Je suis fidèle à ce titre parce que c’est ainsi que je libellais l’une de mes contributions au processus de paix en 1992. A l’époque, bien entendu, je m’adressais aux dirigeants politiques et militaires des MFUA (Mouvements et Fronts Unifiés de l’Azawad) que furent les Sidi Mohamed Ould ZAHABI, les Sidi Mohamed Ag ICHRACH, les ZEIDANE Ag Sidalamine et autres sommités de la rébellion des années 90.
Deux décennies plus tard, ils semblent avoir compris mon modeste message et aujourd’hui, ce sont eux qui tirent tous les bénéfices de l’appel que je leur lançais. Ils l’ont compris, bien compris et ils se sont mués en authentiques républicains-loyalistes impliqués avec force conviction dans le processus de développement et de paix au bénéfice de leurs communautés respectives. A la force des armes, ils ont opposé l’arme des idées. A l’époque on m’avait traité d’oiseau de mauvais augure à la solde du rouleau compresseur, vendu au camp adverse. Certes, toute vérité est amère et son audibilité pénible, mais il n’en demeure pas moins que bien assenée elle aboutit à plus ou moins long terme, à l’évidence. Et c’est bien cette évidence qui s’impose aujourd’hui à nos frères et concitoyens de la coordination des mouvements de l’Azawad. Ils doivent, en effet, comprendre que nous attendons avec force impatience leur paraphe du projet d’accord et sa signature définitive dans les plus brefs délais.
Cette exigence n’est pas seulement du Mali, mais de toute la Communauté Internationale partie prenante aux négociations d’Alger, la bienveillante France au premier plan. Que mes frères de la CMA comprennent aussi que le processus fut laborieux, il aura coûté huit longs mois en temps, en énergie et en saignée financière. Aujourd’hui, les nerfs sont à vif et ils risquent de craquer si l’on s’obstine à faire durer le feuilleton par des manœuvres dilatoires, à la limite, insensées. Les concertations à la base de la CMA, qui vont en principe démarrer cette semaine, doivent inscrire en priorité cette donnée fondamentale dans le processus d’information et de sensibilisation de certains extrémistes encore accrochés à une chimérique idée d’ « indépendance « , de » fédéralisme « ou d’ » autonomie « . La rhétorique est tombée en désuétude.
Que mes frères de la CMA comprennent que le Nord du Mali est abandonné depuis Mars 2012 et que ce sont des générations qui y sont sacrifiées faute d’éducation, de santé. Ce semblant de vie dans des conditions minimales se pose avec acuité, avec gravité particulièrement dans la région de Kidal où les enfants n’ont connu que la Kalachnikov en lieu et place de l’école.
La proximité de l’Etat, ses bienfaits ne sont perceptibles que dans les grands centres urbains sécurisés par l’armée et la MINUSMA. Au-delà, les populations nécessiteuses, en proie au brigandage et aux rackets de toutes sortes, sont abandonnées à elles-mêmes. A ce funeste tableau, vient s’ajouter le cas des réfugiés dont personne ou presque ne parle. A long terme, il sera aisé d’imputer à la CMA les conséquences d’une tragédie longtemps vécue par des populations dont elle se réclame et au nom desquelles elle agit.
Il faut aussi savoir avoir le triomphe modeste et faire prévaloir la victoire de la diplomatie sur celle des armes. La victoire militaire de mai 2014 n’est plus d’actualité et la donne a bien changé comme en témoignent les récents accrochages avec les teigneuses milices acquises à la paix et à l’unification du pays. Avant d’entamer les ultimes négociations, la CMA a bien tenté d’avoir une emprise certaine sur l’ensemble des régions du Nord et faire ainsi prévaloir son statut de »dominant » à la table de négociations. La tentative d’hégémonie s’est soldée par un échec patent et douloureux. La guerre est ainsi faite. A chaque jour sa gloire. A chaque jour sa capitulation. Le soleil brille pour tout le monde.
Avec le peu de crédit qui lui reste encore, la CMA se doit de convaincre ses partisans pour qu’ils s’inscrivent dans la ligne tracée par la communauté internationale et qui s’impose à tous. L’heure est suffisamment grave pour s’obstiner à imposer à l’immense majorité des Maliens, des schémas et autres modes de gestion dont elle ne veut pas, parce que porteurs de germes de division et de destruction. La multiplication des attentats sur notre territoire ces derniers temps, et qui ont couté la vie tant à des nationaux qu’à des étrangers venus nous soutenir dans l’épreuve que nous traversons n’est que la résultante du manque d’enthousiasme et du peu d’empressement à parapher et signer un accord qui nous aurait enfin sorti d’ une interminable tragédie. D’autres extrémistes risquent à leur tour de s’engouffrer dans la brèche ainsi ouverte et les remises en cause prendront d’autres proportions.
Nous avons suffisamment traversé des épreuves pour nous en imposer encore. Ceci est ma profonde et intime conviction et je tiens à rappeler que je ne suis, ni un politique de saison, ni un agitateur au service de la subversion encore moins un patriote d’affaires. Je suis un Malien tout court. Je le revendique.
Houday Ag Mohamed
DRT- District de Bamako
Source: L’Indépendant