Le service des urgences du CHU Gabriel Touré a admis le Pr. Cissé de l’Université de Bamako, après un accident mortel sur la route de Kabala.
Ledit accident s’est produit devant la brigade territoriale de Kalabancoro près d’un poste de police. Le Professeur Cissé mourra plus tard dans une clinique de la place, faute de prise en charge correcte des urgentistes du CHU.
Rappel des faits
Nous étions lundi 3 juillet 2017, quand les étudiants de la cité universitaire de Kabala se sont révoltés contre les conducteurs de camions bennes transportant du sable, des graviers… dont le chemin de passage est la route de Kalabancoro qui longe Kabala jusqu’à la lisière du fleuve Niger.
Les étudiants se sont révoltés parce que l’un de leurs camardes a été tué par un camion benne le vendredi 30 juin. Selon eux, un camion benne plein de sable a écrasé leur camarade qui était en chemin pour l’université, et l’accès de vitesse du chauffeur du camion serait à l’origine de cet événement malheureux. Après les obsèques de celui-ci (le samedi 1er juillet), les étudiants ont décidé le lundi 3 juillet 2017 de porter leur colère dans la rue, d’autant qu’un autre étudiant avait été tué dans les mêmes circonstances, en l’espace de deux semaines.
Ils ont alors barricadé, le lundi 3 juillet 2017, le tronçon sur lequel l’accident a eu lieu. Le chauffeur du premier camion arrivé sur les lieux a été stoppé et passé à tabac devant les policiers en faction et des éléments de la gendarmerie de Kalabancoro. Quand le chauffeur du camion, pris d’assaut par les étudiants en colère, a été gazé, celui-ci a tenté de faire marche arrière. Cette manœuvre se produisait au moment où le véhicule du Pr. Cissé était juste dernier le camion benne. Le Professeur Cissé décide alors de s’échapper de son véhicule pour éviter la violence du choc.
Peine perdue, en se jetant de son véhicule, il aurait heurté la bordure du caniveau, ce qui lui a coûté une fracture ouverte au niveau de la cheville. Quand les étudiants se sont rendu compte que c’était l’un de leurs professeurs, ils ont pris la tangente, laissant le Professeur Cissé gisant dans le sang tandis que le chauffeur du camion s’était évanoui.
Le chic dans cette histoire, au lieu que les policiers en faction et les éléments de la brigade territoriale de Kalabancoro assistent le professeur Cissé, pour lui sauver la vie, ils se disputaient violemment le cahier du camion benne. Selon des témoins, policiers et gendarmes tentaient de faire prévaloir leur compétence territoriale sur les lieux de l’accident. Pendant que le Professeur Cissé, abandonné à son sort, perdait beaucoup de sang. Celui-ci décide d’appeler son collègue Pr. Yattara, qu’il venait de quitter à l’université il y avait à peine deux minutes, pour l’informer de l’accident.
Ce dernier, que nous avons pu rencontrer à l’hôpital Gabriel Touré, n’en revient toujours pas de cette scène inimaginable. «Mais rien n’est impossible», dit-il. D’après le professeur Yattara, les Sapeurs pompiers n’étaient pas encore sur les lieux de l’accident quand il arrivait. Après les avoir alertés, les éléments du centre de secours des sapeurs de Bacodjicoroni sont arrivés quelques minutes plus tard, avant d’emmener en urgence la victime au service du CHU de Gabriel Touré dans les environs de 10 heures. Ce qui est regrettable, de 10 heures jusqu’à 16 heures, le professeur Cissé continuait à saigner dans la salle des urgences et aucun médecin ne lui était venu en aide. C’est en ce moment que son collègue nous a alertés pour que nous soyons l’un des témoins oculaires de cette scène inimaginable.
De fait, malgré les cris de détresse du Pr. Cissé, il ne sera pas secouru puisqu’aucun médecin traumatologue n’était sur place. Son collègue M. Yattara, qui était à son chevet, a alors appelé leur recteur pour l’informer des faits. Le recteur Macki Samaké a aussitôt joint son ministre Assétou Founé Samaké pour lui faire part de la situation. Elle aussi, à son tour, a appelé son homologue de la Santé, Pr. Samba Sow, pour qu’un médecin puisse venir s’occuper du professeur Cissé.
C’est après toutes ces tractations que le chef du service des urgences est enfin sorti de son bureau pour expliquer qu’ils allaient s’occuper de lui. Mais, en réalité, il n’y avait aucun médecin au service de traumatologie. Le Pr. Cissé est resté dans cette situation avec une douleur indescriptible jusqu’à minuit. C’est au-delà de minuit qu’un stagiaire est venu faire la radiographie de M. Cissé. Il sera ensuite emmené par ses parents et collègues dans une clinique privée de la place où ils trouveront le traumatologue du CHU Gabriel Touré qui avait été appelé, en vain, par le chef du service des urgences du CHU Touré.
Mais le mal était déjà fait puisque le pied du professeur Cissé s’était infecté faute de mauvais traitements adéquats, selon un constat du médecin au lendemain de l’accident. Lequel a informé les parents de M. Cissé de la nécessité de l’amputer du pied infecté. Le Professeur Cissé ne survivra pas à cette opération puisqu’il a rendu l’âme le samedi 8 juillet 2017 sous les yeux impuissants de tout le monde. Pourtant, selon des spécialistes, sa vie aurait pu être sauvée s’il avait bénéficié d’une prise en charge immédiate et d’un traitement approprié.
Ousmane DIAKITE