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Charnier de Gossi : quelles sont les accusations de la France concernant un charnier découvert au Mali ?

Une guerre des mots a éclaté au sujet d’un charnier découvert près d’une base militaire au Mali, récemment utilisée par les forces françaises.

 

La France accuse les mercenaires russes travaillant au Mali d’avoir mené une campagne de dénigrement et d’avoir jeté des corps à cet endroit afin d’accuser les Français.

Mais ces accusations sont rejetées par le gouvernement russe, et les autorités maliennes ont exprimé leur mécontentement face aux allégations françaises.

La France, qui a envoyé des milliers de soldats au Mali depuis 2013, a annoncé en février qu’elle se retirait du pays, dans un contexte de controverse sur son rôle dans la lutte contre les groupes djihadistes.

La France et d’autres pays européens s’inquiètent de plus en plus de la présence de mercenaires de la société militaire privée russe, Wagner, dans certains pays africains. Le gouvernement russe nie tout lien avec Wagner.

Que s’est-il passé, selon la France ?

Les forces françaises ont remis une base militaire à Gossi aux autorités maliennes le 19 avril, et des soldats maliens s’y sont installés le jour même – un fait sur lequel toutes les parties impliquées dans cette affaire s’accordent.

Dans l’après-midi du 20 avril, l’armée française affirme que sa reconnaissance aérienne a montré un certain nombre d’autres soldats, qu’elle décrit comme des “Caucasiens [Européens] soupçonnés d’appartenir au groupe Wagner”, arrivant à cette base pour décharger du matériel avec les troupes maliennes locales.

Cependant, les uniformes des soldats ne semblent pas distincts en raison de la faible qualité de la séquence, et il est difficile de dire avec certitude de qui il s’agit.

Les autorités françaises ont indiqué à la BBC qu’elles ne pouvaient pas partager la séquence originale (de meilleure qualité) pour des raisons de sécurité.

Ce soir-là, les Français affirment qu’un compte Twitter – @DiaDiarra6 – a publié une déclaration selon laquelle des cadavres ont été trouvés à Gossi, laissés par les forces françaises en partance, mais sans aucune séquence pour l’illustrer.

L’identifiant Twitter décrit le titulaire du compte comme “un soldat à la retraite, un patriote malien et un analyste politique”.

L’armée française affirme qu’après avoir remarqué ce tweet, elle a envoyé un drone pour vérifier ce qui se passait.

Le lendemain matin (21 avril), vers 09h50 heure locale, l’armée française dit avoir capturé des images aériennes à environ 3 km de la base d’un groupe d'”individus de type caucasien” près d’une dizaine de corps, sur lesquels des personnes jetaient du sable, tandis que d’autres se tenaient à proximité pour filmer.

Environ deux heures plus tard, @DiaDiarra6 – que les Français ont décrit comme “très probablement un faux compte créé par Wagner” – a posté une nouvelle fois, avec cette fois un contenu trop graphique pour être publié.

On y voit un gros plan de ce qui semble être un certain nombre de cadavres gisant recouverts par endroits de sable ou de terre.

“C’est ce que les Français ont laissé derrière eux quand ils ont quitté la base de Gossi. Ce sont des extraits d’une vidéo qui a été prise après leur départ”, indique la légende.

Plus tard dans la journée, le compte Twitter a publié une vidéo de 20 secondes montrant les mêmes corps. Le compte a depuis été désactivé.

D’après le Mali, que s’est-il passé ?

Le Mali affirme qu’après avoir pris le contrôle de la base le 19 avril, une force de renfort y a été envoyée le 20 avril, mais elle a essuyé des tirs cette nuit-là, de la part d’attaquants inconnus.

Une patrouille de reconnaissance a été envoyée dans la matinée du 21 avril pour vérifier la zone et vers 06h30 heure locale, elle a découvert le charnier.

Le porte-parole de l’armée, le colonel Souleymane Dembélé, indique que l’état de décomposition avancée des corps signifie qu’ils sont morts depuis plusieurs jours, ce qui, selon lui, exclut l’implication des forces maliennes.

“L’état de putréfaction avancée des corps indique que ce charnier existait bien avant la rétrocession [française] au Mali”, affirme-t-il.

Lors d’une conférence de presse le 25 avril, le colonel Dembélé ajoute que “certains habitants avaient déjà signalé cette découverte [de la fosse] lorsque les autorités maliennes se sont rendues sur place”.

On ne sait pas exactement qui, selon les autorités maliennes, est responsable de ces décès. Mais elles ont accusé les Français d’espionnage pour avoir fait voler un drone près de la base. La France soutient ne rien avoir fait de mal car elle est autorisée à effectuer des surveillances dans cette zone.

Qu’a dit la Russie à ce sujet ?

Le ministère russe des affaires étrangères a publié une déclaration sur l’incident, exprimant son soutien au Mali et accusant la France de rejeter la responsabilité des décès sur d’autres personnes.

La déclaration mentionne des allégations sur les réseaux sociaux concernant les corps trouvés à Gossi, “qui était jusqu’à récemment… le lieu de l’opération française”.

Le communiqué indique ensuite que les médias locaux ont établi un lien entre cette découverte et des informations concernant un groupe d’éleveurs locaux détenus par des soldats français près de Gossi. “Leur sort est encore inconnu”, affirme le communiqué.

Selon les médias français, les forces françaises ont procédé à quelques arrestations dans cette zone le 17 avril. La France affirme que ces personnes ont maintenant été libérées, ce qui exclut qu’elles soient les victimes retrouvées à Gossi.

Il convient de noter que la déclaration russe ne répond pas à l’accusation française concernant les mercenaires présumés de Wagner. Nous avons demandé une réponse au gouvernement russe.

Quelles conclusions pouvons-nous tirer ?

Le compte Twitter que les Français accusent de diffuser de la désinformation présente quelques particularités qui alimentent les soupçons à son égard.

Il n’a été créé qu’en janvier de cette année et a publié des messages en faveur de l’armée malienne et de la Russie, et contre la présence française.

Le propriétaire avait une photo de profil que nous avons retracée jusqu’à un compte VKontakte (une plateforme de médias sociaux russe) d’une personne originaire de Colombie.

Le compte Twitter a ensuite abandonné cette image de profil et a commencé à en utiliser une appartenant au chef militaire malien, Assimi Goita, à peu près au moment où il a publié des affirmations concernant le charnier de Gossi.

Nous ne savons pas pourquoi le premier tweet accusant les Français d’être responsables des décès a été envoyé le soir avant qu’il apparaisse que les corps ont été effectivement enterrés près de la base.

Qui étaient les victimes dans la tombe ?

Pour l’instant, nous n’avons aucune confirmation de l’identité des victimes.

L’armée française dit croire qu’elles pourraient provenir de Hombori (au sud de Gossi), où l’armée malienne et des mercenaires russes ont mené une opération le 19 avril, au cours de laquelle un combattant russe aurait trouvé la mort, selon les Français.

L’armée malienne reconnait qu’il y a eu un incident à Hombori, affirmant qu’un de ses soldats et 18 militants ont été tués.

Elle précise que l’armée a arrêté plus de 600 suspects et qu’elle a ensuite libéré la plupart d’entre eux, les autres ayant été remis à la police. L’un d’entre eux est mort en détention.

Entre-temps, le gouvernement malien a lancé une enquête sur le charnier, mais il n’a pas encore déterminé qui étaient les victimes.

Nous avons demandé une réponse à l’armée malienne.

Source : BBC Afrique 

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