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Chronique Satirique : Et si les généraux montaient au front ?

 

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Si l’armée malienne va de défaite en défaite, c’est parce que la guerre est une affaire trop sérieuse pour être laissée aux seuls soldats et sous-officiers. Là-dessus, il serait bon de tirer les enseignements de l’histoire.

Du début de la rébellion armée, en 2012, à nos jours, les morts maliens et étrangers se comptent par centaines. Curieusement, pas un seul officier supérieur malien ne figure dans le lot. Pour ceux qui l’ignoreraient, les officiers supérieurs vont du grade de lieutenant-colonel à celui de général, en passant par les colonels et les colonels-majors. Ces personnages hauts perchés dans les arbres, pardon!, dans la hiérarchie militaire jouissent, malgré le gros temps, d’un taux de mortalité des plus bas. On dirait qu’ils se font injecter un vaccin secret contre Dame Mort. En réalité, leur recette de survie est fort simple : ils ne bougent pas de leurs bureaux climatisés, dûment sécurisés par des aides de camp et régulièrement dotés de 4X4 Toyota V8 et de cartons de lait Nido. Voilà qui est bien dommage ! Nous n’avons fréquenté aucune école de guerre mais le peu que nous avons lu des livres d’histoire nous enseigne que les plus grandes victoires militaires ne sont remportées que lorsque les chefs de l’armée, voire de l’Etat, descendent sur le terrain, à la tête ou près des unités combattantes. Un tel sacrifice de soi flatte le moral des soldats qui voient en leurs chefs un exemple de bravoure. De plus, la présence des chefs sur le théâtre des opérations leur permet de mieux connaître le terrain, facilite la prise de décisions ainsi qu’une gestion idéale des effectifs et des matériels. Enfin, plutôt que de recevoir et de lire (à moitié !) des rapports souvent bidonnés, le chef militaire présent sur le terrain voit de ses propres yeux les forces et faiblesses du dispositif de combat. Les anciens ne disent-ils pas que mieux vaut voir une fois que d’entendre cent fois ? Sans compter qu’un bon général a besoin, pour forcer l’admiration des troupes, de mettre la main et les pieds à la pâte, quitte à y laisser la peau. Loin de moi l’idée de creuser, par anticipation, la tombe de notre demi-millier d’officiers supérieurs, mais je ne soufre plus qu’on ignore les leçons de l’histoire que je vous invite à méditer avec moi…

Petit cours d’histoire

L’un des plus grands conquérants de tous les temps s’appelle Alexandre le Grand. Roi de Macédoine, il ne déléguait à personne la direction des troupes militaires. Après avoir soumis la Grèce, il fond sur l’Asie Mineure à la tête de bons généraux (Antigonos, Antipatros, Perdiccas, Ptolémée I, Séleucos I, Parménion) et d’une troupe de 40.000 hommes, dont 32.000 fantassins et 5.000 cavaliers. Partageant les peines et les joies de ses soldats, Alexandre met vite la main sur la Perse dont le souverain, Darius III, prend la fuite, abandonnant à son vainqueur son char, ses attributs royaux (un arc, un bouclier et un manteau), ainsi que sa famille (sa mère Sisygambis, son épouse Stateira I, son fils Ochus, et ses filles Stateira II et Drypteis). Alexandre poursuivra ses exploits en Egypte, en Syrie, à Babylone, et jusqu’en Inde où son armée, harassée, lui demandera l’arrêt des conquêtes. Avant de se replier du territoire indien, il érige, en hommage aux principaux dieux de l’Olympe, douze autels monumentaux avec cette inscription solennelle: « Ici s’est arrêté Alexandre ». Le vaillant roi mourra d’une pancréatite, après avoir fondé, selon l’historien Plutarque, 70 villes au nom d’Alexandrie.
Le père du royaume zoulou, Chaka Senzangakhona (1787-1828), passe surtout pour un guerrier émérite. Sa force : il ne quitte pas d’une semelle ses troupes combattantes. Il fera de l’armée de métier le pivot de la société, astreint au service militaire tous ses sujets, crée un corps militaire féminin et initie des concours militaires où les vainqueurs gagnent les plus belles combattantes. Chaka révolutionne la stratégie militaire en optant pour l’attaque « en tête de buffle ». Les troupes sont divisées en 4 corps : 2 ailes forment les « cornes de buffle » et 2 corps centraux, placés l’un derrière l’autre, forment le « crâne ». Opérant en un mouvement tournant, l’une des ailes attaque tandis que l’autre n’intervient que quand le combat est engagé. L’armée de Chaka mène une guerre totale et utilise la tactique de la terre brûlée grâce à des régiments spéciaux, les impi ebumbu (régiments rouges). L’armée, à son apogée, compte 100. 000 hommes auxquels il faut ajouter les 500. 000 hommes des tribus vassales. Les soldats ennemis capturés n’ont la vie sauve qu’à condition de s’enrôler dans l’armée zouloue, d’abandonner leur nom et leur langue et de devenir des Zoulous. En dix ans de campagnes, Chaka se taille dans le Natal un empire aussi vaste que la France.
Le Prophète de l’islam, Muhammad (paix et salut sur lui), fut un chef religieux, mais aussi un chef militaire dont Napoléon 1er lui-même, autre général de terrain, admirera le grand art. Bien qu’il fût envoyé de Dieu et, en cette qualité, dispensé d’office du combat, il ne manquait pas de prendre la tête des troupes. A Badr, à Ouhoud comme à Khaybar, il était là, perdant même une dent dans les combats. A Hounayn, l’armée musulmane fut, contre toute attente, mise en déroute; il fallut, pour la requinquer, la ramener sur le champ de bataille et forcer la victoire, que le Prophète (psl), resté presque seul au milieu des combats, fasse lancer par son oncle Al-Abbas, qui possédait une voix de stentor, un vibrant appel aux « Mouhajirin » (disciples musulmans émigrés de la Mecque) et aux « Ançars » (disciples de Médine). A sa mort, le Prophète (psl) léguera un empire musulman s’étendant de l’Arabie à l’Espagne. A la suite du Prophète (psl), son célèbre général, Khalid ibn Walid, ne perdra aucune de la centaine de batailles qu’il mènera, personnellement placé à la tête des troupes.
Soudiata Kéita, fondateur de l’empire du Mali, fut un guerrier légendaire. Il ne se contentait pas d’envoyer ses hommes au front: il les y dirigeait. Ce fut le cas, notamment, à la bataille de Kirina où il décocha personnellement la flèche armée de l’ergot de coq qui tua le puissant roi du Sosso, Soumangourou Kanté. Chaque fois qu’une campagne s’annonçait, les généraux (Fakoly, Touramakan et autres) suppliaient, en sanglots, l’empereur de leur confier le commandement des troupes…
Je vous fais grâce des épisodes de la 2ème guerre mondiale où les généraux Rommel, Montgomery, Mac Arthur et Patton ne se sont pas illustrés dans les bureaux, mais bien sur le champ de bataille.

Leçons d’histoire

Alors question: ces redoutables chefs militaires qu’étaient Alexandre, Chaka, Soundiata et Muhammad (psl) ne tenaient-ils pas à vivre ? N’avaient-ils pas le loisir de se mettre tranquillement en marge des combats ? Pourquoi ont-ils préféré, au péril de leur vie, accompagner les soldats sous le feu ? On me rétorquera, comme un refrain musical, que les hauts gradés doivent rester dans la capitale pour « planifier » ou « coordonner » les opérations sur le papier. Fort bien! Mais quand, comme au nord-Mali, l’armée va de débâcle en débâcle, ne faut-il pas changer de méthode et aller « coordonner » les opérations sur le terrain? A mon humble avis, le problème de l’armée malienne ne tient pas à un manque d’équipements: il réside justement dans un déficit de stratégie et de coordination, toutes choses que l’on dit relever du ressort exclusif des hauts gradés. L’armée me paraît mieux équipée que les rebelles sur lesquels elle a, en outre, l’avantage de disposer d’une population susceptible de la renseigner. Elle n’a pas d’avions de combat, pleurniche-t-on; mais les rebelles en ont-ils, eux ? Pour rappel, le colonel Diby Syllas Diarra n’a nullement eu besoin d’avions pour écraser la rébellion de 1961. Et si elle avait attendu d’avoir les mêmes bombardiers que l’ennemi, l’armée nord-vietnamienne du général Giap n’aurait jamais vaincu sa rivale américaine. On me rétorquera enfin qu’il existe un poste de commandement opérationnel malien à Gao. Certes. Mais combien de généraux et de colonels y séjournent ?

Source : Procès Verbal

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