Au marché terminal à bétail de Niamana, dans la périphérie de la capitale malienne comme dans les marchés de collecte ou transfrontaliers, rares sont les acteurs formalisés. Pour beaucoup, l’activité est avant tout une question d’héritage. Boukary Barry, cinquantenaire, pratique le commerce de bétail depuis trente ans. Dans sa famille, il est aujourd’hui le gardien d’une tradition vieille d’un siècle.
D’abord (“Teyffa” intermédiaire logeur), Boukary s’autonomise progressivement avec les gains réalisés sur la vente d’animaux. D’intermédiaire-logeur, l’homme d’affaires devient revendeur. Au bout d’une décennie, son succès l’amène au-delà du Mali, sur les marchés transfrontaliers de la Côte d’Ivoire, du Sénégal et du Ghana, où sont vendus sur pied l’essentiel du bétail malien. Dans la plupart des marchés à bétail, les transactions sont verbales. Elles se font sur la base de la confiance réciproque entre les bouchers principaux clients et les vendeurs.
Les animaux sont cédés à crédit contre un délai de payement souvent non respecté. Boukary, lui était envié pour la droiture de ses bouchers, qui respectaient scrupuleusement les délais de transaction. En 2007, ses affaires basculent. Deux de ses fidèles clients disparaissent avec ses 8 millions de franc CFA. « Ce jour-là, j’ai eu l’impression d’avoir tout l’univers sur ma tête », se souvient-il péniblement, le visage embué. « Personne en dehors, des gens de mon milieu ne pouvait réaliser ce qui m’était arrivé».
En effet, dans cet univers où l’informel règne en maître, la mésaventure de Boukary n’est pas un cas isolé. « C’est impossible d’échapper à ces genres d’accidents », déclare Ousmane un acteur du marché de Niamana qui s’est plusieurs fois retrouvé en faillite à cause des créances impayées de bouchers. Le commerce de bétail est l’une des activités qui génère le plus de revenus au Mali. En moyenne, sur un chargement de 40 têtes, le bénéficie peut atteindre quatre cent mille francs CFA, nous confie un opérateur local qui œuvre pour la formalisation du secteur. Mais, l’homme d’affaires se heurte à des obstacles:
« La plupart des acteurs ne sont pas instruits », constate-t-il.Malgré les difficultés de recouvrement de crédits, les acteurs du secteur sont réticents quant à une formalisation des transactions. « Nous avons tenté l’expérience, mais les gens ont trouvé que c’est une perte de temps », témoigne un responsable syndical du marché de Niamana. « Le fait d’établir un acte entre le vendeur et le client peut susciter la peur, mais certains estiment que c’est un manque de confiance », ajoute-t-il.
Toutefois, tous les bouchers ne sont pas mauvais payeurs. Et le calvaire des commerçants du bétail ne se résume pas aux échanges sur les marchés. Pour beaucoup, les routes sont une source d’insécurité majeure. La plupart se déplacent avec des sommes d’argent conséquentes, le secteur étant faiblement bancarisé. Par an, ce sont des centaines de millions qui s’évaporent du fait de l’informel et de l’insécurité. Les recours judiciaires donnent peu de satisfaction.
Aly Bocoum
Source: Bamakonews