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Chronique du Mali : Les Etats n’ont que des intérêts, que fait le Mali des siens ?

Les Etats n’ont pas d’amis, ils ont des intérêts (Charles de Gaulle). L’intérêt de cette citation pour les nationaux d’un Etat, devrait être de compter sur ses propres valeurs en priorité. La célébrité de cette déclaration tient à son évidence, qui fait qu’elle reste une vérité absolue. La preuve est qu’il y a des exemples d’Etats qui ont compté sur d’autres, et qui n’ont eu que leurs yeux pour pleurer, tandis que le Rwanda ne s’en est pas mal tiré, qui a refusé certains diktats amicaux. Mais pourquoi plus de soixante ans après notre indépendance, nos populations retombent toujours dans le désenchantement après avoir nourri, et encore, l’espoir de se relever ?

Les maquillages et autres vernis démocratiques servent très souvent d’arguments pour les Etats forts, afin de mieux passer la pilule à la communauté internationale, de mieux se tenir sur les grands chevaux de la défense de leurs intérêts d’Etat. La déclaration attribuable à la Chine, le lendemain du coup d’Etat en Guinée, qui a renversé le président ‘’démocratiquement élu pour un troisième mandat au forceps’’, en est un exemple patent. En effet, la Chine a annoncé lundi 6 septembre, son rejet du coup d’État militaire en Guinée et a appelé toutes les parties à opter pour le dialogue et à libérer le Président détenu Alpha Condé. « La Chine rejette toute tentative de prise du pouvoir par coup d’État et appelle à la libération immédiate du Président Condé. Nous appelons toutes les parties à faire preuve de retenue, à respecter les intérêts fondamentaux du pays et à résoudre les problèmes par le dialogue et la consultation », selon le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Wang Wenbin. Que ne sait-on pas ? De nombreuses entreprises chinoises exploitent les richesses du sous-sol guinéen, un scandale géologique : diamant, or, bauxite, minerai de fer. La prise du pouvoir par la junte militaire pourrait être une menace assez sérieuse pour la démocratie. Mais pour l’intérêt chinois.

Au Mali, il y a autant de richesse et de contrats avec nos partenaires. TOUT respecte-t-il les intérêts du Mali ?

On sait que l’or du Mali ne brille pas que pour les Maliens. Cela parait normal, mais ce qui ne l’est pas, est que l’or malien brillerait plus pour d’autres, que pour les Maliens. Et ce n’est pas que l’or, il y a aussi le fer, la bauxite, et bien d’autres minerais du sous sol malien comme l’argent, l’Uranium et autres, qui profitent mieux à certains ‘’amis étrangers’’ qu’aux Mali. En plus du sous-sol dévasté, accompagné d’une dégradation inouïe de l’environnement, les tentacules de l’exploitation à outrance n’épargnent pas les eaux et les forêts du Mali, classées ou non. Ce n’est pas tout, le bradage de nos ressources minières et forestières, qui profitent peu aux Maliens, s’étend aussi aux produits agricoles et ceux de la cueillette. Selon les connaisseurs du milieu, le karité récolté au Mali (fruits et beurre) se vendrait sous d’autres cieux sous le label d’un autre pays, qui en assure l’exportation à son compte. Plus de 60 ans après l’indépendance, il est temps pour le Mali de faire son jus de karité et d’exporter sous son label son beurre de karité. Idem pour la gomme arabique, qui n’est toujours pas transformée localement, au-delà du seul calibrage. C’est le bradage à tous les niveaux, alors qu’il est possible de porter à 700 % ce que le Mali gagne aujourd’hui dans l’exportation de sa gomme arabique, et de renforcer les producteurs et la production. On se demande aujourd’hui ce que sont devenus les projets initiés en son temps par l’ancien Coordinateur National de l’Unité de Mise en Œuvre du Cadre intégré, Mohamed Sidibe, avec une stratégie sectorielle pour la gomme arabique au Mali. Ce produit qui entre dans la fabrication des boissons gazeuses (l’exemple du Coca-Cola), des textiles et bien d’autres, est mondialement prisé. Et le Mali en est un grand producteur.
Par ailleurs, les intérêts du Mali sont fondus en exportant le bétail sur pieds ; en important massivement du riz de mauvaise qualité qui est source de maux, alors que notre production suffisait ; en exportant 98 % de la production de coton après avoir tué toutes les initiatives d’industrie textile sur place.

Mais pourquoi plus de soixante ans après notre indépendance, nos populations retombent toujours dans le désenchantement après avoir nourri, et encore, l’espoir de se relever ? Avons-nous toujours manqué d’une masse critique de ressources humaines à la hauteur ? L’incapacité devrait se situer au niveau de nos gouvernants, ces dirigeants qui ne placent pas l’intérêt général au centre de l’action publique et qui sont obnubilés par des positions et des avantages personnels. Combien y a-t-il d’hommes d’Etat au Mali, qui sont-ils ? Les débusquer et leur confier la tâche d’honneur de relever le Mali. C’est le devoir de génération dans un Etat failli et trahi par ses enfants. Doit-on garder l’espoir de se relever ?

Se relever dans l’assurance pour chaque Malien d’être sous la protection d’un Etat, qui a le monopole de la violence sur l’ensemble de son territoire ; se relever parce que confiant du choix judicieux de ses décideurs, suivant un système électoral crédible, qui ne laisse aucune chance à l’achat des voix, la fraude électorale et le tripatouillage du résultat des votes ; et dont les nominations à des postes de responsabilité respectent des critères de compétences et de plan de carrière ; se relever parce qu’un peuple confiant et sûr qu’il n’a pas besoin de s’agiter et de casser, pour que ses gouvernants distribuent normalement les retombées de la croissance pour lui donner des infrastructures de santé, scolaires et universitaires, des infrastructures routières, hydrauliques et énergétiques. Des infrastructures adéquates avec un personnel disponible parce que conscient de son rôle, dans l’émergence de tout une nation.

Nous avons besoin d’un Etat qui a de l’autorité, et dont les représentants assurent la robustesse de l’Etat, non pas parce qu’ils sont autoritaires et violents, mais parce qu’ils préfèrent la classe économique et ne roulent pas dans des véhicules budgétivores, et ne vont pas s’acheter à l’étranger, des maisons qu’ils n’ont pas au Mali. C’est à l’instar de l’attitude exemplaire des hauts cadres, et non l’inverse, que le policier au carrefour respectera et fera respecter le code de la route et les textes y afférents. Il n’y a pas mieux que l’observation des usagers dans la circulation routière, pour se rendre compte du tempérament des femmes et des hommes de cette ville, selon leur degré de courtoisie dans la circulation, selon qu’ils respectent ou non le code de la route, selon qu’ils se respectent les uns les autres. S’il n’en est rien, on sait à qui la faute. Si nous ne défendons pas les intérêts du Mali, les autres viendront défendre les leurs chez nous. Quoi de plus normal !

B. Daou

Source: Le Républicain

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