Difficile de croire en la politique de lutte contre la cherté de la vie menée par le gouvernement malien. En effet, chaque jour qui passe est un nouveau jour de hausse sur les marchés. Une situation que les ménagères supportent de plus en plus mal.
Il est 11 heures à Bamako ce vendredi 2 novembre, et à cette heure, tous les marchés de la capitale malienne grouillent de monde. Nous nous faufilons parmi les commerçants et les clients pour être au parfum des dernières hausses des prix des denrées sur le marché. Première escale, l’espace tubercule du marché Soukounikoura de Médine, en commune II de Bamako. Sur son étalage, dame Kadidiatou propose plusieurs variétés d’igname. A titre d’exemple, le kilogramme des variétés d’ignames varient entre 400 et 500 francs CFA le kilo. La commerçante reconnaît que ces prix sont élevés néanmoins elle prend le soin de nous expliquer pourquoi les prix sont constamment à la hausse. « Je dois vous dire très clairement que la hausse ne dépend pas de nous. Seuls les grossistes qui viennent nous livrer en camion ont le monopole du prix. Ils font venir les ignames de Sikasso et de la Côte d’Ivoire. Ils proposent le kilo à 300 F ou 350 en fonction de la période et des espèces », nous indique dame Kadidiatou.
On comprend sur la base d’un petit calcul que le bénéfice des commerçantes oscille entre 100 et 150 F CFA sur chaque kilogramme d’igname vendu ! L’étalage d’igname de Fanta jouxte la grande table de Kadidiatou. Une commerçante d’épices dont l’activité principale est le négoce des oignons. Un condiment incontournable qui subit aussi une hausse incontrôlée côté prix.
« Plus que toute autre denrée, le prix de l’oignon subit une véritable fluctuation. Le sac peut coûter 16.000, 17.000 voire 18.500 f CFA. Ce même sac d’oignon, il y a quelque temps de cela, se vendait entre 8.000 et 12.000 f CFA au plus. Avec les nouveaux prix nous sommes obligés de faire des petits calculs pour faire un petit bénéfice » affirme la vendeuse.
Ce petit calcul, dont parle Fanta oblige les commerçantes à proposer les oignons à 650 voire 700 F CFA le kilo. Les autres légumes n’échappent pas à cette fluctuation. Les aubergines, gombos et autres tomates fraîches vendus hier par petits tas à 100 francs sont aujourd’hui vendus au minimum à 150 francs ou même 200 francs sur certains marchés de Bamako. Pour faire une bonne sauce et bien nourrir sa famille, les tubercules d’igname et les légumes ne suffisent pas. Il faut bien faire un tour chez le boucher ou la poissonnière.
Dans un contexte économique de plus en plus difficile, rares sont les familles qui peuvent s’offrir le luxe d’un repas copieux avec des protéines animales. La raison est toute simple : le prix du kilogramme de viande est trop élevé et ceux qui veulent se rabattre sur le poisson se heurtent aux prix imposés par les grossistes. Faisons-nous une idée des prix pratiqués avec Mme Bamba une poissonnière de Sotuba.
« Le carton de poisson chinchard qui était à 19 000 et aujourd’hui monté à 23 000 F, le machoiran est passé de 8 000 à 10 000 F, le prix du maquereau est passé de 8 000 à 11 000 F CFA ! Vous remarquez très bien que la hausse se situe entre 2 000 et 5 000 F selon les espèces de poisson », nous explique madame Bamba.
Il faut donc revendre le poison à 700, 800 ou 1000 F pour réaliser un petit bénéfice.
Une véritable souffrance pour les commerçantes
Cette souffrance des commerçantes est aussi partagée par les mères de famille qui écument chaque jour les marchés de la capitale à la recherche de quelques légumes pour nourrir mari et enfants. Le panier de la ménagère n’existe plus, il s’est transformé en sachet de la ménagère ironisent les femmes sur le marché qui ne savent plus à quel saint se vouer.
« Je suis venue avec 2 000 F au marché depuis 7 heures et à force de comparer le prix des denrées il est 12 h 15 ! Je risque de me retourner sans rien acheter parce que tout est devenu cher. Les mêmes provisions que vous faites lundi à 2 000 F vous les ferez dans une semaine à 2 500 voire 3 000 F. Il est de plus en plus difficile de manger » s’inquiète Mme Coulibaly Salimata.
Au Mali de nombreuses familles ne cherchent plus à manger à leur faim. Juste le minimum deux (2) ou une (1) fois par jour pour « rester en vie ». Quand les difficultés frappent, on oublie la qualité pour penser quantité.
« Quand vous regardez une sauce tomate de 2018 et celles que nos mères cuisinaient en 1990 ou même avant, vous sentez la différence. Nos sauces sont juste de l’eau portée à ébullition avec quelques légumes. Les Maliens mangent de plus en plus mal et nos autorités semblent ne pas se soucier de notre sort » s’indique Mme Kane.
La question de la cherté de la vie dans le contexte socio-économique assez difficile qui est celui du Mali mérite une attention particulière. Les autorités maliennes doivent mener la lutte d’une autre manière et accepter d’abandonner leurs bureaux feutrés de la cité ministérielle au bord du fleuve pour descendre sur les marchés pour toucher du doigt la souffrance des populations.
Le ministre du Commerce est vivement interpellé sur la hausse exponentielle du prix des denrées de premières nécessités sur nos marchés.
Paul N’GUESSAN
Mali-Horizon