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Bréhima Mamadou Koné, politologue : « En l’absence de l’État pour jouer son rôle de régulation, il est difficile d’identifier aujourd’hui à Farabougou qui est djihadiste et qui ne l’est pas »

La conduite des affaires du pays pendant cette période transitoire est dominée par des militaires qui occupent des postes hautement stratégiques. Le premier responsable du pays est un colonel major à la retraite, Bah N’Daw, qui a comme vice-président, un colonel du nom de Assimi Goïta. Le Conseil national de transition (CNT) est présidé par Colonel Malick Diaw. Les deux départements de la défense et des anciens combattants et de la sécurité et de la protection civile sont occupés, respectivement, par Colonel Sadio Camara et Colonel Modibo Koné. Le ministère de l’administration territoriale et de la décentralisation est dirigé aussi par le Lieutenant-colonel Abdoulaye Maïga. A l’intérieur du pays, des généraux ont été nommés à la tête de plusieurs gouvernorats. Le Mali vit donc sous le règne des porteurs d’uniformes qui doivent obligatoirement, selon leurs missions, répondre, à hauteur de souhait, à la menace sécuritaire sur tous les plans. S’il est vrai que nos militaires repoussent tant bien que mal l’assaut des terroristes, des zones restent toujours sous la menace djihadiste avec des attaques et l’occupation des villages. Le cas du village de Farabougou est un exemple probant. Des cultivateurs dans les localités de Niono et de Dogofri sont souvent empêchés de faire leur récolte. Sur cette question sécuritaire, un politologue et un analyste politique se sont prononcés sur les ondes d’une radio de la place. Il s’agit de Bréhima Mahamadou Koné, politologue, et Boubacar Bocoum, analyste-politique.

L’attente de la population vis à vis de la réponse sécuritaire s’est agrandie depuis la prise du pouvoir par la junte militaire, le 18 août 2020. Bon nombre de nos compatriotes juraient que la question sécuritaire allait de mieux et mieux être améliorée. Cette attente était légitime et porteuse d’espoir depuis la désignation d’un ancien aide de camp et ancien ministre de la défense et des anciens combattant sous IBK. Il s’agit du Colonel major à la retraite, Bah N’Daw. Ce dernier est entouré aujourd’hui par des officiers supérieurs qui sont mis à l’épreuve par des terroristes et des bandits armés un peu partout à travers le pays.

Prenant le cas de la localité de Farabougou, Bréhima Mahamadou Koné, politologue, a souligné qu’il remet en cause en réalité nos capacités insuffisantes en stratégie militaire pour circonscrire la menace djihadiste qui pèse sur le Mali. « Il faut que nous sortions des stratégies classiques pour aller vers des méthodes un peu innovantes. Il faut mettre aujourd’hui des forces mobiles dans le centre du pays qui puissent intervenir chaque fois qu’il y a des attaques qui se préparent au niveau des villages pour éviter que le village soit attaqué ou assiégé par les djihadistes. Il faudrait qu’il y ait une bonne collaboration entre les différentes forces. Quand vous prenez le centre du pays, ce sont des frustrations qui sont liées à une mauvaise distribution de la justice sociale, à la course pour les ressources naturelles, notamment la terre. Le retrait de l’Etat central aujourd’hui  a exacerbé ces conflits et un regain de violence. En l’absence de l’Etat pour jouer son rôle de régulation, il est difficile d’identifier aujourd’hui à Farabougou qui est djihadiste et qui ne l’est pas ».

Pour une résolution de la crise de Farabougou, le politologue Koné privilégie  le postulat de la négociation avec l’implication des légitimités traditionnelles et religieuses. Du point de vue de Boubacar Bocoum, analyste-politique nos élites ne parviennent pas déjà à comprendre la crise que nous traversons. « C’est une crise globale et sécuritaire. L’extrémisme violent n’est pas seulement qu’au Mali. C’est vrai, le Mali est l’épicentre, mais en réalité, la crise n’est pas malienne. C’est juste une riposte à la mauvaise gouvernance mondiale. C’est cela la triste réalité. Ce qui se passe au centre du Mali et ce qui nous a mis dans cette situation, c’est une guerre économique mondiale, elle n’est pas une guerre militaire », a-t-il affirmé.

Parlant des coordinations entre les forces présentes sur le terrain des opérations, Boubacar Bocoum opte pour une co-entreprise militaire avec la multiplication des bases dans les Etats engagés contre le djihadisme. « Quand vous prenez la MINUSMA, l’opération Barkhane, le G5 Sahel, on ne peut pas coordonner parce qu’au niveau des Nations Unies on a confié des missions fractionnées à chacun de ces groupements. copier coller sur bamada net Donc nous ne pouvons pas parler de coordination. Maintenant si nous partons dans un modèle de co-entreprise militaire qui peut avoir, par exemple une base à Djibouti, N’Djamena et une base à Tessalit, vous aurez un commandement unique qui va permettre à des F16 de l’Occident, des engins de la Russie stationnés dans ces différentes bases de pouvoir mener des opérations sur une coordination bien efficiente et bien coordonnée. C’est une possibilité », a-t-il proposé.

Dans ses analyses, l’analyste politique, Bocoum, croit dur comme fer qu’on ne peut pas résoudre la question militaire sur le seul plan militaire. « Il faut aller dans un système de sécurité, le système va prendre en compte d’autres facteurs. Donc c’est un système de gouvernance, mais si vous prenez un seul pied et que vous pensez qu’en payant des armes, en recrutant des jeunes, en prétextant que sur la base de la loi de la programmation, vous allez élever le niveau de vie de nos soldats pour les motiver, vous les envoyez à la mort certaine parce que le problème n’est pas militaire », a-t-il signalé.

De l’avis de Bocoum, le Mali seul ne peut pas faire face à la question sécuritaire. « Ce n’est pas un problème militaire. Quand vous regardez le nombre de militaires, les drones, les observations, les satellites et près de 30 000 soldats sur notre espace, est-ce à dire que ces soldats ne sont pas bien formés, équipés ? La problématique est tout autre. En réalité, la posture de Barkhane, de la MINUSMA, du G5 Sahel relève d’autres schémas géostratégiques. Il ne s’agit pas de demander à la France de partir après 30 000 soldats sur le sol et il n’y a pas de sécurité. C’est normal qu’on tape sur la table pour réveiller les uns et les autres ».

De son coté, Bréhima Mahamadou Koné, politologue, juge insatisfaisante notre politique diplomatique. « Nous avons des failles diplomatiques. Aujourd’hui l’Etat du Mali est un Etat souverain. Nous pouvons demander au Conseil de sécurité de modifier le mandat de la MINUSMA et nous pouvons aller faire un plaidoyer devant le parlement français pour lui demander de modifier le mandat d’intervention de l’opération Barkhane au Mali afin que nous puissions avoir une même coordination pour permettre à l’ensemble de nos armées de pouvoir travailler ensemble », a proposé le politologue.

Le politologue Koné n’a pas manqué de jeter un regard critique sur l’état actuel de notre outil de défense. « Aujourd’hui on a tendance à oublier que nous n’avions pas d’armée depuis le Mali post démocratique. Depuis le Mali post démocratique, l’armée a été un refuge pour les jeunes diplômés sans emplois. Ce faisant, les gens n’ y vont pas par vocation, les gens y vont pour avoir de l’emploi. Quand vous regardez les modalités de recrutement au sein de nos forces armées et de sécurité, les jeunes sont recrutés dans des conditions mafieuses et douteuses, ce qui fait qu’aujourd’hui, on a un appareil de défense qui est défaillant. Aujourd’hui, le retrait que certains réclament va être catastrophique », a-t-il prévenu.

Sidiki Dembélé

Source: Le Républicain- Mali

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