Sans doute, ému par la foule des curieux dont la quasi-majorité ignore tout du contenu de l’accord, le Président malien Ibrahim Boubacar Keïta a opté faire parler son cœur en ciblant les onusiens au Mali. C’était le vendredi dernier lors de la signature unilatérale de l’accord d’Alger. Cela sans compter les conséquences que ses propos semblables à ceux d’un simple citoyen, pourraient engendrer au Mali, un pays en crise et qui a encore besoin de l’assistance onusienne, voire internationale.
Profitant d’une brève allocution de M. Hervé Ladsous, sous-secrétaire aux opérations de maintien de paix, qui lisait un message de Banki Moon, IBK, sous un ton révolutionnaire, réplique point par point le contenu du message. Ce qui affectera la mission onusienne. Qui basculera un communiqué de presse le même jour au soir.
Au pupitre, M. Ladsous, faisait allusion au non respect du cessez-le-feu par les parties. Il ajoute également la nécessité de poursuivre des discussions afin de parvenir à la signature de l’accord par toutes les parties. Il croyait cependant, avoir tenu un discours diplomatique, de surcroit, venant de Banki Moon, servant à accélérer le processus.
Dans sa réplique, IBK, à doigt levé, affirme que son pays a toujours fait recours à l’ONU dès qu’intervenait une interruption au cessez-le-feu. Mais qui n’a jamais été entendu.
Parlant aussi de la poursuite des discussions avec l’adversaire séparatiste, IBK n’exclue pas l’initiative en bloc. Mais, craint qu’une ouverture au dialogue ne s’érige à une prise en otage du pays.
En réponse, la mission onusienne qui a vu le chef de l’Etat lui demander de faire un traitement égalitaire en les parties, laissera entendre qu’elle regrette de voir régulièrement son impartialité remise en cause. Et son sacrifice ignoré. En un mot : ingratitude de la part des Maliens.
A raison, le Président IBK n’a dit que ce qui se passe sur le terrain, où onusiens à l’instar des Français, caressent la rébellion dans le sens du poil. Mais la question cruciale est de savoir si IBK, première institution se devait de tenir de tels propos en tels lieux et telles périodes.
En effet, depuis le début de l’année, lors d’une confusion à Gao, la minusma semblait perdre la confiance des Maliens. Et les critiques vont bon train envers cette mission.
En agissant de la sorte, le Président IBK qui, sans doute, est dans ses droits de citoyen, a manqué de lucidité. En vérité, c’est à lui, chef de l’Etat qu’il revenait d’user de son intelligence afin de ramener la confiance. Il aurait pu s’investir franchement à tous les niveaux pour ce faire. Quitte à le faire (dénoncer) à la tribune des nations unies devant toutes les puissances pour prendre le monde entier à témoin de la partialité de l’ONU au Mali.
En choisissant Bamako où l’ONU a fait beaucoup de mécontents et pendant que l’on ne peut d’ores et déjà se passer d’elle, IBK n’a fait qu’envenimer la situation.
On se rappelle que l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo qu’il semble imiter, avait tenu le même discours au début de la dernière crise de son pays. La suite fut regrettable pour Gbagbo qui a vu les onusiens le défier sur son propre territoire.
Au Mali encore où la crise est d’ordre sécuritaire, IBK, était le mieux placé afin d’apaiser les tensions au lieu de tenir un discours aussi populiste.
Qu’est-ce qu’IBK aurait dû faire ?
Un recours diplomatique aurait été l’arme judicieuse pour le Mali d’amener ses partenaires à la raison.
Tout près en 2013 au Niger, le Président Issoufou s’était montré intransigeant sur l’augmentation des intérêts de son pays sur l’exploitation de l’uranium par la filiale Aréva. Afin d’y parvenir, sans fâcher ses partenaires, il a tout simplement délégué son ministre des Affaires étrangères à enflammer les discours, tout en jouant au pompier entre ce dernier et Paris. Au bout de quelques mois d’une mini-crise entre les deux pays, Aréva a fini par se plier.
Un peu plus loin, en RDC où l’ONU dispose de son plus important contingent au monde, le Président Kabila a longtemps opté pour la lutte diplomatique. Sur ce vaste territoire, les casques bleus onusiens s’adonnaient non seulement à aider les rebelles du M23 mais à violer des femmes mariées aux yeux de leurs époux (le comble).
La meilleure option de Kabila qui ne peut être que le fils à IBK, fut de se chercher de puissants alliés diplomatiques. Ce fut contre le gré des Français qu’il parvint en novembre 2013 d’obtenir le déploiement des forces sud-africaines qui mirent fin à la rébellion congolaise.
Alors, IBK qui a plus ou moins laissé les onusiens à eux-mêmes, devra s’investir non seulement à se réconcilier avec eux, mais aussi les aider à regagner la confiance du peuple. Sinon, actuellement très remontés contre cette mission, certains maliens n’hésiteraient pas à prendre d’assaut son siège. Ce qui ne fera qu’envenimer la situation. Après tout, IBK a dit la « vérité », mais qui ne profite pas au Mali et à son peuple dépourvu des moyens lui permettant d’assurer sa fierté.
Par ailleurs, le Président IBK a-t-il intérêt à ce que la brouille dure entre lui et ceux qui doivent l’aider à appliquer son accord ? C’est la question qu’on se pose.
Certes, tout le monde comme IBK lui, en premier, est fatigué de cette crise, mais ‘’rien ne sert de courir ; il faut partir à point’’ dit un adage populaire. Autrement, il ne sert à rien de se précipiter si on est sage et prévoyant. Toute chose demande du temps. Il faut y consacrer autant que nécessaire, et non nous sous-estimer une tache et la faire tardivement à la hâte.
Haby Sankoré
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Source: La Révélation