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Coronavirus : Une journée à l’unité de soins

À l’Hôpital du Mali, plus précisément au niveau du centre de lutte contre la Covid-19, de jour comme de nuit, la devanture est bondée. Il y a plus de monde ici que devant les urgences. Une indication éloquente de la recrudescence de la maladie dans notre pays.

Le bruit des moteurs des véhicules est incessant. Régulièrement, les taxis ainsi que les voitures personnelles s’arrêtent devant la porte vitrée. Pourtant, il n’y a plus une seule place de libre dans le centre de soins. Plusieurs malades sont obligés de retourner faute de place. Les accompagnateurs des malades sont partout. Certains prennent place sur les bancs publics en béton dans la cour. D’autres apportent leurs propres chaises. Et d’autres encore étalent des nattes ou des couvres-lits à même le sol. Il y en a aussi qui restent dans leurs voitures. Est-ce prudent pour ces personnes de rester sur place ? Évidemment non. Un homme très en colère partage visiblement cet avis. Pour lui, les accompagnateurs viennent s’exposer à la maladie inutilement. Il essayait de persuader ses sœurs de rentrer à la maison et de revenir le lendemain matin pour apporter le repas à leur mère. «Qu’est-ce qu’elles peuvent faire ici, rien. Mais on est tellement habitué à rester auprès de nos malades qu’on ne peut pas faire autrement», se désole-t-il.

Beaucoup de gens sont agglutinés devant la porte vitrée par laquelle on fait entrer les personnes atteintes du coronavirus. Car, c’est là que l’on peut avoir les nouvelles de son parent ou lui remettre des repas ou d’autres objets. Parfois, il faut rester longtemps avant que quelqu’un ne vienne répondre. Dès qu’un agent du centre de soins se dirige vers la porte, les visiteurs se ruent vers lui. Pourtant, ce n’est pas prudent de rester longtemps devant cette porte. Des indications sur la porte le signalent. Mais les gens sont loin de s’en soucier. Ils veulent avoir les nouvelles de leurs parents et leur remettre ce qu’ils ont apporté.

Les mises en garde d’un agent de santé ne les font pas reculer. On est tenté de comprendre les visiteurs car, ici, il est impossible de voir son parent malade. Il faut se contenter de ce que disent les médecins. Sont heureux ceux qui arrivent à communiquer avec leurs proches malades. Certains visiteurs sont réduits à coller les yeux à la vitre pour espérer apercevoir leurs proches.

La majorité des malades admis ici sont des personnes âgées. Elles arrivent généralement affaiblies par la diarrhée et les difficultés respiratoires. «Imaginez qu’elles vont se retrouver dans la solitude», s’indigne un jeune homme du nom de Boubacar Dembélé, dont le père fait partie des patients. «Lorsque j’ai vu mon père entrer, je n’ai pas pu retenir mes larmes», confie-t-il, estimant que les malades et les accompagnateurs ont tous besoin d’une prise en charge psychologique tout au long du séjour. «Il est très facile de tomber dans la dépression. Voir sa famille atténue aussi la douleur», dit-il.

BESOIN DE COMMUNIQUER- Les malades qui ont des téléphones peuvent communiquer avec leurs parents. Ceux qui n’en ont pas, sont privés de ce privilège. D’autres profitent de la sollicitude des agents. Un monsieur en chemise bleue supplie un des agents pour avoir les nouvelles de sa mère. L’agent, tout de blanc vêtu, entre dans le centre de soins puis ressort. «Elle se porte bien mais elle demande ses médicaments contre le diabète et un petit bol», apprend-il à l’homme à la chemise bleue. Une autre personne demande s’il peut l’aider pour qu’elle puisse parler au téléphone à son père. L’agent lui fait comprendre qu’il n’a pas le droit de faire cela. «Si seulement il pouvait manipuler le téléphone ce serait plus facile. Il ne peut ni appeler ni décrocher», lâche la dame dépitée.

Quant au jeune Cheick, il arrive à parler à sa mère chaque jour. Mais, il estime frustrant de ne pas la voir. Il supplie un médecin : «S’il vous plait donnez-moi les nouvelles de ma mère. Est-ce qu’elle va mieux ? Mettez-vous à ma place je dois avoir de ses nouvelles pour me sentir mieux.» Non loin de là, une dame fulmine contre la désinvolture, dont nombre de nos compatriotes font montre en refusant de suivre les conseils des médecins. «Vous voyez tout ça, c’est de notre faute. Nous avons creusé un puits. Maintenant nous tombons dedans. Quand les gens te voient avec une bavette, ils te regardent comme si tu es tombé du ciel», rage-t-elle, ajoutant que l’augmentation des cas est due au non respect des mesures barrières.

Côté alimentation, les malades reçoivent du centre de soins des repas matin, midi et soir. Mais, les repas sont uniques pour tous les malades. Les parents apportent aux malades de quoi améliorer le quotidien. Il faut inscrire le nom et la salle du patient sur un bout de papier et le coller au récipient ou au sachet contenant la nourriture. Avant de récupérer ce récipient, il faut s’assurer qu’il est désinfecté. Le service d’hygiène est là pour ça. Mais, d’autres préfèrent se débarrasser carrément de ces récipients. Pour ne pas perdre tous ses ustensiles de cuisine, Mme Diarra Assanatou a préféré acheter des assiettes jetables dans lesquelles elle met le repas de son frère hospitalisé. «Je pense que c’est plus pratique et plus prudent. J’en ai une soixantaine comme ça que j’ai achetées à 15.000 Fcfa», confie-t-elle.

Pour l’hygiène des lieux, un service s’attèle chaque fois à pulvériser tout ce qui sort par la porte vitrée : habits, couvertures, vaisselles. Même les bancs publics, les voitures n’y échappent pas. Des visiteurs aussi tiennent à se faire désinfecter les habits avant de rentrer à la maison. Lorsqu’il y a un décès, la tristesse envahit les visages. Tout le monde essaye de consoler la famille endeuillée. Mais, il n’y a pas que des larmes. Il y a aussi des cris de joie lorsqu’un patient est libéré. Sa famille ne peut s’empêcher de manifester sa joie. C’était le cas avec un vieux de 87 ans qui a passé 7 jours de confinement. Sa famille était impatiente de le voir. Finalement, il est sorti dans une chaise roulante. Il n’a pas échappé au rituel de la désinfection avant de quitter les lieux. Un autre homme moins âgé est sorti également. Contrairement au vieux, celui-ci est sorti en marchant. Sa famille l’attendait avec le sourire.

Dr Sidibé Djeneba Diallo est le responsable de l’Unité Covid-19 d’urgence de l’Hôpital du Mali. Pour elle, la deuxième vague de la Covid-19 est très préoccupante. Elle révèle que depuis deux semaines, 80% des malades qui sont admis ici sont âgés de 60 à 80 ans. Et ce sont des personnes qui sont arrivées avec une détresse respiratoire. Certains malades moins chanceux sillonnent les hôpitaux de la capitale sans trouver une prise en charge. Beaucoup décèdent au cours des transferts.

Les patients qui présentent une détresse respiratoire ont toujours besoin de l’oxygène qui n’existe pas dans tous les centres de santé. L’oxygène est disponible uniquement dans les hôpitaux. Actuellement, confirme Dr Sidibé Djeneba Diallo, tous les lits sont occupés à l’Hôpital du Mali. Elle conseille le respect strict des mesures barrières pour se prémunir contre cette maladie et protéger nos proches.

Fatoumata NAPHO

Source: L’Essor

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