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Comment Hollande est devenu un chef de guerre sans états d’âme

Mali, Syrie, attentats de Paris… Un livre du journaliste David Revault d’Allonnes, dont L’Express révèle les bonnes feuilles en exclusivité, montre comment le président “normal” a endossé l’uniforme de chef des armées. Coulisses d’une conversion au pas de charge.

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Qui l’eût cru? Le paisible et tempéré candidat de 2012 est devenu, après son arrivée à l’Elysée, un chef d’Etat sans états d’âme sur le plan militaire. Serval, Barkhane, Sangaris, Chammal… les opérations extérieures scandent le quinquennat, comme autant de phases d’une conversion martiale et sécuritaire. François Hollande, enlisé dans les sables de l’impopularité, embourbé dans l’absence de résultats économiques, a-t-il cédé à la tentation de montrer ses muscles? Le chef des armées a-t-il essayé de faire oublier le chef de l’Etat?

Dans Les Guerres du président, le journaliste du Monde David Revault d’Allonnes dépeint, avec force documents inédits, un François Hollande chaque jour plus décomplexé, succombant à l’engrenage militaire et brandissant, face à la menace terroriste, une législation sécuritaire sur le renseignement et un vocabulaire que l’Amérique post-11 Septembre ne renierait pas: le “bien”, le “mal”, “punir”… Une plongée dans les coulisses d’un pouvoir en guerre, où les faucons sont aux manettes. Captivant.

Mali: première journée de guerre

[Le 11 janvier 2013, François Hollande donne son feu vert à une intervention au Mali. Dans la foulée, les hélicoptères français interviennent…]

Le chef de l’Etat a immédiatement été informé de la blessure mortelle du copilote [d’un hélicoptère] Gazelle. Damien Boiteux est le premier militaire dans la mort duquel il a une responsabilité directe. Plusieurs militaires français avaient déjà été tués en Afghanistan depuis mai 2012. Mais ce n’est pas François Hollande qui avait ordonné leur déploiement. Pour la première fois depuis le début du quinquennat, il y a un mort sur la conscience présidentielle.

Un de ses anciens conseillers à l’Elysée, qui l’a côtoyé ce 11 janvier, se souvient cependant d’un Hollande “très tranquille” pour sa première journée de guerre. Ce jour-là, il traverse l’avenue de Marigny pour se rendre à un pot organisé par des membres de son cabinet dans l’hôtel du même nom, une annexe du palais de l’Elysée.

Sans une once de stress. “Il y est allé comme si de rien n’était, passant de table en table, sans rien laisser percevoir de la situation. Il était totalement zen, totalement cool”, rapporte ce conseiller. Un peu plus loin, en retrait dans un couloir, le général Puga, son chef d’état-major particulier, donne des instructions au téléphone: “Il faut leur casser les reins!” Si le président a déclenché ce qui va bientôt devenir l’une des plus importantes opérations militaires françaises depuis la guerre d’Algérie, c’est sans en avoir l’air…

Voilà pour les apparences. Car, dans le secret de son bureau, le président, quelques heures après avoir déclenché l’opération, est sous pression. Dans la soirée, quatre Mirage 2000, qui ont décollé de N’Djamena, frappent des bâtiments occupés par les djihadistes et des dépôts à Konna. Tout au long de cette première nuit blanche, François Hollande suit les opérations à la seconde.

Jean-Yves Le Drian en témoigne, lui-même surpris: “Il suit toute la nuit. Il veut savoir où on en est, partout, tout le temps. Quand je lui téléphone pour l’informer des avancées sur le terrain, je comprends qu’il a une carte devant lui sur laquelle il suit la situation! Et quand je ne le rappelle pas toutes les deux heures, c’est lui qui rappelle…” François Hollande est rentré corps et âme dans la guerre. Et il va s’y plonger avec toujours plus d’intensité.

François Hollande aux avant-postes

[Le président craint un enlisement de l’opération…]

La pression sur l’état-major monte encore d’un cran à l’occasion du conseil [de défense] du 21 janvier, au cours duquel le président, une nouvelle fois, s’exaspère: “Comme c’était prévisible, les contraintes politiques et juridiques se renforcent et rognent progressivement la liberté d’action que nous a donnée notre initiative d’un engagement militaire rapide. Il nous reste un créneau d’une douzaine de jours pour atteindre les objectifs fixés: la saisie d’au moins un objectif symbolique dans le nord du Mali, qui chasse l’idée d’une partition de fait du pays, et la réduction forte du potentiel des groupes terroristes avant que ceux-ci ne se dissolvent et nous échappent.” En conséquence, “le rythme de l’offensive […] doit être maintenu pour saisir toute opportunité d’accélérer vers le nord, en particulier vers Tombouctou”, dont la conquête doit être faite “dans les meilleurs délais”.

[Le chef de l’Etat est aux avant-postes, y compris pour calibrer les messages envoyés à l’opinion publique.]

François Hollande […] a, dès l’origine, saisi tout l’intérêt politique qu’il avait à incarner en personne la conduite des opérations. Et ce, dès les premiers conseils de défense relatifs à l’opération Serval. C’est le cas lors de la réunion du 16 janvier, à l’issue de laquelle le président décide que “la communication sera plus offensive et positive”. Ses consignes: “Montrer que nous avançons, que l’action se déroule comme prévu” ; “éviter les détails pouvant brouiller le message principal”; “ne pas faire état des objectifs militaires”; “souligner que nous ne sommes pas seuls au Mali, que nous sommes les premiers”.

C’est encore et toujours le cas lors du conseil de défense du 21 janvier, à l’issue duquel le chef de l’Etat, pour le moins attentif à cet aspect de son action au Mali, précise sa pensée: “Sans se laisser enfermer dans une communication objective et de détail tactique, qui ne manquera pas d’être mise à mal par les nombreuses informations contradictoires et parcellaires dues à la forte présence médiatique sur le terrain, la communication sera positive et soulignera l’élan de l’intervention, la progression des forces.”

Syrie: le lâchage de dernière minute d’Obama

[Le 31 août 2013, la France est sur le point de frapper l’arsenal chimique syrien, avec 16 missiles de croisière Scalp. Quand les Etats-Unis, alliés dans l’opération, se dédisent…]

Quand le président raccroche, une demi-heure plus tard, et revient devant le conseil de défense pour lui relater le contenu de cet échange, c’est la douche froide. “J’ai eu le président Obama au téléphone…” Le président marque un temps d’arrêt, puis reprend: “Il est toujours d’accord sur les frappes, mais il veut un feu vert du Congrès.” Les responsables militaires sont effondrés. “Jusqu’à la dernière minute, on a sincèrement pensé qu’Obama donnerait son feu vert et que l’opération pourrait être officiellement commandée. D’où la stupéfaction absolue.”

Le ministre de la Défense, par SMS, donne l’ordre de “no go” aux responsables de l’opération. Autour de la table, dans le salon vert, quelques-uns espèrent encore, mais beaucoup ont compris: l’opération Fight Tonight a du plomb dans l’aile, même si le président a demandé qu’on maintienne le dispositif sous tension. “Là, je me suis dit: c’est mort”, rapporte un participant. […]

Un lâchage de dernière minute, qui souligne cruellement la déconnexion entre puissance militaire et pouvoir politique. “Sur le plan militaire, nous sommes liés aux Etats-Unis, mais totalement indépendants, nous pouvions frapper seuls, rappelle François Hollande. Sur le plan politique, c’était impossible.”

Le 11 janvier 2015: défi relevé

[Après les attentats à Paris, le président ne veut pas rater son rendez-vous avec l’Histoire.]

La préparation du 11 janvier est donc un véritable casse-tête diplomatique, organisationnel et sécuritaire. Bernard Cazeneuve résume le problème: “Mettre, en quarante-huit heures, 50 dirigeants au milieu de millions de personnes dans un contexte de crise terroriste, je ne sais pas si vous imaginez…” Presque une mission impossible.

Le ministre s’en ouvre d’ailleurs au président, le lendemain matin, en revenant d’une visite rendue aux policiers du Raid et de la BRI blessés dans l’opération de la porte de Vincennes. “La manifestation de demain fait sauter tous les critères qui ont pu exister: des attentats terroristes, des dizaines de chefs d’Etat, des millions de gens dans les rues…

Tout ceci est très anxiogène pour moi”, s’émeut Cazeneuve dans la voiture. Réponse rassurante de Hollande: “Je comprends que tu t’inquiètes. Mais c’est précisément parce que nous sommes la France et que nous sommes dans ce contexte qu’il ne se passera rien. Le pays sera debout. C’est le sens de cette manifestation.”

Par Marcelo Wesfreid

Source: L’Express‎

 

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