Il y a une semaine à peine, Ibrahim Traoré, 34 ans, était un inconnu, même dans son pays natal, le Burkina Faso.
Mais en l’espace d’un week-end, il est passé du statut de capitaine de l’armée à celui de plus jeune dirigeant du monde, une ascension qui a suscité des espoirs, mais aussi des craintes.
Ibrahim Traoré, à la tête d’un noyau d’officiers subalternes mécontents, a évincé le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, qui avait pris le pouvoir en janvier dernier.
Le motif du dernier coup d’État – comme en janvier – était la colère face à l’incapacité d’endiguer une insurrection djihadiste de sept ans qui a fait des milliers de victimes et chassé près de deux millions de personnes de leurs foyers.
Mercredi, Traoré a été déclaré président et « garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité territoriale… et de la continuité de l’État »
À cet instant, Traoré est devenu le plus jeune dirigeant du monde, arrachant le titre au président chilien Gabriel Boric, de deux ans son aîné.
Le visage de Traore, jusqu’alors inconnu, est désormais placardé sur les portraits de la capitale Ouagadougou.
Sa photo est même en vente sur le marché principal, à côté des portraits du vénéré leader radical assassiné du Burkina, Thomas Sankara, et de Jésus.
Carrière militaire
Né à Bondokuy, dans l’ouest du Burkina Faso, Traore a étudié la géologie à Ouagadougou avant de rejoindre l’armée en 2010.
Il a obtenu son diplôme d’officier à l’École militaire Georges Namonao, une institution de second rang par rapport à la prestigieuse Académie militaire de Kadiogo (PMK), dont Damiba et d’autres membres de l’élite sont des anciens élèves.
Après son diplôme, il a acquis des années d’expérience dans la lutte contre les djihadistes. Il a servi dans le nord et le centre du pays, durement touchés, avant de partir en 2018 pour une affectation au Mali voisin, dans le cadre de la mission de maintien de la paix MINUSMA de l’ONU. Il a été nommé capitaine en 2020.
Un ancien officier supérieur, s’exprimant sous couvert d’anonymat, a raconté un incident survenu en 2020, alors que la ville de Barsalogho, dans le centre du Burkina, était sur le point de tomber aux mains des djihadistes.
La route menant à Barsalogho était censée avoir été minée, alors Traoré a mené ses hommes dans un « trek command » » à travers la campagne, arrivant à temps pour libérer la ville.
Lorsque Damiba a pris le pouvoir en janvier, évinçant le président élu Roch Marc Christian Kabore, Traore est devenu membre du Mouvement patriotique pour la préservation et la restauration (MPSR).
Mécontentement
En mars, Damiba promeut Traoré à la tête de l’artillerie du régiment de Kaya, dans le centre du pays. Mais, ironiquement, cette décision a semé les graines de la chute de Damiba lui-même.
Le régiment devient un berceau de mécontentement et Traoré, chargé par ses collègues de canaliser leurs frustrations, fait plusieurs voyages à Ouagadougou pour plaider leur cause auprès de Damiba.
La désillusion de la réponse s’est transformée en colère, qui semble s’être cristallisée en une volonté de prendre le pouvoir après l’attaque d’un convoi dans le nord du Burkina le mois dernier, qui a fait 27 morts.
« Le capitaine Traoré symbolise l’exaspération des officiers subalternes et de la base », a déclaré Mahamoudou Savadogo, consultant en sécurité.
Le nouveau président est confronté à une tâche redoutable : reprendre le dessus sur les groupes djihadistes, certains affiliés à Al-Qaida et d’autres à l’État islamique. Ces derniers n’ont cessé de gagner du terrain depuis qu’ils ont lancé leurs attaques depuis le Mali en 2015.
Pourtant, Traoré a promis de faire « dans les trois mois » ce qui « aurait dû être fait au cours des huit derniers mois », critiquant directement son prédécesseur.
La prise de pouvoir de Traoré intervient dans le cadre d’une lutte d’influence entre la France et la Russie en Afrique francophone.
Source: Afrikmag