Le bilan de Boni Yayi, un homme comme en rêvent parfois les Africains parce qu’il n’est pas issu du sérail politique, est décevant. L’homme finit même par devenir une affligeante caricature de dirigeant usé, dépossédé de sa lucidité, et dont les pitreries alimentent les réseaux sociaux.
Mais en face, quelle alternative ? J’ai souvent critiqué les oppositions africaines. Elles peuvent se révéler pires que ceux-là qui nous gouvernent sans vertu, sans efficacité, sans probité. Et parfois, les alternances – quand elles surviennent – nous fonttomber de Charybde en Scylla. Elles ne représentent souvent que des changements de personnes, sans alternative programmatique ni transformation sociale.
Une opposition dépourvue d’idées ?
De fait, l’opposition béninoise semble évoluer dans une terrible vacuité idéologique et programmatique. Ses membres ne proposent aucun projet alternatif et s’en tiennent à de stériles invectives. Elle se complaît dans un minimalisme renversant, ponctué par des salves de propos répugnants sur l’identité de Lionel Zinsou, la couleur de peau ou le nombre d’années passées en France. Et cela alors que le Bénin est considéré comme une exception démocratique en Afrique de l’Ouest…
Il est immoral de faire subir à un peuple déjà martyrisé par la pauvreté ce niveau de débat au sujet de qui est plus noir que l’autre parmi ceux qui se présentent au suffrage universel. On nie décidément tout aux peuples d’Afrique : à l’indignité de leur situation économique, ils doivent ajouter le manque de respect de ceux qui sollicitent, pourtant, leur confiance.
L’irresponsabilité politique n’a décidément pas de limite. Nous avons vu ce que l’ivoirité a provoqué en Côte d’Ivoire. Une décennie de guerre civile. D’ailleurs, ce débat identitaire gagne du terrain en Afrique de l’Ouest. Récemment au Sénégal, on devisait sur le passeport de Karim Wade ou celui de son père.
Si Lionel Zinsou fait aujourd’hui figure de favori à la présidentielle du 6 mars après seulement quelques mois de carrière politique, c’est grâce aux alliances qu’il a nouées, aux idées qu’il a lancées mais aussi grâce au désert politique qui règne dans ce pays. Malgré une multitude de candidats en lice, aucune alternative sérieuse et crédible ne semble sortir du lot.
L’opposition béninoise semble se tromper de combat. Si elle persiste dans cette voie de ne débattre que de l’identité du favori, elle ne récoltera que défaite et déshonneur. Une défaite électorale certaine, et une abomination politique. Qu’est-ce que son attitude raconte de l’avenir de la jeunesse africaine dans la mondialisation ? En Europe, il est inimaginable de se priver des talents de la mixité qui, malgré le débat français nauséeux sur la déchéance de nationalité, est considérée comme une chance, pas un fardeau. L’Afrique ne doit pas régresser en allant à rebours de l’histoire. Sinon, qu’allons nous transmettre à nos enfants, nous, la génération du métissage ?
Hamidou Anne est membre du think tank L’Afrique des Idées