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Conseil Malien des Transporteurs Routiers (CMTR) : Qui protège l’inamovible Youssouf Traoré ?

Sous nos cieux, nonobstant les espoirs affichés d’un « Mali Koura » qui recherche ses marques depuis le 18 août 2020, date du renversement du régime d’Ibrahim Boubacar Kéïta, certaines personnalités telles des monarques restent inamovibles et demeurent à la limite ‘’Intouchables’’. Dans le lot, M. Youssouf Traoré, l’omnipotent président du conseil malien des transporteurs routiers (CMTR), un établissement public à caractère professionnel dont la gestion est aux antipodes de la réglementation en vigueur. Sur la base de la vente du bulletin de chargement ou ticket CMTR, un document strictement illégal qui a fait l’objet de plusieurs attaques infructueuses, le patron du CMTR se graisse chaque année d’une manne financière de plusieurs centaines de millions de nos francs. 

 

Rien ne résiste à l’argent dans notre pays. Le « généreux » président du CMTR, Youssouf Traoré, l’a bien compris et joue sur ce registre pour faire ce qu’il veut sans qu’il ne soit inquiété. Contre vent et marée, Youssouf Traoré a maintenu, non sans espèce sonnante et trébuchante, la perception de fonds illégal pour le compte de sa structure.

Le Bulletin de chargement du Conseil Malien des Transporteurs Routiers dont le montant varie entre 1000, 2000, 5000 et 10.000 FCFA par endroit, est considéré comme la plus grande arnaque des transporteurs opérée par leur faitière. Et ce en dépit de son illégalité. La pratique résiste au temps et aux injonctions des différents chefs de gouvernement et des ministres de tutelle.

Selon les transporteurs regroupés au sein de la Synergie des fédérations, groupements, Syndicats des transporteurs Routiers et conducteurs du Mali, tous les ministres qui se sont succédés à la tête du département des transports n’ont pas été capables d’arrêter la vente du ticket controversé. D’abord, en 2009, année de déploiement des représentants du CMTR au niveau des postes pour justement délivrer la lettre de voiture, le directeur national des transports terrestres, maritimes et fluviaux attirait dans une correspondance en date de décembre 2009, l’attention du ministre de l’équipement et des transports sur ces perceptions de fonds sur les véhicules de transport maliens et étrangers. « Des montants perçus non pas sur la base de quittancier du trésor public, mais plutôt au nom du CMTR. Le CMTR étant un établissement public à caractère professionnel, il ne saurait percevoir de recettes en dehors de celles qui lui sont affectées réglementairement », note la correspondance adressée au ministre.

Le 11 décembre 2014, le ministre de l’équipement, des transports et du désenclavement, Mamadou Hachim Koumaré dans une correspondance invitait le président du CMTR à prendre les dispositions pour qu’à partir du 31 décembre 2014, les perceptions ne se fassent pas dans les postes de contrôle et éviter de lier le transport de fret malien au paiement préalable d’une taxe supplémentaire.

Dans une correspondance en date du 30 novembre 2018, adressée au président du CMTR, l’ancien ministre des transports, M. Zoumana Mory Coulibaly écrivait ceci : « Monsieur le président, il m’a été indiqué que les agents du conseil malien des transporteurs routiers (CMTR) déployés au niveau des postes de contrôles routiers, procèdent à des perceptions de fonds sur les véhicules de transport commercial sans supports juridiques. Cette pratique, dans la mesure où elle serait fondée, est contraire à l’esprit qui a prévalu au déploiement de vos agents au niveau de ces postes de contrôle et porte préjudice à la performance du sous-secteur de transport routier. En conséquence, je vous demande de prendre toutes les dispositions utiles pour mettre fin à cette perception de fonds qui transgresse les missions dévolues à un établissement public à caractère professionnel ».

Cependant, plus d’un mois après, le patron du département se rétractait dans une missive adressée au même président du CMTR. « A la suite de la réunion du 22 janvier 2019, vous avez évoqué les raisons qui ont prévalu à l’émission de ces tickets pour servir de ressources additionnelles au CMTR à savoir : la délibération de l’assemblée consulaire du CMTR, tenue les 2 et 3 septembre 2010 ; la pratique courante au niveau de la sous-région pour appliquer le principe de réciprocité et la nécessité de rehausser les ressources du CMTR pour faire face à ses missions régaliennes. En raison de ces arguments, j’annule les termes contenus dans ma lettre mentionnée en référence. Cependant, je vous invite à vous mettre, sans délai, en rapport avec mes services techniques pour produire les supports juridiques nécessaires à la régularisation de cette perception ».

Opacité totale autour de la gestion du magot

La pratique est résiliente et résiste à toutes les décisions de suspension émises par les premiers ministres et ministres de tutelle. Le 10 mai 2021, c’était autour du ministre des transports et des infrastructures de saisir, sans succès, le puissant président du CMTR aux fins de surseoir à la perception du ticket CMTR. « Le CMTR ne saurait percevoir, sous son statut d’établissement public à caractère professionnel, de ressources en dehors de celles prévues par les textes législatifs et réglementaires. Je signale que par lettre N°00168/MTI-SG du 15 mars 2021, j’ai indiqué au Médiateur de la République qui a requis des informations sur la régularité des perceptions opérées par le CMTR, que l’établissement n’a pas vocation à recevoir d’autres ressources que celles fixées par la réglementation en vigueur. En conséquence, je vous engage à prendre toutes les dispositions pour mettre un terme immédiatement à cette pratique insusceptible de se rattacher à la réalisation des missions qui sont dévolues au CMTR ».

L’actuelle ministre des transports et des infrastructures, Mme Dembélé Madina Sissoko dans une correspondance adressée au président du bureau national du Syntrui-Mali de se frotter au mastodonte de la faitière des transporteurs. « En ce qui concerne les tracasseries routières dues à la vente illégale des tickets par le CMTR, je confirme que cette structure n’est pas habilité à percevoir une quelconque taxe ou redevance au niveau des postes de contrôle routier en dehors de la lettre de voiture instituée par le décret N°09-178/P-RM du 29 mars 2009 ».

Malgré toutes ces instructions pour interdire la vente du ticket CMTR, M. Yousouf Traoré et ses camarades continuent de plus belle à obliger les chauffeurs à prendre le bulletin de chargement en violation des textes régissant le statut d’établissement public à caractère professionnel. Quel est donc le support juridique de ces fonds extorqués aux Camionnaires ? Pour les chauffeurs, c’est une arnaque qui s’opère au vu et su des autorités qui l’ont pourtant interdit.

Selon le président du SYNTRUI-Mali, M. Adama Coulibaly, la manne financière générée chaque année par la vente du ticket CMTR s’élève à plusieurs centaines de millions FCFA. Concernant la gestion de ces fonds illicitement prélevés sur les transporteurs, les acteurs du domaine du transport sont révoltés. « Ces fonds ne sont pas utilisés pour le développement du secteur. Nous ne savons pas où va cet argent qu’on nous extorque », lance le président du SYNTRUI-Mali, M. Adama Coulibaly qui réclame un audit de ces fonds. Selon lui, il est plus avantageux pour l’Etat de revenir à l’ancien système qu’est le droit de traversée routière. Au moins, soutient-il, 60% des fonds collectés revenaient au Trésor public, 15% aux forces de l’ordre et 25% destinés à l’équipement des transporteurs.

Imperturbable, le président du CMTR dite aux ministres des gouvernements successifs la conduite à tenir en usant de tous les moyens pour préserver le précieux sésame qu’est la vente illégale de ce fameux ticket.

Pour fait d’inculpation dont faisait l’objet le président du CMTR concernant des montants incriminés à hauteur de 500.000.000 FCFA pour détournement et de plus de 800.000.000 FCFA pour perception de taxes illégales, le 07 novembre 2014, le premier ministre Moussa Mara, dans une correspondance, donnait instruction au ministre de tutelle de suspendre non seulement la perception illégale de la redevance CMTR, mais aussi et surtout M. Youssouf Traoré de ses fonctions et son bureau. Mais rien ! Qui protège donc Youssouf Traoré ?

La lettre adressée dans ce sens, le 30 septembre 2021 par la synergie au ministre des transports, Mme Dembélé Madina Sissoko, attend désespérément réponse. Les acteurs des transports espèrent, malgré tout, le nettoyage à grande eau des écuries dans un secteur qui depuis belle lurette croupit sous des pratiques illégales et illégitimes sacrifiant les intérêts de ses militants.

Pour se défendre face à ces accusations, le président du CMTR, M Youssouf Traoré lâchait lors d’une conférence de presse, le 08 septembre 2021 : « le ticket CMTR n’est pas illégal et il n’existe aucune loi qui interdit sa vente ».

Face à la situation les transporteurs regroupés au sein de la Synergie des fédérations, groupements, Syndicats des transporteurs Routiers et conducteurs du Mali interpelle le premier ministre Dr Choguel Kokala Maïga et le colonel Assimi Goïta pour son implication personnelle dans ce dossier au nom du Mali Kura.

Daouda T Konaté

Source : L’Investigateur

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