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Burkina – Sankara et Zongo, ces fantômes tapageurs

L’un est mort en 1987, l’autre en 1998. Assassinés. Pourtant, dans le Faso post-Compaoré, considérés comme des héros nationaux, ils sont plus présents que jamais.

Thomas Sankara ancien president burkinabe assassine revolution

“J’aimerais que les nouvelles autorités soient comme Sankara, un homme honnête, juste, qui n’était pas intéressé par le pognon mais par son pays. Même si elles ne peuvent pas arriver à Sankara à 100 %, elles n’ont qu’à grouiller pour arriver à son genou.” Djeneba, 38 ans, rêve tout haut en lavant la vaisselle de son petit kiosque à café, au bord du goudron. Le nom du leader charismatique et visionnaire de la révolution de 1983 revient presque immanquablement quand les Burkinabés, de tous âges et de toutes conditions, évoquent l’insurrection populaire qui a chassé Blaise Compaoré le 31 octobre.

“Avec Sankara, le Burkina était plus digne”

Idrissa étale au soleil un tee-shirt teint à l’effigie du Capitaine. “Sankara, c’est un repère pour moi. Avec lui, le Burkina était plus digne, plus intègre”, dit-il. Cet artisan en bogolan de 22 ans n’était pas né en 1987 quand son idole, qui roulait en R5 et défiait avec humour les dirigeants occidentaux, a été tué lors du coup d’État qui porta Compaoré au pouvoir. Il a découvert le “Che Guevara africain” par les vidéos de ses discours, sur Internet.

Chez les jeunes, le mythe Sankara semble plus tenir aux valeurs incarnées par l’homme qu’à son idéologie. Entretenu depuis des années par des artistes comme Smockey ou Sams’k Le Jah, il n’a jamais pu peser dans les urnes, le rouleau compresseur Compaoré écrasant la multitude divisée des petits partis sankaristes. Mais il était palpable sur la place de la Révolution fin octobre, dans les slogans, l’opération nettoyage des villes ou le poing levé d’un lieutenant-colonel Zida en quête de légitimité. “C’est une libération. Il y a quelques années encore, on ne pouvait même pas utiliser une photo de Sankara”, rappelle Bénéwendé Sankara, leader de l’Unir-PS, le principal parti sankariste.

“Le sacrifice de Norbert a permis une relative liberté d’expression”

Le visage d’un autre martyr national, moins connu à l’étranger, a été brandi lors des manifestations : celui de Norbert Zongo, journaliste d’investigation retrouvé calciné dans sa voiture en 1998 alors qu’il enquêtait sur le meurtre du chauffeur de François Compaoré, le frère de Blaise. Autre crime resté impuni, dont le pays ne s’est jamais remis. À l’époque, la colère embrase le pays et fait vaciller le régime, contraint de lâcher du lest. Chaque année depuis seize ans, lycées et universités ferment leurs portes à l’approche du 13 décembre, date de commémoration de la mort de Zongo, par crainte de débordements. “Le sacrifice de Norbert a permis une relative liberté d’expression”, estime Abdoulaye Diallo, responsable du centre de presse Norbert Zongo à Ouagadougou et initiateur du festival Ciné droit libre qui diffuse des films engagés, souvent censurés, suivis de débats passionnés et subversifs.

De sa tombe, Zongo cause le départ d’un ministre du gouvernement de transition

Pour Abdoulaye Diallo, la révolution d’octobre est la conjonction de ces deux héritages : “L’assassinat de Norbert a catalysé la colère des enfants de Sankara et leur a fait prendre conscience qu’ils devaient se battre pour changer les choses. Beaucoup se sont engagés, mais ils n’ont pas tous trouvé leur compte dans les organisations et partis existants.” C’est ainsi que de nouveaux mouvements sont nés à l’approche de l’échéance électorale de 2015. Au premier rang desquels le Balai citoyen, créé en juillet 2013 pour éveiller les consciences et balayer le régime, et dont les deux leaders, Smockey et Sams’k Le Jah, se réclament des idéaux de Sankara et du combat de Zongo. Un combat qui se poursuit au-delà de la chute de “Blaise”. Ainsi, le souvenir du journaliste a provoqué le premier couac du gouvernement de transition : le ministre de la Culture Adama Sagnon a dû démissionner 48 heures après sa nomination, sous la pression de la rue qui ne lui a pas pardonné d’avoir été procureur dans l’affaire Zongo, qui a abouti à un non-lieu en 2006.

La bataille est aussi au niveau de la programmation de films auparavant censurés

Reste aux nouvelles autorités à démontrer leur réelle volonté de faire la lumière sur ces deux affaires emblématiques étouffées par le pouvoir Compaoré. Le président de la transition Michel Kafando et le Premier ministre Isaac Zida ont annoncé que le dossier de Sankara serait rouvert. Celui de Zongo, évoqué plus timidement, pourrait, selon le quotidien burkinabé Le Pays, “gêner aux entournures certains artisans de la transition”, proches du pouvoir au moment des faits.

Le 5 décembre, l’édition bobolaise de Ciné droit libre a d’ailleurs attiré une foule éloquente sur la place de la Gare, devant le documentaire hommage Borry Bana, le destin fatal de Norbert Zongo, programmé chaque année avec le même succès depuis dix ans alors qu’il a toujours été refusé par les chaînes de télévision et les salles de cinéma du pays. Le 10, la télévision nationale, jadis voix du régime, crée la surprise en annonçant qu’elle diffusera ce film dérangeant le 13 décembre. Un signe envoyé à une population aux aguets ?

Source: afrique.lepoint.fr

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