Le PM Choguel Kokalla Maïga s’est livré à un exercice qui ne lui est pas étranger, pour ne pas dire qu’il y tire son essence politique. Il a certes raté d’être lion, mais il est resté tigre jusqu’au bout des ongles. Le président du MPR n’est pas un tigre que de nom, il dévore sa proie, comme schématisait Aimé Césaire, évoquant le combat de la négritude, face à la persécution des « Noirs » par les « Blancs ».
Le tigre Choguel révèle sa tigritude très tôt au lendemain de la victoire du mouvement démocratique contre l’UDPM en 1991. Il n’a pas dérogé à l’élan général de création des partis politiques, après la mutation de certaines associations donnant naissance à des partis politiques comme l’Alliance pour la Démocratie au Mali – Parti africain pour la Solidarité et la Justice (Adema -PASJ), le Congrès National d’Initiative démocratique Faso Yiriwa Ton, et la renaissance des partis historiques comme l’Union soudanaise du Rassemblement démocratique africain (Us-RDA), le Parti Progressiste Soudanais (PSP).
Après avoir échoué à recréer l’UDPM, un exercice politiquement osé alors, Choguel Maïga a transformé le lion en tigre, non sans coup de griffes contre ses adversaires politiques, qui furent obligés de céder à l’exigence démocratique de respecter les libertés publiques aux premières heures de l’ère démocratique. L’ancien étudiant en Russie revendiqua l’héritage du régime défunt du président Moussa Traoré et imposa sa présence sur l’échiquier politique national, sans en faire à la diplomatie, malgré son entourage fait d’hommes apparemment sobres comme le Professeur Kanouté, Amadou Daouda Diallo, des anciens leaders de l’Union nationale des Jeunes du Mali (UNJM) dont il a été lui-même un leader.
Mais autre temps, autre mœurs ! Devenu Premier ministre depuis deux ans (juin 2021), l’ancien porte-parole du M5 RFP, Dr. Choguel Kokalla Maïga, devrait mesurer cette hauteur et prôner l’unité politique entre ancien mouvement démocratique et héritiers de l’UDPM, à l’instar des visites rendues lors d’une fête, aux familles de Abdoul Karim Camara dit Cabral, des présidents Moussa Traoré et Modibo Kéita, d’Hammadoun Dicko du PSP. Eviter de raviver les adversités du passé, qui plus est, détourne l’attention sur les enjeux actuels pour cantonner sur un bilan de la gestion d’un président. On pourrait autant dire de négatif du bilan d’un président ou d’un autre. Choguel ne devrait pas cibler l’ancien président Alpha Oumar Konaré. Il l’a fait et la réponse de la famille politique de l’ancien président ne s’est pas fait attendre à travers des déclarations du parti de l’Abeille, l’Adema-PASJ de Marimantia Diarra et du bélier blanc de Tiebilé Dramé. Le Mali traverse une transition à cause des crises politiques et sécuritaires et le ton de tels échanges ne devrait pas venir du Premier ministre. Le milieu politique doit prendre acte de son affaiblissement progressif, y compris de l’estime au profit des militaires au pouvoir, pour ne pas tomber dans le piège de la diversion, pendant la transition. Car à la loupe, cette contradiction se passe entre politiques, et ne fait que renforcer le doute sur les acteurs politiques auprès des populations.
Un clash de ce genre entre le Premier ministre Choguel et l’Adema peut-il conduire à un remake des regroupements du mouvement démocratique d’une part et des Udpemistes d’autre part ? Rien n’est moins sûr, on peut répondre par la négative. On est loin d’un ressac de l’histoire de la sorte. L’opposition entre le OUI et le NON, lors du referendum constitutionnel, a fait penser à un tel scenario, mais l’histoire ne se répètera pas, parce que ni le Mali ni les Maliens des années 2020 ne sont ceux des années 80 et 90. Le 18 Juin 2023, héritiers de l’UDMP et ténors du Mouvements démocratiques, au coude à coude, ont invité les Maliens à voter OUI. Tout comme des membres des mêmes courants ont pu voter NON. Le Mouvement démocratique n’a ni la même composition, ni la même mission en 2023 qu’à la fin des années 80 et au début de celles de 90.
Notre pays se trouve toujours en prise aux menaces qui planent sur son intégrité territoriale et souveraine ; le retour à l’ordre constitutionnel reste une quête incertaine au vu des attaques entre belligérances d’état majors politiques, qui contribuent au renforcement de l’ancrage des militaires au pouvoir. Dans la même veine, l’arrivée des militaires au pouvoir et la durée de la transition sont révélatrices du crédit politique des acteurs auprès des populations ou du moins du peuple malien.
Les enjeux actuels doivent compter au premier chef, la cohésion nationale pour privilégier l’action politique tournée vers les causes nationales : ne pas perdre de vue les menaces qui planent toujours sur notre pays, sur son intégrité, et la sauvegarde des ressources de notre pays ; il urge d’éviter des passe d’armes comme celle qui s’est passée entre les Drs Choguel Kokalla Maïga et Oumar Mariko, ou celle du même Choguel contre le bilan du président Alpha Oumar Konaré, qui a gouverné le pays pendant deux mandats de cinq ans de 1992 à 2002. Il est également évident que chaque Malien, à son niveau, peut contribuer à la construction de l’édifice national, et éviter de danser au jeu des chaises musicales.
B. Daou
Source : Le Républicain