Samedi 28 mai dernier, Tiébilé Dramé a dénoncé avec véhémence les dérives du régime IBK. Dans son discours d’ouverture des travaux du 3è congrès extraordinaire du Parti pour la renaissance nationale (Parena), son président se dit convaincu, pour la énième fois, que seules les assises nationales permettront une mise en œuvre efficace de l’Accord d’Alger, qui n’est « ni le Coran, ni la Bible ».
Le militantisme, la fraternité et le patriotisme, sont autant de valeurs ayant caractérisé ce troisième congrès du Parena. Outres les milliers de militants du Parena et des partis amis du Mali (Urd, Rpm, Fare, Prvm Fasoko) ; d’autres sont venus de pays voisins pour être témoins de l’événement. Entre autres le Mouvement du peuple pour le progrès et l’Union pour la renaissance du Burkina Faso ; le Parti pour la démocratie et le socialisme du Niger ; et la Ligue démocratie du Sénégal) ont tenu à être présents à cet évènement.
Devant ce beau monde, se sont succédé au pupitre des personnages politiques qui ont témoigné de l’engagement patriotique des militants et le sens de responsabilité élevé des cadres du Parena. Aussi, comme on s’y attendait, la cérémonie a donné lieu au procès du régime actuel et d’un président IBK qui « manque de vision ».
Les présidents des mouvements des jeunes et des femmes, respectivement Seydou Cissé et Mme Tamboura Mah Keïta, ont donné le ton. Chacun a dénoncé, à sa manière, les maux qui minent le pays.
Pour le président des jeunes, le moment est venu d’imposer un changement de cap aux dirigeants actuels qui maintiennent la jeunesse malienne dans la débrouillardise. Ce, du fait de l’autisme et surtout de l’absence d’une politique nationale claire pour la jeunesse. Autre réalité manifeste de la mauvaise volonté du pouvoir en place: la qualité combien de fois médiocre de l’éducation et la formation mise à la disposition des jeunes. « À cause du faible niveau des sortants de nos facultés et grandes écoles, l’employabilité est devenue la nouvelle problématique qui s’ajoute à celle de la création d’emploi », a-t-il dénoncé. Voilà une situation qui, à en croire M. Cissé, devrait préoccuper les dirigeants actuels. Hélas ! Ils ont plutôt choisi l’autosatisfaction et l’autocélébration, au lieu de faire face à ce défi. Conséquence : cette jeunesse, sans aucune perspective d’un lendemain meilleur, est devenue une proie facile pour le terrorisme international, la rébellion et l’émigration vers l’occident.
A la suite du président des jeunes, Tamboura Mah Keïta, la présidente des femmes, a enfoncé le clou. Elle tient le régime IBK pour responsable des souffrances que subissent actuellement les Maliens. Des souffrances qui ont pour nom : l’insécurité, la précarité dans les affaires, l’indigence du panier de la ménagère, le chômage des jeunes… Pour la dame Keïta, le Mali est malade et même très malade. Et, s’explique-t-elle, « le Mali souffre de la mauvaise gouvernance, de la gestion patrimoniale des affaires de l’Etat, et du mauvais traitement de la question du nord». Aujourd’hui, dit-elle, se Mali ressemble à un pays dans l’abîme et dans l’impasse. « Cette incertitude du lendemain, ce pilotage à vue, ce marasme financier sans précédent qui affecte la quasi-totalité des ménages ; plongent notre vaillant peuple entre doute, désillusion et désespoir », a décrié la présidente des femmes qui a appelé à la mobilisation pour ouvrir les chantiers de l’espoir.
« L’accord d’Alger n’est ni le coran, ni la bible »
Le doute, le désespoir et autres ressentiments qu’animent les Maliens résultent, semble-t-il, d’un manque de vision. C’est du moins la thèse développée par le président Tiébilé Dramé qui, au pupitre, est revenu sur l’insécurité ambiante qui sévit au nord du Mali, avec son cortège de morts. En effet, révèle Dramé, le Mali a encore perdu (le vendredi dernier dans le cercle de Ménaka) cinq soldats, victimes du terrorisme. Après avoir fait observer un instant de recueillement et de prière en la mémoire de ces soldats et toutes les victimes du terrorisme au Mali et ailleurs, le président du Parena a rappelé le contexte dans lequel s’est tenu ce congrès. Du coup d’Etat de 2012 à nos jours, en passant par l’intervention française pour stopper l’avancée des djihadistes, et l’organisation de l’élection présidentielle, M. Dramé a fait un aperçu éloquent sur ce qu’on pourrait appeler la déchéance du Mali. Selon lui, suite au coup d’Etat, « le Mali était plongé dans une crise de société, une crise politique, sécuritaire et humanitaire ». C’est dans ce contexte qu’est intervenue l’élection du président IBK, en qui les Maliens ont placé leurs espoirs. Hélas ! En effet, « sans que nul n’ait pu se l’expliquer et devant une communauté internationale mobilisée au chevet du Mali, il nous fût donner de constater à la fois le piétinement, l’immobilisme et un pourrissement de la situation au nord », selon Dramé qui tient pour témoin l’ensemble des Maliens de ce qui s’est passé, à savoir de longs mois d’atermoiement, de déclarations contradictoires, de décisions irréfléchies (qui ont conduit Moussa Mara à Kidal), de ballets incessants entre Bamako et Alger où naquit l’accord d’Alger…
Rassembler les Maliens
Aujourd’hui, selon Dramé, on ne plus parlé d’immobilisme, mais de récession. Il est donc temps, estime-t-il, que d’un élan commun et sincère qu’on (autorités maliennes, la communauté internationale, les mouvements armés signataires) mette en route pour l’application de cet accord. Un accord que le Parena considère comme une étape de la longue quête de la paix, malgré ses insuffisances. Cependant, Tiébilé reste persuadé qu’une mise en œuvre efficace dudit accord passe inéluctablement par la tenue des assises nationales. Et lors desquelles, le peuple souverain du Mali se penchera sur les points controversés de cet accord qui ne saurait « être ni le saint coran, ni la sainte Bible ». D’ailleurs, ajoute-t-il, il a prévu les conditions de sa relecture et de son éventuel révision. « Notre responsabilité historique vis à vis de notre peuple nous oblige d’aller, sans trainer davantage les pieds, vers des consultations nationales, en vue de rassembler le peuple pour réserver une marge de manœuvre au Mali, aujourd’hui coincé », a-t-il recommandé. Ainsi, le président de la République a été interpellé par Dramé qui, au passage, a indiqué à l’attention d’IBK que la situation sécuritaire se dégrade, avec à la clé trop de morts et des populations terrorisées. Autant qu’il est de la responsabilité du président de réunir les Maliens pour débattre de l’accord, autant il est de son devoir d’engager la vraie réconciliation. « Monsieur le président de la République, le défi de la réconciliation nous interpelle tous, il vous interpelle plus directement: c’est à vous de créer les conditions des retrouvailles avec ceux qui vous ont précédés à la tête de l’État. Créez les conditions afin que le président Moussa Traoré apporte une contribution de qualité au renforcement de la cohésion nationale en présentant ses excuses aux victimes de mars 1991 et au peuple malien. Créez les conditions du retour du président ATT qui a présidé aux destinées du pays dix ans et qui a apporté une contribution décisive à l’avènement de la démocratie. Créez les conditions afin que votre camarade AOK mette son expérience et son expertise à la résolution des problèmes du pays », a-t-il déclaré. Aujourd’hui, le Parena préconise carrément une refondation de l’Etat.
Les représentants des partis ont tous salué l’engagement politique du parti du bélier blanc, avec lequel ils partagent certaines valeurs. Particulièrement, la grande famille de l’opposition s’en réjouit d’avoir en son sein le Parena dont l’engagement, témoigne le Pr Salikou Sanogo de l’Urd, a résisté à toutes les épreuves. « Contraire à ceux qui disent que Tiébilé est l’enfant terrible de la classe politique malienne, moi je dis que vous êtes l’enfant béni de cette classe politique », a clamé M. Sanogo. Avant d’inviter les militants du Parena à s’armer davantage pour combattre la corruption, la gabegie financière et autres maux dont souffre actuellement le Mali.
Les travaux du congrès se sont achevés hier dimanche avec la mise en place d’un nouveau comité directeur présidé par Tiébilé Dramé.
I B Dembélé
Source : L’ Aube