C’était annoncé. Dès l’ouverture de la COP27 à Charm el-Cheikh, les dirigeants africains ont martelé le même message : plus question de payer pour les dégâts climatiques causés par les pays du Nord. Un rapport commandé par la COP publié ce mardi 8 novembre conforte les pays du Sud et place les pays riches face à leurs responsabilités.
“Les pertes et dommages ne sont pas le sujet abstrait d’un dialogue sans fin. C’est notre expérience quotidienne et le cauchemar vivant subi par des millions d’Africains“. Les mots du président kényan William Ruto à Charm el-Cheikh résument la situation telle que vécue sur le continent africain. Un message porté d’une seule voix par le continent, dont le numéro un kényan préside le groupe de négociateurs.
À l’occasion d’une pré-COP organisée début octobre à Kinshasa, en République démocratique du Congo, ce même message avait été martelé à l’adresse des pays du Nord considérés comme les responsables de la crise climatique mondiale. Rien d’inédit puisque les termes du débat lors de la COP26 de Glasgow (Ecosse) en 2019 étaient déjà les mêmes. Mais ils n’avaient alors débouché sur rien. Cette fois, les pays du Sud ont donc décidé de parler fort en se positionnant comme les victimes. Et en demandant les compensations promises.
“Tactiques dilatoires et procrastination”
Lundi, à la tribune de la COP, les mots choisis par les dirigeants africains ont été limpides. Le président kenyan William Ruto fustige “les longues discussions aux COP, avec leurs tactiques dilatoires et la procrastination“. Des discussions “cruelles et injustes“. Le président Ruto a également appelé à la reconnaissance des “besoins spéciaux” de l’Afrique dans la lutte contre le réchauffement. “Ces 50 dernières années, les sécheresses ont tué un demi million de personnes et provoqué des pertes économiques de plus de 70 milliards de dollars dans la région“, indique le président.
L’Afrique ne doit pas continuer à payer pour des crimes qu’elle n’a pas commis.
Faustin Archange Touadéra, président de la République Centrafricaine
“Alors que cette COP27 a lieu sur notre continent qui subit une grande part du changement climatique en y contribuant le moins, nous attendons de cette COP qu’elle s’attaque à nos problèmes clé“, renchérit le président zambien Hakainde Hichilema.
Le président centrafricain a lui aussi mis les pieds dans le plat. “Les crises climatiques exceptionnelles de ces dernières années ont eu des effets dévastateurs de grande portée sur la survie de l’humanité. Les pays riches, grands pollueurs, sont les principaux auteurs de cette mise en danger de l’humanité” déclare Faustin-Archange Touadéra, ajoutant que “l’Afrique ne doit pas continuer à payer pour des crimes qu’elle n’a pas commis”.
En tant que président en exercice de l’Union africaine, le sénégalais Macky Sall a eu l’occasion de porter ce même message. “Nous voulons aller de l’avant dans l’adaptation au changement climatique. Nous en supportons le coût avec le développement de projets verts financés souvent par recours à la dette, alors même que la mise en œuvre doit être financée par des dons conformément aux engagements convenus”.
Sa ministre de l’environnement, Arlette Soudan-Nonault avait évoqué le sujet en fin de semaine dernière dans l’émission Internationales de TV5MONDE.
Le bassin du Congo également évoqué à la tribune par un autre chef d’État concerné, le gabonais Ali Bongo Ondimba : “La République gabonaise, comme les autres pays en développement, devrait pouvoir recevoir plusieurs centaines de millions de dollars, par an (…) Ceci pour financer notre adaptation aux changements climatiques, notre juste transition énergétique et économique et pour récompenser nos efforts de séquestration nette de carbone”.
2000 milliards de dollars
La COP27 a inscrit officiellement à son agenda la question des pertes et dommages subis par les pays du Sud qui, pour leur part, parviennent cette année à s’exprimer de manière univoque.
Àl’occasion de la conférence, le pays organisateur, l’Egypte, et l’hôte de la précédente édition, la Grande-Bretagne, ont publié ce mardi 8 novembre un rapport sur les besoins des pays du sud. Le document révèle que les pays du Sud, notamment africains, ont besoin de 2000 milliards de dollars d’ici à 2030 pour financer leur action climatique. Lors de la dernière COP, les pays développés avaient promis 100 milliards de dollars chaque année. Engagement jamais honoré. Pourtant, explique l’un des auteurs du rapport, l’économiste Nicholas Stern, “les pays riches devraient reconnaître que c’est dans leur propre intérêt vital, ainsi qu’une question de justice, compte-tenu des graves effets causés par leurs émissions élevées hier et aujourd’hui, d’investir dans l’action climatique” dans ces pays.