Bon nombre de personnes se posent la question de savoir si le cinéma et la télévision sont des organes audiovisuels en concurrence ou en complémentarité.
Un exemple édifiant. L’avènement de la télévision au Mali, le 22 septembre 1983, a été un choc pour le cinéma d’État, à travers notamment le Centre national de production cinématographique (CNPC), devenu à ce jour le CNCM (Centre national de la cinématographie du Mali). Le choc a été d’autant plus traumatisant pour bien des cadres de ce service public que sa survie s’est posée dans leur esprit.
Ils la voyaient dépouillée de ses prérogatives d’organe audiovisuel auquel les autorités accordaient un regard de témoin de l’actualité filmée. Surtout, ils ne sentaient l’Etat pas capable de leur assurer une activité régulière avec le modeste budget de fonctionnement à sa disposition.
Cette méprise a régné malgré la mission première du CNPC qui le vouait à la réalisation de longs métrages et documentaires, à la différence de sa devancière, le Scinfoma (Service cinématographique du ministre de l’information du Mali) qui était chargé essentiellement de la réalisation des actualités filmées. D’aucuns redoutaient la fermeture pure et simple du CNPC.
Un vent de sauve-qui-peut s’est installé à un moment, au point que certaines valeurs sûres ont préféré aller offrir leurs talents à la toute nouvelle télévision nationale. Sont de ceux-là Boubacar Sidibé, le réalisateur d’œuvres remarquables comme « les rois de Ségou » et « Dou, la famille », le cameraman Abdrahamane Somé, disparu depuis quelques années, tout comme Moussa Camara dit Gnoul, qui ont, tous deux, cadré bon nombre de films maliens et étrangers.
Cette crainte s’est vite envolée lorsque la télévision nationale a entamé une fructueuse collaboration avec le CNPC en ayant recours à ses nombreux films d’actualité, documentaires et de fiction, mais aussi en le sollicitant pour la réalisation de documentaires et reportages.
Malgré cette entente naissante, les autorités ont senti la nécessité de recentrer les missions dévolues au cinéma d’Etat en le faisant évoluer du CNPC au CNCM, définitivement débarrassé des contraintes de reportage. Les tâches de ces deux organes ont ainsi été clairement définies, la télévision se focalisant sur ce qu’elle appelle sa passion d’informer, de former et de distraire, le CNCM sur la réalisation de films de court et long métrages, de documentaires, sans oublier la formation de techniciens du cinéma. Le premier continue à agrémenter ses programmes avec des films d’archives, ainsi que des documentaires et longs métrages du second. Et même parfois, ils s’essayent à la coproduction de films.
Le cinéma et la télévision, loin d’être des rivaux, se retrouvent tout naturellement complémentaires. Cheick Oumar Sissoko, réalisateur, un temps ministre de la Culture et actuellement secrétaire général de la Fepaci (Fédération panafricaine des cinéastes) définit la jonction entre le cinéma et la télévision comme une nécessité. « De jeunes réalisateurs africains sont formés. Certains deviennent de grands cinéastes ; mais, à l’heure du numérique, il faut qu’ils soient à la hauteur pour occuper le grand écran comme le petit écran », soulignait-il dans un entretien accordé en 2015 au journal Reporter.
En effet, constatait-il, les chaînes africaines de télévision se nourrissent principalement de séries et de films étrangers.
Les gens doivent, bien sûr, les regarder pour comprendre ce qui se
passe ailleurs ; mais, estimait-il, seules les productions continentales peuvent faire découvrir et connaître la richesse et la variété des identités culturelles et des civilisations africaines, dont les valeurs universelles sont souvent méconnues, voire inconnues de la jeunesse.
Pour atteindre cette jeunesse, le cinéma a besoin de salles de cinéma pour les accueillir. Or, aujourd’hui, cette denrée-là est bien rare au Mali et dans bien des pays africains. En attendant la rectification de cette anomalie, les cinéastes africains sont tenus de se tourner vers la télévision, le numérique en général, pour faire connaître leurs œuvres à leurs concitoyens.
Interaction entre cinéma et télévision, cela va de soi et la complémentarité ne peut que se renforcer au fil du temps. C’est en reconnaissance de cette réalité que le Fespaco s’est adjoint la mention télévision pour devenir Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou. Les organisateurs de ce grand rendez-vous biennal africain et de la diaspora ont réaffirmé, lors de la célébration récente de son Cinquantenaire, leur volonté de principalement s’approprier les avantages de ce média pour un plus grand soutien à la cinématographie africaine.
L’Essor