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Cheick Boucadry Traoré, président de CARE : « Le Mali a besoin d’un gouvernement de transition qui a la confiance du peuple »

L’exacerbation du terrorisme, ainsi que la forte dégradation du tissu social due à la profonde crise politique et économique ont marqué l’année qui s’achève. En effet, notre pays est secoué par une crise des fondements qui met en cause tous les secteurs de la vie et nous met au défi de rendre compte de leur raison d’être. Nos institutions politiques, qui depuis fort longtemps, peinent à répondre aux besoins et aspirations de notre peuple, sont déjà bien à l’agonie dans notre pays et l’état de notre nation est plus inquiétant aujourd’hui que jamais auparavant.

 

L’année a été ponctuée de conflits sanglants à travers le pays. Cette détérioration des  relations  communautaires  entérine  bien  évidemment  l’affaiblissement  de notre pays dont la souveraineté est mise à mal au fil du temps à cause des politiques mal choisies, mal adaptées aux besoins et surtout mal ficelées. Nos institutions nationales n’arrivent toujours pas à inverser la tendance généralisée de l’aggravation de ces conflits et de la détérioration de notre tissu social qui semble irréversible.  Il va sans dire qu’il est dommage de constater qu’en cette veille de la célébration de la nouvelle année, notre peuple qui a beaucoup souffert, continue d’être traumatisé par des attentats perpétrés par des terroristes devant des forces de défenses et de sécurité qui sont toujours en reconstruction. Il est encore plus indignant de constater que nos condamnations de ces crimes deviennent la règle et la norme. Nous louons le courage et le sacrifice des Maliens qui endurent, avec beaucoup de dignité et de philosophie, les épreuves de ces moments difficiles qui, nous espérons ne sont qu’une parenthèse de notre histoire commune et de notre destin  commun.  Aussi,  Nous  exprimons  notre  compassion  et  notre  solidarité profonde aux familles des victimes. Nous rendons hommage aux braves et héros tombés sur le champ de bataille qui méritent à jamais notre reconnaissance et notre respect relatif à l’ultime sacrifice qu’ils ont accompli pour notre nation. Nos pensées et nos prières accompagnent nos citoyens en uniforme et les troupes étrangères qui risquent chaque jour leur vie au nom de notre nation, et à leurs familles qui vivent dans l’anxiété.

Notre  pays  a  enregistré  un  autre  coup  d’Etat  cette  année.  Les  coups  d’Etat déclenchent  toute  une  série  de  réactions  en  chaîne,  imprévisibles  et incontrôlables. C’est pourquoi nous devons tous réaffirmer notre engagement à œuvrer  sans  relâche  pour  l’avènement  d’une  démocratie  et  d’un  Etat  qui garantissent  une  plus  grande  justice  sociale  pour  l’ensemble  des  Maliens  et sommer le retour à une vie constitutionnelle normale dans un délai raisonnable. Un nouvel attelage gouvernemental est en place depuis ce dernier coup d’Etat. Toutefois,  la  coalition  ‘‘militaro-politique’’  au  volant  du  gouvernement  de transition ne pourrait faire avancer les grands dossiers nationaux que si nous changeons d’abord nos façons de faire changer notre logique. Il faudrait s’ancrer davantage dans la réalité et les besoins des communautés et non des groupes d’intérêt. C’est ce qu’il faudra faire pour commencer à changer le Mali, qui en a vraiment besoin. Il faut sortir du cynisme. Il faut se donner l’espace de réfléchir hors des nécessités du pouvoir et des discours actuels, pour réinventer notre pays. Le Mali a besoin d’un gouvernement de transition qui a la confiance du peuple. Un gouvernement qui est le seul maître d’œuvre, guidé par les seuls intérêts du Mali et assurant la cohérence des politiques. Nos gouvernants continuent à vouloir prescrire un projet d’Assises nationales de la  Refondation  sans  de  vraies  concertations  et  conversations  avec  le  peuple. L’ensemble des fondements sur lesquels repose ces Assises Nationales divisent plutôt notre nation au lieu de réunir le peuple autour d’un vrai projet d’unité politique et sociale. La cohérence de ces assises masque une extrême diversité de formules politiques, car, le sentiment d’unité qui s’exerce dans des contextes sociaux différents, n’a pas la même intensité auprès de toutes les communautés ou sociétés civiles du pays.  Ces temps-ci, les termes « souveraineté » et « légitimité » galvaudés tant les urnes occupent une place congrue dans les consciences. Tous les peuples du monde aspirent à la démocratie et à leur souveraineté. Cependant, quel que soit le degré de notre frustration à l’endroit de la CEDEAO, nous devons reconnaître la nécessité  des  organisations  régionales  et  les  fondements  d’un  monde multipolaire qui permettent une coopération économique et politique.

Les efforts déployés par la CEDEAO en vue d’une résolution rapide et durable de la crise politique et du conflit armé au Mali doivent être encouragés et supportés. C’est aux Maliens de travailler avec les officiels de la CEDEAO pour redéfinir le cadre de l’intervention de l’organisation sous régionale et éviter les erreurs du passé.  Nous  sommes  convaincus  que  les  citoyens  des  pays  membres  de  la CEDEAO veulent une organisation qui permet l’émergence d’un système économique et social au service des peuples de la communauté. Le destin du Mali se jouera dans une CEDEAO plus rassemblée. Les Maliens veulent une CEDEAO qui change dans un monde nouveau, une CEDEAO qui œuvre pour des changements politiques et sécuritaires, économiques et sociaux qui répondent aux attentes des peuples de la Communauté. Une CEDEAO qui gagne en efficacité. Enfin, une CEDEAO qui défende de bonnes politiques de gouvernance et non une démocratie de façade.  La situation économique et financière du pays est calamiteuse et les perspectives sont défavorables. Nous ne nous référerons point aux indicateurs économiques publiés par les institutions administratives, mais l’état du pouvoir d’achat réel du malien menant une vie misérable et constamment à la merci de la violence, de la marginalisation et de la pauvreté endémique.  Nous  savons  que  2022  sera  un  rendez-vous  électoral  de  grande  importance. Cependant, les défis auxquels sont confrontés nos gouvernants sont nombreux, notamment le rétablissement d’un environnement sécurisé sur l’ensemble du territoire, la restauration de l’Etat de droit, la consolidation des services de l’Etat, la réconciliation et le renforcement de la cohésion sociale.  L’objectif des élections est d’illuminer le peuple afin qu’il choisisse les meilleurs leaders pour faire avancer le pays. Et notre pays a urgemment besoin de leaders ambitieux pour consolider la nation. Le leadership, c’est surtout une vision claire sur  l’avenir  accompagnée  des  politiques  pragmatiques,  mais  aussi,  le professionnalisme, la compétence et le caractère approprié. Nous espérons que notre peuple apprendra à apprécier cela chez nos hommes politiques avant de leur confier le destin de notre pays. Notre souhait est de voir notre pays se stabiliser  en  se  dotant  de  leaders  élus  par  le  peuple  qui  feront  sa  fierté. Travaillons  bien ensemble et plus intelligemment pour pacifier notre pays et organiser  sur  l’ensemble  du  territoire  des  élections  ouvertes,  libres, transparentes, sécurisées et apaisées. Les défis auxquels nous devons faire face dans les années à venir exigent un consensus aussi large que possible et nous sommes confiant dans la capacité des maliens à trouver ce consensus à travers de vrais concertations et conversations.

L’état  de  la  nation  n’est  plus  seulement  une  préoccupation  légitime,  mais  il constitue  aussi  une  question  cruciale  qui  doit  être  examinée  en  détail  par l’ensemble de notre peuple. Il est temps de dresser le bilan et de soutenir toutes les  initiatives  utiles  propres  à  assurer  un  futur  prospère.  Nous  devons  nous pencher sur le rôle que l’ensemble des citoyens est appelé à jouer au cours des prochaines années. Cela exige que l’on prenne du recul et que l’on examine l’état de la nation et sa place dans le monde, à long terme et dans une perspective plus vaste.

Puissent ces événements passés et les crises dont nous vivons être l’occasion pour l’ensemble  des  citoyens  de  renouveler  notre  engagement  à  l’égard  de  notre nation et de ce que doit être notre mission. Et puissent la classe politique et les institutions  de  notre  pays  témoigner  de  leur  bonne  foi  en  donnant immédiatement suite aux engagements pris face à notre Nation. Que Dieu nous assiste et bénisse nos efforts pour la sauvegarde de notre nation qui souffre énormément. Aussi, nous vous souhaitons une heureuse et sereine fin d’année et nos vœux de bonheur les plus chaleureux pour le nouveau cycle qui commence.

CB.T

Source : Le Challenger

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