Dix jours après l’élection d’une nouvelle présidente de transition qui avait redonné l’espoir, la Centrafrique était replongée vendredi dans la violence avec de nouvelles tueries à Bangui et l’occupation de villes par des groupes armés en province.
La Croix-Rouge a déclaré avoir ramassé “trente tués et 60 blessés” au cours des trois derniers jours dans les rues de la capitale, un jour après que Médecins sans frontières (MSF) eut signalé “des combats et des actes de représailles entre les éléments de la Séléka et des groupes de miliciens anti-balaka” dans l’intérieur du pays.
Le chef de délégation du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) Georgios Georgantas, s’est dit devant la presse “extrêmement préoccupé” par la dégradation de la situation dans la capitale centrafricaine, soulignant un “niveau de violences sans précédent” depuis début janvier.
La situation se dégrade aussi hors de la capitale, dans un pays grand comme une fois et demi la France, en dépit de la présence de 5.500 soldats d’une force africaine, la Misca, et de 1.600 militaires français de l’opération Sangaris lancée début décembre.
Des éléments de l’ex rébellion de la Séléka, que les forces internationales ont pour mission de désarmer, ont pris le contrôle de la ville stratégique de Sibut, à 180 km au nord de Bangui, coupant l’axe reliant la capitale au nord du pays, ont rapporté des témoins.
“99% de la population” a fui en brousse, a affirmé vendredi à l’AFP un habitant joint par téléphone et qui estime à une centaine le nombre d’hommes de l’ex Séléka à Sibut.
La province hors de contrôle
Ces combattants musulmans, qui ne s’expriment qu’en arabe, ont commis des exactions contre les populations, avait déclaré jeudi une source de la gendarmerie centrafricaine.
Signe de la confusion sur le terrain et de l’impuissance des forces internationales, ni la force africaine ni l’armée française, absente de cette localité, n’ont réagi dans l’immédiat à ces informations.
L’Etat-major de la Misca avait affirmé jeudi “n’être au courant de rien” et les Français de l’opération Sangaris, non présents à Sibut, n’ont pas non plus fait de commentaires.
En début de semaine, les ex-Séléka qui avaient porté l’ancien président Michel Djotodia au pouvoir en mars 2013, ont été évacués des divers camps qu’ils occupaient dans Bangui, et regroupés dans un camp à la sortie nord de la capitale. Beaucoup toutefois ont préféré fuir la ville avec armes et bagages, sillonnant désormais les routes sans aucun contrôle.
D’autres villes du pays ont été désertées par leurs habitants, comme Bocaranga (nord-ouest), “une ville fantôme, vide, détruite, pillée. C’est effrayant”, selon Delphine Chedorge, coordinatrice d’urgence pour MSF.
“Les contacts que nous avons en province nous font part de violences extrêmes et de déplacements de population. La population est terrorisée”, a-t-elle dit dans le communiqué de MSF publié jeudi.
La Croix-Rouge a souligné que sa tache était compliquée à Bangui par le dispositif sécuritaire.
“Quand nous passons des barrages pour évacuer des blessés, chaque fois il faut de longues et difficiles négociations pour avancer. Cela met la vie des blessés en danger”, a souligné M. Georgantas.
Le bilan annoncé pour la capitale est a minima, puisque de nombreuses familles enterrent elles-mêmes leurs morts ou ne peuvent acheminer leurs blessés à cause de l’insécurité.
“Agir avant qu’il ne soit trop tard”
La crise est aussi au coeur des travaux du 22e sommet de l’Union africaine qui débat à Addis Abeba de l’opportunité de confier à des Casques bleus la mission que la Misca peine à remplir.
Le commissaire de l’UA à la Paix et la Sécurité n’a pas exclu vendredi une transformation de la force africaine en force onusienne si la situation dégénérait encore en Centrafrique.
“Mais pour transformer une telle force en force onusienne, il faut au moins six mois”, a dit Smail Chergui à la presse.
Toujours dans la capitale éthiopienne, l’Union européenne a promis 45 millions d’euros supplémentaires d’aide à la Centrafrique. L’UE a déjà débloqué 150 millions d’euros et approuvé l’envoi d’une force européenne d’environ 500 hommes qui a reçu l’aval de l’ONU mais n’est pas encore déployée.
L’ONU estime à 10.000 le nombre de soldats nécessaires pour sécuriser la Centrafrique et son secrétaire général Ban Ki-moon a souhaité jeudi que “la communauté internationale agisse de façon décisive avant qu’il ne soit trop tard”.
source : afp