Réconcilier les Maliens en cicatrisant les plaies d’une crise qui aura été la dure de l’histoire du pays, le tout pour un nouveau départ, c’est le défi que l’Accord d’Alger est appelé à relever. En attendant sa signature par la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), le principal belligérant avec le gouvernement malien, il faut commencer à cogiter sur l’avenir d’un accord que la communauté internationale trouve bon alors qu’une grande partie de l’opinion malienne trouve mauvais puisque contenant les germes d’une désintégration future de notre pays. Comment mettre en œuvre un accord que les rebelles aussi rejettent aussi dans son état actuel ? A qui profite donc cet Accord ?
Cet accord tant attendu par les Maliens de l’intérieur comme de l’extérieur pourra t-il garantir la paix quand on sait qu’il y a d’autres acteurs qui n’ont pas été concernés mais dont la capacité de nuissance est aussi forte ? Des acteurs appelés terroristes (Mujao, Ançar Eddine) avec lesquels, pourtant et c’est peut-être à juste titre, l’homme politique, Tiébilé Dramé appelle à négocier. Quel est le degré de crédibilité des gens avec lesquels le gouvernement signe l’Accord en question en l’occurrence les rebelles de la CMA ? Des gens aussi versatiles qu’ils n’ont jamais inspiré confiance au Mali.
Preuves que ce que nous disons n’est pas du faux, au moment même de la signature de l’Accord, des affrontements opposaient des groupes pro-gouvernementaux aux rebelles de la CMA près de Ménaka.
En tout cas, l’Accord a signé le vendredi 15 mai 2015 au Centre international de conférence de Bamako par le gouvernement malien, des mouvements armés et la médiation internationale, en l’absence des principaux groupes de la rébellion à dominante touareg, qui ont dénoncé une « signature unilatérale », mais devant un parterre de dirigeants africains et personnalités de notoriété mondiale. Il s’agit des présidents Alpha Condé (Guinée Conakry), Mamadou Issoufou(Niger), Goodluck Jonathan(Nigéria), Michel Kafando(Burkina Faso), Faure Gnassimbé Eadema( Togo), Alassane Dramane Ouattara( Côte d’Ivoire), Paul Kagamé(Rwanda), Mohamed Ould Abdel Aziz(Mauritanie), Robert Gabriel Mugabe(Zimbabwe).
Etaient également présents à cette cérémonie de signature, Michäelle Jean(Francophone), Yannick Girardin(France), Johnson Williams, sous-secrétaire d’Etat américain, chargée des Affaires africaines, Pierre Buyoya(Misahel), Désiré Kabré Ouédraogo(Commission Cédéao), Cheaka Touré(Cédéao-Mali), Abderahim Birème Hamed, ministre tchadien de l’administration, Hervé Ladsous, Mongi Hamdi (Minusma), Mohamed Bazoum (l’ancien chef de la diplomatie nigérienne), Djibril Bassolé(OACI), Kader Ben Salah (président du Conseil algérien), Moustapha Niass (président de l’Assemblée nationale du Sénégal), Michel Reveyrand DE Menthon (l’UE-Sahel).
Etaient également présents les ex-présidents maliens Moussa Traoré et Dioncounda Traoré. L’absence des anciens présidents, Alpha Oumar Konaré et Amadou Toumani Touré n’a pas échappé au président Guinéen, Alpha Condé.
L’accord vise à instaurer une paix durable dans le Nord du Mali, qui a connu une série de rébellions touareg depuis les premières années d’indépendance du pays, en 1960. En 2012, cette vaste région a été transformée en sanctuaire et en base d’opérations jihadiste, jusqu’au lancement de l’opération militaire française Serval en janvier 2013.
La cérémonie a été maintenue contre vents et marées par Bamako et la médiation internationale conduite par l’Algérie, malgré les violations répétées du cessez-le-feu depuis deux semaines.
Ont signé d’une part, pour la République du Mali, le ministre des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop.D’autre part ; pour la Plateforme, Ahmed Ould Sidi Mohamed(MAA), Me Harouna Toureh(CMFPR), Fahad Ag Almahmoud(GATIA). Pour le CMFPR 2, Younoussa Touré. Et Ousmane Ag Mohamedoune a signé pour la coordination. A noter que ce dernier, était chargé des relations extérieures de la CPA de Ibrahim Mohamed Ag Assaleh, avant d’y être relevé quelques minutes après sa signature.
En comme conducteur du processus, Ramtane Lamara signera au nom de la médiation dont il est chef de file.
Ainsi suivent les signatures des différents pays amis impliqués dans le processus et organisations internationales témoins et garantes de l’accord.
Mais la CMA, dont les trois principaux groupes – le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) et la branche rebelle du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA) – n’assistaient pas à la cérémonie, a affirmé en début de soirée n’être « nullement concernée par la signature unilatérale » de l’accord.
Déniant dans un communiqué aux participants tout droit à parler en son nom, elle a réaffirmé qu’après avoir paraphé jeudi à Alger en « signe de bonne volonté » cet accord, deux mois et demi après Bamako et ses alliés, elle ne le signerait qu’après « des discussions (…) pour la prise en compte de ses préoccupations ». L’accord a également été signé à Bamako par des représentants de plusieurs pays et organisations au nom de la médiation internationale, dont l’ONU, l’Algérie, le Burkina Faso, la Mauritanie, l’UA et l’Union européenne (UE).
‘‘Le Mali appartient aux Maliens’’
Les intervenants ont félicité la médiation pour ses efforts, exhorté les parties signataires à respecter leurs engagements, les autres à le signer, et tous au dialogue.
Dans un communiqué, le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon s’est dit convaincu que l’accord « est une base solide sur laquelle construire une paix juste et durable au Mali »
La secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie Michaëlle Jean a parlé d’ « une étape essentielle pour la sécurité et la stabilité non seulement au Mali mais dans toute la région, voire le continent ».
« Le Mali appartient aux Maliens », et la paix et l’unité du pays relèvent d’eux, a souligné Robert Mugabe du Zimbabwe.
A Bruxelles, la chef de la diplomatie de l’UE Federica Mogherini a jugé que la signature « par la plupart des parties prenantes est une étape décisive », pressant les autres à les imiter.
Selon Yvan Guichaoua, « ce 15 mai n’est pas un jour très glorieux mais rien n’empêche la poursuite du travail ».
Le ministre des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop dans son discours a salué la confiance que le Chef de l’Etat a placée en lui avant de remercier la médiation algérienne qui a su œuvrer inébranlablement afin qu’un accord soit né. Il saluera également l’accompagnement de plusieurs pays et organisations internationales aux côtés du Mali jusque là.
Pour sa part, en sa qualité de médiateur en Chef Ramtane Lamamra a remercié le président algérien pour lui avoir confié une telle tâche aux côtés du Mali, un pays frère auprès duquel son pays entend rester. Avant d’ajouter que son pays est confiant sur le respect des responsabilités qui l’échoient. Autrement, l’Algérie qui comptera sur l’accompagnent de la communauté internationale, veillera à ce que les dispositions de l’accord soient respectées à la lettre.
Ramtane Lamara appelle aussi les populations du Nord à participer au sursaut national. Qu’il soit enfin mis fin à l’effusion de sang, a-t-il aussi souligné.
« C’est pour nous un immense bonheur de se retrouver ici en terre malienne. Nous avons compris qu’il ne pouvait en être autrement », a déclaré Ousmane Ag Mohamedoun se réclamant de la Coordination. Il a rassuré que l’engagement de la CMA sera sans faille.
Plusieurs représentants de mouvements, pays et organisations signataires ont pris la parole pour donner des gages de bonne volonté tout en appelant la communauté internationale à agir dans le sens de la réussite l’Accord.
Pour Kabré Désiré Ouédraogo, avant président de la conférence des Chefs d’Etat de la Cédéao, ce fut le moment de rappeler l’immensité des efforts déployés par l’organisation sous-régionale depuis le 7 juillet 20012 en faveur du Mali. Tout en étalant étape par étape, dans l’urgence, la stratégie employée par la Cédéao, Désiré rassurera que l’organisation reste foncièrement attachée à l’unicité du Mali.
Ypène Djibril Bassolé de l’OCI pour sa part, conseillera le Président malien à rester encore beaucoup plus ouvert au dialogue. En diplomate chevronné, Bassolé qui depuis, fut le premier médiateur connait désormais la classe politique malienne et son fonctionnement. Ses conseils ont la valeur, selon un observateur sur place. A la CMA aussi, Bassolé ne ratera pas de rappeler la terreur et la désolation qu’apporte la lutte armée.
Plus ou moins agité, IBK toujours dans son style de bon orateur, rend hommage à Dieu d’avoir fait de lui à la fois acteur et témoin d’un tel évènement historique.
Evoquant une pensée à toutes les victimes de la crise, Ibrahim Boubacar Keïta saluera les Chefs d’Etat ayant effectué le déplacement, en dépit de leurs agendas qu’il dit savoir très chargés.
IBK recadre l’ONU
Il a parlé du rôle fondateur du processus de sortie de crise entamé par Dioncounda et se dit avoir juste servi de relais.
Le président de la République a aussi recadré ceux qui l’accusaient de n’avoir pas suivi le processus de Ouagadougou à la lettre.
Pour IBK, dès son arrivée, il était question de se frayer le meilleur des chemins selon ses stratégies et son rythme. Il fallait selon lui, consulter les populations du Nord. Ce à quoi il dit avoir procédé avant de se rendre à Alger dès janvier 2014.
En réponse aux propos de Hervé Ladsous, IBK, le doigt levé, recadre les nations unies en mission de maintien de paix dans son pays. C’est en répondant à l’intervention de Hervé Ladsous qui, plus tôt avant lui, lisait le message de Banki-Moon demandant le respect immédiat du cessez-le-feu par toutes les parties.
Concernant les cessez-le-feu quatre fois signés mais jamais respectés par les rebelles, IBK invite les nations unies qui manquent de fermeté à être juste dans le traitement.
« Nous avons toujours signalé mais n’avons jamais été entendus, a-t-il rappelé, en demandant à ses partenaires de faire preuve d’un peu de respect pour notre peuple». Il les invite à faire en sorte que le jeu soit transparent. Faute de quoi, le comportement des Nations unies sur le terrain ne signifierait pas rendre service à la paix mondiale. Hervé Ladsous, assis à côté de Mongi Hamdi de la Minusma, avait l’air gêné (les deux hommes s’étaient sentis plus ou moins offensés). « IBK n’a fait que dire la vérité », a commentera un observateur très content de son président.
Contrairement aux attentes de la CMA, et les recommandations de l’ONU pour la continuité des discussions, IBK a précisé qu’à partir du paraphe, les négociations sont terminées et qu’une éventuelle discussion de plus ne s’érige pas en une sorte de prise d’otage du Mali.
« Aux nations unies, nous comptons sur Ladsouss pour notre dû et pas plus », a-t-il conclu lequel appelle à l’union sacrée des tous les Maliens et appelle nommément les chefs rebelles à lui faire confiance afin d’avancer.
- Diakité
Source: Autre presse