Le sommet extraordinaire de la CEDEAO sur le Mali, la Guinée et le Burkina Faso, annoncé pour le 4 juin prochain dans la capitale ghanéenne, est celui de tous les espoirs pour des millions de Maliens tant de l’intérieur du pays que de la diaspora. Ils en attendent la levée immédiate des sanctions économiques et financières conjointement prises par cette organisation sous-régionale et l’UEMOA depuis le 9 janvier dernier. Signe d’une baisse progressive des stocks en tous genres, des denrées se raréfient et les prix flambent. Dans de nombreux foyers urbains il devient de plus en plus difficile de s’assurer plus d’un repas par jour. La pauvreté augmente et la mendicité avec. Les flux bancaires à destination ou en provenance des pays voisins sont asséchés, paralysant une multitude d’activités commerciales et de services et occasionnant des désagréments immenses.
L’Etat lui-même doit faire face à d’énormes défis. Alors que ses ressources financières ont drastiquement chuté, Il doit poursuivre la guerre contre le terrorisme qui coûte cher et se fait au détriment des projets de développement. Il doit financer (tardivement) la campagne agricole 2022-2023 (mise en place des engrais, pesticides, semences) importer des céréales pour couvrir la période de soudure (une tension alimentaire est prévue entre juin et août dans une partie du pays) et répondre à une réduction de la production de riz liée à la fois à l’insécurité, à la hausse du coût des engrais consécutive à la guerre en Ukraine et aux sanctions. Il doit aussi assurer l’approvisionnement du pays en hydrocarbures, segment où l’on a observé, ces jours-ci, d’inquiétantes perturbations.
Ajoutons-y que les impayés de la dette publique depuis janvier ont franchi la barre des 230 milliards de fcfa et que la très respectée Banque mondiale, dans une note intitulée : » Renforcer la résilience en période d’incertitude « , rédigée en avril et publiée le week-end dernier, relève que » le maintien des sanctions (communautaires) sur deux trimestres ou plus risque de replonger le Mali dans la récession « .
L’on comprend que face à ces défis et menaces, le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Abdoulaye Diop, se soit rendu en Russie pour solliciter le concours de cette nouvelle alliée stratégique. Son homologue Serguei Lavrov s’est voulu rassurant : son pays fera le nécessaire pour accompagner le Mali dans cette passe difficile.
Mais il ne faut guère se bercer d’illusions. La deuxième armée du monde s’est embourbée (c’est le cas de l’écrire) dans son « opération militaire spéciale de dénazification » qui entame son quatrième mois et semble tourner au désastre. Kiev et Kharkiv, les deux plus grandes villes de l’Ukraine, n’ont pas été conquises. La bataille du Donbass, engagée en plan B, peine à être gagnée. Odessa, le célèbre port céréalier, n’est pas pris. Par ailleurs les sanctions occidentales font mal à l’économie de la Russie plus qu’elle ne l’admet. Ses navires marchands ne circulent plus avec autant d’aisance dans les eaux internationales. Dans ces conditions et en tenant compte de ce que le danger d’une conflagration mondiale reste réel, il ne faut pas attendre de la Russie plus qu’elle ne peut donner.
Aussi le bon sens, la lucidité et le réalisme commandent-ils que les hommes qui nous dirigent travaillent en bonne intelligence avec l’intermédiation du président togolais Faure Gnassingbe qu’ils ont sollicitée et celle de l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI) initiée dans le cadre de la solidarité islamique pour que le sommet du 4 juin soit l’occasion d’une entente entre le Mali et la CEDEAO sur le délai complémentaire de la transition. Ce point acquis, l’Organisation sous-régionale lèvera-t-elle séance tenante les sanctions ou s’en tiendra-t-elle à la procédure qu’elle a déjà annoncée consistant en une levée progressive des sanctions en fonction des actes concrets qui seront posés pour la mise en œuvre du chronogramme électoral convenu entre les deux parties ? Il est prématuré d’y répondre mais l’on peut toujours espérer le meilleur pour le Mali.
Saouti Haidara
Source: L’Indépendant