Selon le dernier rapport de Human Rights Watch, publié le vendredi 7 décembre dernier, des milices ethniques ont tué plus de 200 civils et incendié des dizaines de villages lors de violences intercommunautaires dans le centre du Mali au cours de l’année 2018. L’ONG précise : « la plupart des victimes étaient des villageois d’ethnie peule visés par des « groupes d’autodéfense » dogons et bambaras, en raison de leur soutien présumé à des groupes islamistes armés liés à Al-Qaïda. »
« Le gouvernement malien n’a pas honoré de manière adéquate les engagements pris en mars 2018 de désarmer les milices et d’engager des poursuites judiciaires contre toute personne portant des armes sans autorisation et impliquée dans des abus. Des leaders de toutes les communautés ont dénoncé la lenteur des forces de sécurité maliennes à réagir à la suite des nombreuses attaques contre leur communauté, affirmant qu’elles ne les avaient même pas protégés contre ces attaques commises par des groupes islamistes armés et des milices d’autodéfense. », selon Human Rights Watch.
« Avant, nous étions des frères: Exactions commises par des groupes d’autodéfense dans le centre du Mali », c’est le nom de ce dernier rapport de Human Rights Watch qui documente des attaques menées sur des bases communautaires par des groupes armés contre 42 villages et hameaux dans la région de Mopti, en particulier à proximité de la frontière avec le Burkina Faso, et contre la ville de Djenné. Selon Corinne Dufka, directrice pour le Sahel de Human Rights Watch : « Des milices violentes commettent des meurtres et des destructions dans le centre du Mali et font de nombreux morts sur leur passage. Le rythme et le niveau de brutalité des violences sont alarmants, tout comme le fait que le gouvernement n’a pas enquêté sur ces exactions et traduit leurs auteurs en justice. » Le rapport est le résultat de trois missions d’enquête menées en février, mai et juillet 2018 dans le centre du Mali, ainsi que sur des entretiens téléphoniques effectués tout au long de l’année. Human Rights Watch a interrogé 148 victimes et témoins, ainsi que des leaders communautaires peuls, dogons et bambaras, des représentants du gouvernement local, ainsi que des agents de sécurité et du personnel judiciaire, entre autres. Depuis 2015, note le rapport, les groupes islamistes armés ont progressivement accru leur présence dans le centre du Mali, où ils ont exécuté de nombreux civils et responsables gouvernementaux et commis d’autres abus. Leur présence et leurs efforts de recrutement d’habitants appartenant à l’ethnie peule, de tradition pastorale, ont enflammé les tensions avec les communautés bambara et dogon et mené à la formation de groupes d’autodéfense sur des bases ethniques. « Les groupes d’autodéfense disent avoir pris en main leur sécurité car le gouvernement ne protégeait pas de manière adéquate leurs villages et leurs biens. L’accès facile aux armes à feu, y compris aux armes d’assaut militaires, a contribué au développement et à la militarisation de ces groupes. Des témoins ont décrit les meurtres de 156 civils peuls par des groupes d’autodéfense présumés bambaras et dogons. Parmi ces attaques, 10 massacres ont été commis, au cours desquels ont été tués dans une même journée jusqu’à 23 villageois, le plus récent s’étant produit fin novembre. »
« Poursuivre plus vigoureusement en justice les auteurs de meurtres »
Environ 50 villageois peuls, explique Human Rights Watch, y compris des enfants, qui étaient détenus par les milices ou qui ont fui les attaques, restaient portés disparus au moment de la rédaction de ce rapport. « Les pires atrocités commises par des milices semblent avoir été déclenchées par le meurtre de membres respectés des communautés dogon ou bambara. Les groupes d’autodéfense ont répliqué avec des meurtres, souvent contre des hameaux peuls tout entiers. », Lit-t-on dans le rapport qui ajoute : « des villageois peuls ont affirmé voir vu des miliciens, dont certains ont été impliqués dans des meurtres, portant des armes, notamment des armes d’assaut militaires, ou circulant librement quelques jours seulement après les meurtres, apparemment sans que les forces de sécurité ne tentent de les désarmer ou de les arrêter pour les interroger. Dans certains cas, les noms des auteurs présumés des exactions avaient été donnés aux autorités. »
Selon Human Rights Watch, avant la publication du rapport, elle a fait part de ses principales conclusions et recommandations au gouvernement malien, lequel, en réponse, a détaillé les mesures prises pour faire face aux violences intercommunautaires : la création de 16 nouveaux postes de sécurité dans les zones vulnérables, la confiscation de plus de 360 armes et l’ouverture d’enquêtes sur les violences. « Les autorités ont affirmé que leur capacité de protéger les civils était gênée par l’existence d’autres priorités en matière de sécurité et par un manque de ressources. », détaille le rapport.
Pour Human Rights Watch, le gouvernement devrait poursuivre plus vigoureusement en justice les auteurs de meurtres, augmenter les patrouilles des forces de sécurité pour protéger les populations vulnérables, créer une ligne d’assistance téléphonique spéciale pour permettre d’alerter sur l’imminence d’une attaque et s’assurer que les forces de sécurité répondent aux violences rapidement et de manière impartiale. « En raison de l’aggravation des violences dans le centre du Mali, les membres de tous les groupes ethniques du pays s’engouffrent dans une dangereuse spirale de violence et d’impunité. Le gouvernement malien et ses alliés doivent affronter de front cette insécurité avant que davantage de sang ne soit versé. », explique Corinne Dufka.
M.K. Diakité
Source: Le Républicain