Le Bureau du Vérificateur général (BVG) du Mali a récemment publié un rapport accablant sur la gestion de la Compagnie malienne des Textiles (COMATEX SA). Cette vérification financière et de conformité, couvrant la période du 1er avril 2023 au 16 août 2024, met en évidence de nombreuses irrégularités administratives et financières qui compromettent la relance de cette entreprise publique.
Créée en 1968 et restructurée en 1994 en société anonyme, la COMATEX SA est depuis juin 2023 entièrement détenue par l’État malien. Avec un capital social de 1,5 milliard FCFA et plus de 1 000 employés, l’entreprise joue un rôle clé dans le secteur textile national. Toutefois, malgré un chiffre d’affaires de 1 094 millions FCFA en 2023, elle a enregistré une perte nette de 300 millions FCFA.
Après un arrêt total de ses activités en 2020 en raison de graves difficultés financières, la COMATEX SA a pu redémarrer en 2023 grâce à un appui financier de 922 millions FCFA de l’État. Cependant, la forte consommation énergétique, représentant plus de 80 % des dépenses décaissables, fragilise encore davantage sa rentabilité.
Un cadre juridique flou et une gouvernance défaillante
Le BVG relève une série d’irrégularités juridiques et administratives qui affectent le fonctionnement de l’entreprise. Une des anomalies majeures est la création, en 2023, d’une nouvelle entité COMATEX SA par le ministre de l’Industrie et du Commerce, sans qu’aucune procédure de liquidation de l’ancienne société n’ait été engagée. Cette situation soulève des questions sur la légalité des décisions prises par cette nouvelle structure.
Par ailleurs, l’absence de comité de gestion, pourtant prévu par les statuts, prive les travailleurs d’une participation aux décisions stratégiques de l’entreprise. Le Conseil d’Administration, lui aussi, fonctionne de manière irrégulière, sans règlement intérieur ni registre officiel des délibérations, ce qui pose un problème de traçabilité des décisions, souligne le bureau du vérificateur général dans son rapport.
Des irrégularités financières préoccupantes
Les dysfonctionnements de la COMATEX SA ne se limitent pas aux aspects administratifs, rapporte le BVG. Sur le plan financier, de graves irrégularités ont été constatées par le Bureau du Vérificateur général (BVG), révélant une gestion déficiente des ressources de l’entreprise.
Au total, 50 515 557 FCFA d’anomalies financières ont été relevés, incluant le non-reversement de 28 359 797 FCFA issus de la vente de déchets et ferrailles, ainsi que le paiement irrégulier de 4 500 000 FCFA d’indemnités aux administrateurs. À cela s’ajoute l’omission de la retenue de l’Impôt sur les Revenus des Valeurs Mobilières (IRVM) à hauteur de 6 676 000 FCFA et l’absence de prélèvement de l’impôt sur les prestations de services sans NIF, représentant 10 979 760 FCFA.
Ces anomalies financières témoignent d’un manque de rigueur dans la gestion comptable et d’un non-respect des obligations fiscales en vigueur. L’accumulation de telles irrégularités expose l’entreprise à des pertes importantes et à des risques accrus de détournement de fonds. Cette situation met en péril la relance de la COMATEX SA, d’autant plus que ces dysfonctionnements compromettent la transparence et la crédibilité de l’entreprise vis-à-vis des autorités et des partenaires financiers.
Des recommandations pour une refonte en profondeur
Face à ces irrégularités, le Bureau du Vérificateur général (BVG) a soumis son rapport aux autorités judiciaires compétentes et formulé plusieurs recommandations pour une refonte en profondeur de la gestion de la COMATEX SA. Il appelle le ministère de l’Industrie et du Commerce à régulariser la situation juridique de l’entreprise, tandis que le Conseil d’Administration doit mettre en place un comité de gestion impliquant les travailleurs, adopter un règlement intérieur et tenir un registre officiel des décisions. Ces mesures visent à renforcer la gouvernance et la transparence au sein de la société.
Par ailleurs, la Direction générale est tenue d’assurer un inventaire exhaustif du patrimoine, de renforcer les procédures d’achat et de réception des marchandises, et d’améliorer la comptabilité pour une gestion plus rigoureuse. Sur le plan financier et fiscal, le BVG recommande l’application stricte des obligations fiscales, la rectification des paiements irréguliers ainsi que la mise en place d’un suivi rigoureux des recettes afin d’éviter toute perte ou détournement. Ces actions sont essentielles pour garantir la viabilité et la relance durable de la COMATEX SA.
Ibrahim K. Djitteye