Pour commémorer le second anniversaire du renversement de leur régime, le cadre d’échange pour une transition réussie au Mali a produit une déclaration hybride qui tranche avec le courage, mais aussi avec l’honnêteté. Sans s’assumer comme partis d’opposition telle que la logique politique recommande, le Cadre s’arcboute sur son soutien hypocrite affiché à la Transition pour tenter d’exister. De peur de décevoir, les anciens compagnons de feu Ibrahim Boubacar Keïta ont oublié (à moins qu’ils n’aient eu peur) de lui rendre hommage, même de citer son nom…tel n’est pas le comble de la perfidie.
Les responsables de l’ex-majorité capitulent, rendent les armes, abdiquent. Ils estiment qu’il est temps «de taire les clivages pour sauver la Nation malienne » et « que les autorités actuelles à œuvrer à l’union des cœurs et des esprits, en vue de la cohésion sociale retrouvée dans notre pays qui joue sa survie ». Changement de ton, changement d’option, pour quelles honneur et crédibilité politiques ?
Le Cadre d’échanges des partis et regroupements politiques pour une transition réussie au Mali explique que c’est parce que le moment était grave que les forces politiques et sociales du pays dont le Cadre, ont choisi d’accompagner cette Transition, dont elles, ont souhaité la réussite dans le dialogue et l’inclusion. Que nenni ! Bien avant la rectification de la transition intervenue le 24 mai 2021, les forces politiques avaient abhorré et renié le Président IBK. La plupart de ceux qui s’alignent aujourd’hui honteusement sous la bannière martiale avaient déjà fait allégeance au CNSP dès le lendemain du coup d’État à l’instar du M5-RFP. C’était dans le feu de l’action, on dirait une course vers Kati, chacun allant de son petit communiqué de ralliement, d’accompagnement, de soutien à la réussite de la transition.
Ce n’est donc pas trop tôt le réveil, pardon ,l’objection de conscience de la part de ces politiques alimentaires ! Ceux qui ont ensuite presque applaudi à la mise à l’écart de Bah N’Daw et de Moctar Ouane, font le pied de grue pour entrer au gouvernement que Choguel K Maiga était appelé à mettre en place, n’ont pas eu le temps de condamner le second coup d’État de Assimi perpétré le 24 mai 2021. Quinze mois après, ils constatent comme par enchantement et regrettent que « le processus ait pris des allures dramatiques pour nos populations de plus en plus confrontées à de nombreuses et sérieuses difficultés économiques, sociales et sécuritaires ».
Selon leur constat opportunément coloré, « la situation se dégrade dans presque tous les domaines et de graves menaces pèsent sur l’unité et la souveraineté nationales », alors que l’Hôtel des finances a annoncé le vendredi 12 août dernier avoir réglé toutes les dettes que l’embargo avait générées. Moins d’une semaine après la visite de Macky Sall, Président du Sénégal et Président de l’Union africaine, les politiciens du Cadre trouvent que « notre pays, qui vit ainsi des moments sombres de son histoire, s’enfonce dans un isolement diplomatique inédit et sans précédent », sic.
Le Cadre a-t-il pris ses éléments de langage à l’ambassade de France pour dire que « le pays s’isole de plus en plus sur le plan diplomatique et se referme sur lui-même, du fait des autorités qui ont opté pour une diplomatie de rupture alors que dans la situation actuelle notre salut réside plutôt clairement dans l’accompagnement de tous les partenaires face à ces dures épreuves » ? Sinon le Mali est disposé à collaborer avec tous les pays du Mali à la condition qu’il respecte la souveraineté du Mali, qu’il respecte des choix stratégiques opérés par le Mali et ne s’oppose pas à la défense des intérêts du peuple malien dans les décisions prises. Le cadre est-il contre cela (Communiqué N°37 du gouvernement de la Transition) ?
L’observateur cherchera dans une boîte de foin « le clivage, assorti de la marginalisation et de l’exclusion de la grande majorité de la classe politique », pour se résoudre in fine à accepter l’inacceptable : l’exclusion des exclus. Comment des gens balayés par un coup d’État peuvent-ils décemment prétendre gouverner en bonne intelligence et loyalement avec leurs tombeurs ? Pour leur défense, ils disent qu’au nom de l’heure, il faut accepter de « taire les clivages pour sauver la nation ». Sauf que ces clivages ne sont pas le fait du « clivant »…
Les partis et regroupements politiques du Cadre d’échange pour une transition réussie au Mali, qui sauf erreur de notre part, sont toujours dans «la dynamique d’accompagnement de la transition » partagent-ils avec les acteurs et les ouvriers de la Transition « le constat est triste, le bilan est catastrophique et la situation est inquiétante» ? La logique étant loin d’être discursive en politique, aussi, le Cadre égrené-t-il huit (8) griefs qui sont loin d’être partagé eu égard leur consistance et leur crédibilité.
On ne peut pas, en effet, dénoncer l’Ochlocratie rampante avec tous ses travers (« la volonté délibérée de certains qui ont opté pour l’invective, l’anathème et la stigmatisation comme seule réponse à ceux qui ont une opinion et une vision différente ») et se mettre dans les rangs comme si de rien n’était en appelant à taire les clivages pour sauver la nation malienne.
De la même manière, on ne peut pas saluer «l’engagement patriotique de nos forces de défense et de sécurité à faire face à leurs défis régaliens combien difficile et périlleux, sur le théâtre des opérations » et déplorer que la «totalité du territoire national reste encore sous l’occupation des forces du mal qui montent visiblement en puissance et de façon inquiétante». Où est la cohérence, même pour des politiciens qui veulent aller à la soupe sans le dire ?
Tout autre que le Cadre serait fondé à épiloguer sur le vieux disque raillé de « notre pays perd des alliés traditionnels de la lutte contre le terrorisme, invités à quitter le Mali à la demande de nos autorités ». En effet, sans hypocrisie affichée le Cadre ne peut alléguer le retrait de Barkhane parce que c’est de cela qu’il s’agit. Parce qu’aucun parti du Cadre, à notre connaissance, ne s’était inquiété de l’annonce unilatérale de la France de quitter notre pays et de l’invitation du gouvernement à la France de quitter sans délai le Mali. Au fait quel est le bilan des 9 ans de nos « alliés traditionnels de la lutte contre le terrorisme » dont le départ semble si effrayer et désemparer le Cadre ?
Deux ans après l’avènement de la Transition, c’est aujourd’hui que le Cadre découvre comme par miracle que «la vie coûte de plus en en plus chère et le panier de la ménagère n’a jamais été aussi vide que cela remonte aussi loin dans la mémoire ».
Quelle inquiétude avait-il eu à montrer lorsque les femmes battaient le pavé pour aller à la Primature demander une implication du gouvernement afin de consolider le panier de la ménagère ? Qu’est-ce qu’ils ont eu et ont à répondre au gouvernement quant aux mesures que le gouvernement a prises et qu’il a préconisées dans le cadre de la stabilisation des prix des denrées de première nécessité (les annonces ont été faites jeudi 11 août dernier) ? La politique ce n’est pas de la hâblerie, encore moins un alignement de litanies ; c’est des arguments contre des arguments.
Comment prendre au sérieux des politiciens qui aspirent à diriger un jour le pays et qui choisissent de faire dans la perfidie pour assouvir leurs ambitions ? Quand on choisit d’être avec quelqu’un on ne lui plante pas un poignard dans le dos. Et quand on veut planter un mec, on ne le boxe pas en dessous de la ceinture.
Bref, pour le Malien lambda, même en politique, il y a de l’honnêteté.
En écrivant que « pendant que les Maliens tombent dans la précarité et vivent dans les difficultés du fait de la baisse vertigineuse de leurs revenus et de leur pouvoir d’achat, aucune autorité n’a consenti de sacrifier son salaire et ses avantages », le Cadre ne divertit pas seulement les Maliens, il se discrédite. Parce que même les ennemis du Mali reconnaissent que les plus hautes autorités du Mali, à commencer par le Président de la Transition, le colonel Assimi Goita, ont renoncé aux deux tiers de leurs salaires pour des œuvres sociales et la contribution à l’effort de Guerre. Le gouvernement a communiqué sur les 101 milliards obtenus sur la réduction du train de vie de l’État depuis la rectification, le Cadre n’a pas bronché. Et aujourd’hui, il affirme de manière pitoyable qu’« aucune autorité n’a consenti de sacrifier son salaire et ses avantages » !
Non, messieurs du Cadre, soyez courageux, non seulement à l’égard des autorités de la Transition, mais aussi à l’égard des terroristes. Ne critiquez seulement les « graves hypothèques pèsent sur la campagne agricole du fait de la rareté et de la cherté des intrants agricoles, faisant plonger les paysans et l’ensemble du monde rural, anxieux, dans la précarité », critiquer aussi le fait que les terroristes ont impunément brûlé les champs et interdissent aux paysans d’aller dans leurs champs. Toutes choses qui sont pires que le problème des engrais…
Comment on peut faire les constats qu’on a faits en terminant par dire que «les libertés fondamentales sont régulièrement violées, ouvrant ainsi le chemin à la répression et aux règlements de comptes politiques. Les menaces multiformes sont devenues la règle de gouvernance pour anéantir les forces politiques aux voix discordantes et proposâtes. Le passage en force semble être l’option choisie pour faire passer les réformes politiques et institutionnelles » et inviter « les autorités actuelles à œuvrer à l’union des cœurs et des esprits, en vue de la cohésion sociale retrouvée dans notre pays qui joue sa survie ».
Ah, pour ne pas oublier, ce sont les mêmes qui avaient fanfaronné l’année dernière en disant qu’ils n’allaient pas reconnaître les institutions à partir du 26 mars 2022…Ça ce n’est pas de la politique; ça, c’est du Koteba.
PAR MODIBO KONE
Source : Info-Matin