En revendiquant, le 10 décembre 2011, l’enlèvement deux mois plus tôt, dans l’ouest de l’Algérie, de trois coopérants européens, de nationalités espagnole et italienne, le Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) signait son acte de naissance. Le mouvement, qui s’est donné pour objectif d’étendre l’insurrection djihadiste à toute l’Afrique de l’Ouest, venait alors de faire scission avec Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI).
A la tête du mouvement se trouve le Mauritanien Hamada Ould MohamedKheirou, alias Abou Ghoum-Ghoum, notamment assisté d’Omar OuldHamaha, un Malien de Kidal, ancien lieutenant d’un des principaux chefs djihadistes du Sahel, l’Algérien Mokhtar Belmokhtar. Composé essentiellement de Mauritaniens et de Maliens, le Mujao s’est illustré dans les prises d’otage et les trafics divers. Le 7 décembre, il a été inscrit sur l’une des listes d’organisations terroristes par le département d’Etat américain.
UN DES MAÎTRES DU NORD-MALI
Le Mujao est devenu l’un des maîtres du nord du Mali. Après l’offensive lancée en janvier 2012 dans le nord du Mali par la rébellion touareg du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), alors alliée à AQMI, le Mujao y devient un acteur majeur aux côtés de la branche maghrébine d’Al-Qaida et d’un autre groupe islamiste, Ansar Eddine (« défenseurs de l’islam »).
Présents dans les principales villes de la région, il fait de Gao son fief dès juin 2012. Après des combats meurtriers avec le MNLA qui sera évincé de la ville, il en devient le maître absolu, y commettant de nombreuses exactions. Trois mois auparavant, il y était déjà très influent et avait enlevé le consul d’Algérie et six membres de sa mission à Gao, dont trois ont été libérés. Le groupe armé a annoncé l’exécution du vice-consul en septembre, mais Alger a dit ne disposer d’aucune information sur cette annonce.
Le Mujao, AQMI et Ansar Eddine, qui se sont partagés le nord du Mali et ont gardé d’étroites relations, ont été chassés des grandes villes de cette région par l’intervention de l’armée française alliée à d’autres armées africaines, à partir du 11 janvier. Mais ils y gardent des capacités de nuisance et le Mujao a revendiqué plusieurs attentats-suicides dans les régions de Gao, Kidal et Tombouctou.
RAPTS ET TRAFICS
Jusqu’au double attentat du 23 mai dans le nord du Niger contre un camp de l’armée nigérienne et le groupe français Areva, le Mujao n’avait jamais revendiqué d’attentats en dehors des territoires malien et algérien. Il avait toutefois déjà agi au Niger en revendiquant le rapt, en octobre 2012, de cinq Nigériens et d’un Tchadien travaillant pour des ONG humanitaires dans le sud-est de ce pays. Les Nigériens avaient été libérés, mais le Tchadien, blessé par balle lors du rapt, était décédé.
Considéré comme le moins idéologue des groupes islamistes de la région, le Mujao est davantage vu comme un groupe criminel vivant de trafics divers, comme le trafic de cocaïne. Ces pratiques ont notamment été dénoncées par Hicham Bilal, seul Noir d’Afrique subsaharienne à avoir dirigé une brigade combattante du Mujao, qui a fait défection fin 2012 pour rentrer dans son pays d’origine, le Niger.
Le Monde/23.05.2013 à 18h43