Les médias occidentaux ont largement rendu responsable le président russe Vladimir Poutine, au moins moralement, de l’assassinat du leader de l’opposition russe Boris Nemtsov le weekend dernier. Pourtant, en dépit d’une interview à une station de radio qu’il avait donnée quelques heures seulement avant sa mort, et d’un rapport montrant que des troupes russes combattaient en Ukraine aux côtés des séparatistes ukrainiens pro-russes qu’il s’apprêtait à produire, Nemtsov n’était pas important, affirme Jana Bakunina, sur le site Newstateman.
Elle explique que Poutine n’a pas d’adversaire à sa mesure dans l’opposition russe, et que l’aura de Nemtsov, comme celle autres leaders de l’opposition, était bien trop limitée pour que l’opposant pose une réelle menace pour le président russe.
Bakunina rappelle qu’au cours d’un récent sondage, Poutine a recueilli 86% d’opinions favorables, et qu’il n’est pas question d’envisager un quelconque trucage de ces résultats, compte tenu que la popularité du président russe est avérée ; au minimum, les Russes le respectent, et parfois, ils le révèrent. Pour ses concitoyens, Poutine est le « batyushka », le saint père. Beaucoup attribuent le meurtre de Nemstov à un coup monté pour déstabiliser le pays et miner encore davantage ses relations avec l’Occident.
La journaliste a demandé à des Russes ordinaires âgés dans leur vingtaine, leur trentaine, ou dans leur soixantaine, de lui expliquer pourquoi ils appréciaient tant leur président. Elle a obtenu 5 types de réponses :
Poutine est un homme fort.
Ivan le Terrible, Pierre le Grand, Joseph Staline nous rappellent que la Russie a toujours prospéré avec des dirigeants à forte personnalité, même lorsqu’ils étaient des autocrates impitoyables. Les dirigeants plus conciliants, comme Gorbatchev, n’ont jamais recueilli le respect ou la confiance de leurs compatriotes. Poutine, qui est un brillant orateur, et un fin stratège, se distingue sans peine de ses opposants, considérés comme des tacticiens réactionnaires.
Poutine a créé une classe moyenne.
On envisage souvent le peuple russe comme divisé entre une élite d’oligarques, et une masse de gens extrêmement pauvres. Mais depuis l’accession de Poutine au pouvoir, le PNB par tête est passé de 49.800 roubles en 2000 à 461.300 en 2013, selon des données de l’agence de statistiques de l’Etat Fédéral de la Fédération russe. On peut rencontrer les membres de cette nouvelle classe moyenne lors de voyages en Turquie ou à Chypre par exemple. Alors qu’ils n’avaient effectué que 9,8 millions de voyages à l’étranger en 2000, les Russes ont traversé la frontière 38,5 millions de fois en 2013.
Poutine a amélioré l’Etat providence russe.
Pour la première fois en 20 ans, on a dénombré plus de naissances en 2013 que de décès. Les pensions de retraite mensuelles moyennes sont passées de 694 roubles en 2000, à 9.918 roubles en 2012, en prix constants de 1992. La criminalité a baissé de près des deux tiers, et on comptait 9,3 lits d’hôpitaux pour 1000 personnes en 2012 en Russie, contre seulement 3 pour 1000 personnes au Royaume-Uni en 2011.
Poutine a restauré la puissance de la Russie.
Poutine est particulièrement attaché à l’intégrité de la Russie, sa sphère d’influence à l’étranger, et sa capacité à s’opposer fermement aux dictats américains en matière de relations internationales, des valeurs qui sont chères au peuple russe. Il a fait de la défense une priorité stratégique. « Le monde nous a considérés comme un pays du tiers monde tout au long des années 1990, mais aujourd’hui, nous sommes une force avec laquelle il doit compter », explique une des personnes interrogées.
Il n’y a personne d’autre.
Même les sympathisants de Poutine les plus modérés admettent que les dirigeants de l’opposition ne sont pas crédibles. Poutine peut se targuer d’avoir redonné de la stabilité économique au pays. Les Russes en ont aussi marre des fonctionnaires corrompus, et le sentiment général est que le dirigeant sortant est toujours « le moins pire ».
Bakunina conclut :
Le peuple russe a survécu à plusieurs époques difficiles depuis l’invasion mongole du 13ème siècle, qui a détruit sa paix, son indépendance, sa culture et ses villes (y compris Kiev, qui était alors la capitale). C’est peut-être cette histoire ancienne, aussi bien que la guerre civile après la Révolution Bolchévique, la famine qui s’est ensuivie, la Seconde Guerre Mondiale et les répressions sous Staline, qui indiquent que la tolérance russe à l’austérité est bien plus élevée que celle du monde occidental.
Les Russes ne recherchent pas la prospérité, mais la stabilité. Ils se soucient moins de la liberté individuelle, que de leur statut collectif et de l’intégrité. La Russie, qui s’étend sur les continents européen et asiatique, a hérité du sens oriental de la communauté, d’une attitude d’acceptation et de prédisposition à l’égard d’un gouvernement autoritaire. »
Source: express.be