Hêra Foundation a tenu, le 09 décembre dernier, dans la salle de banquets du Centre international des Conférences de Bamako la 3e édition de sa conférence active sur les violences basées sur le genre « Dôkera » sur le thème : « La lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles au Mali, mythe ou réalité ? ». La conférence a enregistré la présence du ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux, Mahamoudou Kassogué, de l’ancienne première dame, Mintou Doucouré Traoré, du maire de la Commune IV du District de Bamako, Adama Bérété, de l’Ivoirienne Khadidjata Touré et de la Sénégalaise Ndeye Bineta Leye.
Dans son mot de bienvenue, le représentant du maire de la Commune III a souligné que cette conférence est une occasion de mesurer le chemin parcouru dans la protection et la promotion des droits des femmes et des filles. La problématique du respect des droits des femmes, a reconnu l’élu local, est au cœur des préoccupations de Hêra Foundation. Il n’a pas manqué d’expliquer que les femmes, les filles et les enfants sont les plus grandes victimes de la crise multidimensionnelle qui secoue le pays depuis une décennie. Au nom du Réseau des communicateurs traditionnels du Mali (Recotrade), Golé Tounkara a salué la présidente de Hêra Foundation. Il a fait quelques rappels historiques sur l’importance de la société malienne. « Il y a des gens qui versent les larmes des femmes. Il y a d’autres aussi essuient leurs larmes », a-t-il martelé avant de mettre l’accent sur la complémentarité entre l’homme et la femme.
Dans un film projeté dans la salle, certains bénéficiaires du fonds d’entreprenariat social de Hêra Foundation ont témoigné sur l’importance de ce financement.
A l’entame de son discours, Me Tall Nadia Biouélé, présidente de Hêra Foundation a demandé d’observer une minute profonde de silence pour les victimes de Songho et Badiangara brûlées vives le 3 décembre dernier.
Pour elle, « la violence contre les femmes est une violation des droits de l’homme, les droits de la femme faisant partie intégrante des droits de l’homme ». La violence contre les femmes a de lourdes conséquences pour un pays et freine inéluctablement son développement en empêchant la réalisation de progrès dans certains domaines tels que l’élimination de la pauvreté, la paix et la sécurité, a-t-elle fait savoir. Elle est, a ajouté Me Tall Nadia Biouélé, un problème mondial, social, économique, sanitaire, et de sécurité.
Une lutte de la vie et pour la vie, pour la survie
La présidente de Hêra Foundation a déclaré que la lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles est une lutte de la vie et pour la vie, pour la survie de nos mamans, nos sœurs et nos filles. « Elle nous appelle incontestablement à la solidarité inconditionnelle, au soutien les unes des autres, en la réunion de nos forces dans le respect des identités et compétences de chacune, pour aller en bloc convaincre les sceptiques et vaincre les résistances, qui ne résultent que d’une grande incompréhension assise sur un fond d’absence de méthodologie adaptée à notre contexte ! »
Elle a plaidé pour le renforcement de la protection des féministes qui risquent leur vie et leur sécurité en défendant les femmes et en recherchant un peu plus d’égalité de droit pour elles : « Une femme qui lutte pour le droit des femmes lutte en même temps pour les droits humains, pour un monde égalitaire, dans lequel, tous ont accès au même bien être et aux mêmes opportunités, sans exclusion aucune de la femme ! Lorsqu’une femme défend les droits d’une autre femme, elle lutte aussi pour sa famille, sa communauté, son quartier, son pays ». Elle a appelé à une synergie d’actions entre la gente féminine. « Femmes du Mali, femmes actives, femmes de terrain, aspirons et œuvrons avec plus de solidarité et de synergies pour la reconnaissance et le renforcement de nos droits. Ce combat ne se gagnera pas dans les guerres de positionnement, ni dans l’individualisme à la quête d’une renommée personnelle », a-t-elle insisté.
La présidente de Hêra Fondation a fait un rappel historique en entretenant l’assistance sur la place de la femme dans la charge du Mandèn. « Les droits de la femme étaient déjà une réalité car il a été décrété de les associer à toutes les prises de décisions et à la gouvernance (article 16), en n’occultant pas l’interdiction formelle de les offenser (article 14). Le droit de propriété a été reconnu, érigé en institution et rigoureusement encadré », a-t-elle fait savoir.
Depuis 2019, selon sa présidente, Hêra fondation œuvre à assurer une assistance juridique et judiciaire à toutes les femmes victimes de violence au Mali : « A ce jour, près de 200 femmes sont continuellement assistées et plus de 60 enfants ont bénéficiés de parrainage scolaire et près de 350 autres ont reçus des Kits scolaires grâce au projet KHALIFA. De plus, une dizaine de femmes ont également bénéficiés du fond FESO à hauteur de 250 mille francs chacune, à jour de remboursement il faut le préciser, afin de favoriser leur réinsertion socioéconomique et leur permettre d’avoir une vie décente et pouvoir s’occuper dignement de leurs familles et surtout d’elles-mêmes. »
Vers la création d’un centre d’hébergement d’urgence pour les femmes victimes de violences conjugales
Hêra fondation, a-t-elle martelé, réaffirme son engagement ferme à « poursuivre notre plaidoyer auprès de nos décideurs publics et religieux et traditionnels, pour l’adoption d’une loi plus protectrice des droits des femmes et l’instauration d’une réponse judiciaire appropriée au cas déférés par-devant la justice ». Hêra Fondation, a-t-elle avancé, réaffirme son engagement auprès des femmes victimes de violence basée sur le genre à travers la continuité du service de l’assistance juridique et judiciaire. La Présidente de Hêra Fondation annonce l’ouverture prochaine d’un centre d’hébergement d’urgence pour les femmes victimes de violences conjugales qui n’ont nulle part où aller, pour un instant de répit et de protection pour elle, ainsi que le déploiement de ses services dans les régions du Mali durant cette année 2022. Pour elle, la lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles doit être nationale, sous régionale et mondiale.
Me Tall Nadia Biouélé a tenu à remercier Kadhy Touré et Ndeye Bineta Leye pour leur participation à cette conférence. « La présence de nos deux Spéciales Guest que je vous invite à ovationner en témoigne à suffisance de l’illustration que notre Fondation veut montrer par son ouverture à la synergie d’actions et à la solidarité », a-t-elle souligné.
L’artiste comédien Kanté et son groupe ont fait une présentation sur les violences faites aux femmes et aux filles.
Les invitées Guest de cette 3ème édition, l’ivoirienne Khadidjata Touré et la sénégalaise Ndeye Bineta Leye ont exprimé leurs engagements pour la cause.
Il y a un panel de haut niveau « quel dispositif législatif efficace pour la lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles ». Il a été animé entre autres par le magistrat Christian Diassana, Me Tall Nadia Biouélé et Sékou Cheick Tounkara.
Bintou Diarra
Des invités guest et de marque se prononcent sur l’initiative de Hêra Foundation
Cette 3e édition de la Conférence active de Hêra Foundation a enregistré la présence des invités guest et de marque. Sans complexe, ils ont plaidé pour l’éradication des violences faites aux femmes et aux filles dans les sociétés africaines. Ils apprécient à sa juste valeur l’initiative de Hêra Foundation.
Kadhy Touré, de la Nouvelle Chaîne ivoirienne (NCI) : « La violence faite aux femmes est un problème important, sérieux …»
Femme de médias, Kadhy Touré est une entrepreneure de notoriété incontestable. Selon Me Tall Nadia Biouélé, elle donne cette image de femmes qui arrivent à se hisser et a su démontrer que seul le travail et l’abnégation paient.
Les violences aux femmes, ça me parle et ça doit parler à tout le monde. En gros, on est tous responsable de la violence faites aux femmes. Tout le monde a sa part de responsabilité.
La première responsabilité d’abord, moi je la situe d’abord chez la femme. Parce que c’est la femme qui est battue, c’est la femme qui n’impose pas certaines choses et qui ne se met pas en valeur. Donc, c’est la femme qui est la première responsable.
Deuxième responsabilité, c’est l’homme, bien sûr, l’homme qui tape, parce que, l’homme, en Afrique, a été élevé avec une mentalité de macho, genre, c’est moi qui commande, quand je parle, on se tait. Mais ça, c’est fini ! On a dépassé ça. Par contre, Il y a des hommes qui sont magnifiques malgré leurs titres. Comme on le dit en Côte d’Ivoire, il mange l’amour avec la femme. Ce sont de vrais hommes et il en y a plein dans cette salle…
Troisième responsabilité, je la situe chez la famille. Vous savez en Afrique, nous sommes conditionnés à la famille, c’est-à-dire, nous sommes élevés avec une même éducation. On nous dit : il faut faire comme ci, il faut faire comme ça. Dans la famille, quand une femme est battue, et qu’elle vient à la maison, c’est la maman même qui va prendre ses bagages pour lui dire de retourner. La famille a un rôle prépondérant. J’insiste là-dessus.
La quatrième responsabilité, c’est le système, ce sont les Etats, ce sont les décideurs, parce qu’une femme qui est violentée, ne sait pas où porter plainte, elle ne sait même pas comment la procédure….
C’est pour cela que j’ai adoré le projet de la Foundation Hera, qui va donner un centre d’accueil pour ces femmes. En Côte d’ivoire, on a ce problème. J’en parle tout le temps dans les émissions. C’est un vrai problème. C’est parce que nous sommes tous concernés, car je suis du système, toi es du système, Me Nadia est du système, on est tous du système.
Un deuxième problème du système au-delà des plaintes, c’est la médiatisation des sanctions. Quand un monsieur frappe sa femme, et qu’on l’arrête, il faut afficher sa photo partout. Comme ça d’autres auront peur de frapper leur femme.
La violence faite aux femmes, est un problème qui est important et qui est sérieux. Que ça soit au Mali, an Sénégal, en Côte d’Ivoire, on a les mêmes réalités…. Il faut prendre des décisions, il faut dénoncer, il faut aider les victimes. Aujourd’hui, moi Kadhy Touré, j’exprime mon engagement pour cette cause-là, il faut que chacun de nous, au sortir de cette salle, prenne des bonnes décisions et se pose les également les vraies questions…
Bineta Ndeye Leye, actrice de la célèbre série « Maitresse d’un homme marié » : « Ces violences basées sur le genre sont loin d’être un mythe…»
Ndeye Bineta Leye est une entrepreneure affirmée dans l’art du stylisme et de la haute couture, célébrissime actrice de la série très suivie « maitresse d’un homme marié ». « Déterminée, profondément pieuse et indépendante, elle a su surmonter tous les pièges tendus dans son envol entrepreneurial. Elle a su démontrer par l’occupation de son rôle dans la série que le mariage n’est pas un frein à l’autonomisation ou au développement de la femme africaine, mais plutôt un support, un atout lorsque le conjoint accepte d’accompagner son épouse dans ses choix professionnels », a commenté la présidente de Hera Foundation, Me Nadia Biouélé.
La Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, est en réalité, un combat du quotidien. Une femme sur trois, dans le monde a subi des violences physiques ou sexuelles, à un moment donné de sa vie, le plus souvent, de la part d’un partenaire intime. Près d’une femme sur trois a subi de mauvais traitements. En période de crise, les chiffres, augmentent, comme on a pu le constater, en période de COVI19, les récents conflits, les crises humanitaires et catastrophes climatiques. Moins de 40% des femmes subissent des violences….
Ces violences basées sur le genre, sont loin d’être un mythe, elles doivent cesser. Pour y parvenir, il faut commencer à accorder du poids au récit des survivantes……en s’attaquant aux causes profondes, transformer les normes sociales préjudiciables et autonomiser les femmes…
Engageons-nous, nous femmes battantes, sœurs, filles, épouses et mères. Une fin, une très belle fin, pour que chaque femme retrouve ses chances de vivre la vie qu’elle souhaite ou mérite, parce que c’est son droit, notre droit. Comme toutes ces femmes battantes, accompagnées par la Foundation Hera. Ici, au Mali, c’est possible. Et oui, ensemble, faisons-le, activons nous ensemble et réussissons ensemble…
Mme Nguema Meye Agnès Félicité, manager en ressource humaines : « Je suis impressionnée par cette initiative que je trouve très louable »
Très personnellement je suis impressionnée par cette initiative que je trouve très louable et qui devra être récidivée pour sensibiliser la couche des hommes et des femmes qui sont non seulement victimes, mais qui sont aussi acteurs de la violence pour qu’ensemble, nous puissions mettre fin à cette gangrène. Aujourd’hui, nous avons parlé de la violence faites aux femmes mais aussi, au cours de cette présentation, on a présenté les violences faites aux hommes, donc c’est de part et d’autre.
Je voudrais aussi ajouter qu’il y’a une violence qui se faite aussi au milieu professionnel qui est aussi extrêmement importante. Dans le milieu professionnel, les femmes subissent les acharnements, les harcèlements au quotidien…
Il est temps que toutes ces violences cessent. Pour ce faire, je pense que les décideurs doivent continuer à réfléchir aux actions à mener, des dispositions à prendre pour pouvoir éradiquer ce fléau. Les victimes de violences doivent où aller, à qui s’adresser. S’il y a des lois qui ont été votées pour lutter contre les violences, on peut se défendre et celui qui est auteur, va prendre peur. Mais s’il y a de l’impunité, s’il n’y pas de loi pour lutter contre la violence, nous serons toujours victimes de cette violence d’une manière ou d’une autre.
J’ai été très honorée d’être invitée et j’encourage vivement l’équipe Hera Foundation et leur Présidente à œuvrer dans le même sens et aussi à regarder autour des hommes.
Modibo Bacary Camara, représentant du ministère de l’administration territoriale : « Si la Foundation Hera n’existait pas, il fallait l’inventer »
Cette conférence, il fallait la tenir. Si la Foundation Hera n’existait pas, il fallait l’inventer. Les thèmes débattus ici, violences faites aux femmes, en marge, nous avons vu ici, effectivement, il y a aussi, la violence faites aux hommes, dans tous les cas, il faut arrêter cela. En effet, elles ne font que détruire notre société. Nous n’avons jamais connu cette violence à travers nos grands-parents. Nos arrière-arrière-grands-parents n’ont jamais frappé leurs femmes.
J’appelle les hommes et les femmes de médias à sensibiliser pour que ces violences s’arrêtent. J’encourage Me Nadia qui a choisi cette option… Nous lui souhaitons longue vie et plein de succès surtout.
Propos recueillis par Bintou Diarra
Source : Le Challenger