« Il faut admettre que nous n’avons plus un État Providence en face. L’État ne peut plus créer d’emploi durable pour tout le monde. Cependant, l’État doit obligatoirement instaurer des politiques publiques sûres et sans faille en faveur de la mise en œuvre de l’emploi et de la sécurité et la protection des travailleurs. L’État doit aussi être un facilitateur efficace et un créateur d’environnement pour encourager les investissements et l’embauche de salariés. Dans ce cadre, il est important de faire du secteur privé le catalyseur de la croissance économique et de la création d’emploi ». C’est la réflexion de Cheick Boukadry Traoré, Président de CARE.
Ces derniers temps, nous assistons à une escalade de la tension entre les syndicats et l’administration. Il faut reconnaître que les inégalités de revenus sont criantes dans notre pays. La montée de la polarisation politique, la division sociale et la criminalité sont directement liées à l’inégalité économique croissante. Nos politiques actuelles de l’emploi semblent ne plus fonctionner comme souhaité. Or, le manque d’emploi ou sa disponibilité sont des facteurs déterminants de la paix sociale dans un pays. L’emploi est le levier majeur de toute politique et stratégie de lutte contre la pauvreté. Il est donc important de faire de cette lutte, la pierre angulaire de notre politique de développement. Si nous voulons un jour réduire sérieusement les inégalités, nous avons besoin de solutions innovantes qui s’attaquent aux causes profondes. Le moment est certes venu pour des solutions riches en perspectives, soutenues par des politiques qui uniformisent les règles du jeu pour les travailleurs et renouvellent l’espoir dans notre pays. Ceci étant, il faut admettre que nous n’avons plus un État Providence en face. L’État ne peut plus créer d’emploi durable pour tout le monde. Cependant, l’État doit obligatoirement instaurer des politiques publiques sûres et sans faille en faveur de la mise en œuvre de l’emploi et de la sécurité et la protection des travailleurs. L’État doit aussi être un facilitateur efficace et un créateur d’environnement pour encourager les investissements et l’embauche de salariés. Dans ce cadre, il est important de faire du secteur privé le catalyseur de la croissance économique et de la création d’emploi. Il est autant important de renforcer et d’encourager davantage la capacité humaine et institutionnelle dont nous avons besoin pour atteindre nos objectifs de développement. Les efforts de développement ne sauraient porter de résultats concluants et durables en l’absence d’une valorisation des ressources humaines.
Aussi, au-delà de notre concentration sur la redistribution des revenus, nous devons surtout permettre à nos citoyens d’avoir un meilleur accès au crédit et à la propriété. En effet, il est temps de remettre l’économie au service de l’ensemble des citoyens. Il s’agit de reconstruire un système économique plus efficace, plus stable et plus juste où tout le monde, par son travail, nourrit la croissance et en tire profit, non pas simplement une petite minorité. Pour créer plus de richesses dans notre pays et assurer le financement de notre avenir, nous devons travailler plus et intelligemment. Nous devons traiter les problèmes liés au manque d’implication des masses dans la production des richesses et à la propriété. Le Malien aujourd’hui n’est plus le même qu’il y a quelques décennies, pas tant en raison de l’explosion généralisée des prix, mais surtout parce que c’est la première fois que nous remarquons une importante masse d’ingénieurs, d’entrepreneurs, de femmes et d’hommes d’affaires, capables d’exécuter un large éventail de plans d’entreprise. Mais cette importante masse doit avoir accès aux capitaux. Les retombées d’un meilleur accès au crédit et à la propriété devraient avoir un impact positif, durable et significatif sur l’économie nationale.
Notre pays fait sûrement face à une crise sans précédent et nous devons en tenir compte dans nos demandes et considérations, toutefois faisons en sorte que les vraies voix des travailleurs soient entendues et non celles des activistes avec des politiques sociales opportunistes. Dans une Afrique en pleine transformation, le Mali possède des atouts stratégiques. Nous devons faire l’inventaire de ces atouts, les cultiver et savoir les exploiter au mieux pour le développement d’une économie forte et stable. Une économie forte protège le peuple, renforce le tissu social et nos valeurs et soutient sûrement l’État de droit. Conséquemment, il est crucial que les syndicats et le gouvernement trouvent activement et résolument des voies pour œuvrer ensemble afin d’améliorer la qualité de vie des travailleurs et la production dans l’ensemble des secteurs économiques.
Cheick Boucadry Traoré/Le Challenger