Le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, qui était arrivé au pouvoir au Burkina Faso par un putsch en janvier dernier et refusait sa destitution annoncée le 30 septembre par un jeune capitaine, a accepté de démissionner ce 2 octobre.
Son départ était réclamé à Ouagadougou par des centaines de manifestants favorables au capitaine Ibrahim Traoré, 34 ans, qui avait annoncé sa destitution, le 30 septembre au soir.
A la suite d’une médiation menée entre les deux rivaux par des chefs religieux et communautaires, «le Président Paul-Henri Sandaogo Damiba a proposé lui-même sa démission afin d’éviter des affrontements aux conséquences humaines et matérielles graves», indique un communiqué de ces chefs très influents au Burkina Faso.
Deuxième putsch en moins d’un an
Depuis l’annonce le soir du 30 septembre par des militaires emmenés par le capitaine Traoré de la destitution de Paul-Henri Sandaogo Damiba, lui-même arrivé au pouvoir par un coup d’Etat en janvier, la tension a été vive au Burkina.
Le putschiste déchu avait clairement fait savoir qu’il n’entendait pas abdiquer, en dépit des manifestations qui lui étaient hostiles.
Il avait appelé le 1er octobre les nouveaux putschistes «à revenir à la raison pour éviter une guerre fratricide dont le Burkina Faso n’a pas besoin dans [le] contexte» des violences djihadistes qui minent le pays depuis 2015. Un communiqué séparé publié le 2 octobre par les militaires pro-Traoré indique que le capitaine «est chargé de l’expédition des affaires courantes jusqu’à la prestation de serment du président du Faso désigné par les forces vives de la nation», à une date non précisée.
Dans un discours prononcé devant une trentaine de secrétaires généraux de ministères, le capitaine Traoré s’est excusé pour les militaires qui «ont troublé Ouagadougou» ces dernières heures. «Cela est arrivé parce que certaines choses ne fonctionnent pas bien», a-t-il dit, et «il faut aller vite» pour changer cela, car «tout le pays est en situation d’urgence».
La France visée par des manifestants
Des manifestants contre Paul-Henri Sandaogo Damiba s’en sont également pris à des institutions officielles françaises ce week-end, accusant Paris d’aider le dirigeant déchu à reprendre le pouvoir, malgré les démentis des autorités françaises. Ces protestataires ont prôné la fin de la présence militaire française au Sahel, ainsi qu’une coopération militaire avec la Russie
Quelques dizaines de manifestants soutenant Ibrahim Traoré se sont rassemblés ce 2 octobre devant l’ambassade de France à Ouagadougou, mettant le feu à des barrières de protection et jetant des pierres à l’intérieur du bâtiment sur le toit duquel étaient positionnés des soldats français, d’autres arrachant des barbelés pour tenter d’escalader le mur d’enceinte du bâtiment diplomatique, a constaté un journaliste de l’AFP. Des gaz lacrymogènes ont été tirés depuis l’intérieur de l’ambassade pour disperser les manifestants, a-t-il également constaté.
Dans un communiqué lu par l’un de ses proches à la télévision nationale, le capitaine Traoré, qui se trouvait à ses côtés, a appelé les manifestants à «se départir de tout acte de violence et de vandalisme […] notamment ceux qui pourraient être perpétrés contre l’ambassade de la France ou la base militaire française» à Ouagadougou. Il a appelé «au calme et à la retenue».
La veille en fin d’après-midi, deux institutions françaises avaient déjà été prises pour cibles par des manifestants : un incendie s’était déclaré devant l’ambassade de France et l’Institut français à Ouagadougou, un autre devant l’Institut français à Bobo-Dioulasso.
Des allégations sur les réseaux sociaux faisant état d’une protection accordée par la France au lieutenant-colonel Damiba, ont contribué à la colère des manifestants pro-Traoré. Elles ont été formellement démenties tant par Paris que par l’officier lui-même.
Menace djihadiste
Le lieutenant-colonel Damiba était arrivé au pouvoir en janvier par un coup d’Etat ayant renversé le président Roch Marc Christian Kaboré, accusé d’inefficacité dans la lutte contre les violences djihadistes. Mais ces derniers mois, des attaques frappant des dizaines de civils et de soldats se sont multipliées dans le nord et l’est du Burkina Faso, où des villes sont désormais soumises à un blocus des djihadistes.
Depuis 2015, les attaques régulières de mouvements armés affiliés aux groupes terroristes Al-Qaïda et Daesh ont fait des milliers de morts et provoqué le déplacement de quelque deux millions de personnes.
Source: https://francais.rt.com/