du Pôle économique financier aux autres membres de la chaîne pénale en charge de la lutte contre la corruption ; les interventions tous azimuts et inopportunes dans les affaires judiciaires ; l’absence d’agents spécialisés au niveau des Pôles économiques et financiers ; l’obstacle des immunités et privilèges de juridiction ; les problèmes liés à la formation et à la spécialisation des personnels.
C’est pourquoi le nouveau Procureur anti-corruption, qui nourrit de grandes ambitions, sollicite l’accompagnement du pouvoir exécutif, des élus, des structures de contrôle et de vérification, de la société civile…
PAR BERTIN DAKOUO

Source: info-matin

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