Notre pays, ce beau pays se fissure de jour en jour tant dans son âme que dans son cœur tellement il a perdu de ses fils, de ses femmes, de ses hommes, de son passé, de son présent et de son avenir. Le Mali, notre pays, est devenu cette chose innommable et qui n’appartient plus à personne, chacun voulant sa part et tout de suite.
Certains recherchent dans le deuil de cette nation qui perd et tous les jours certains de ses fils, popularité, notoriété, et qu’en sais-je encore tellement ça sent l’odeur putride du malsain, de l’ignominie, de l’indicible.
Personne n’aime ce pays et chacun fait croire qu’il n’y a pas plus patriote que soi alors qu’à la première alerte on sacrifie ce pays pour un bout de pain, un nom, quelques billets de banque, etc.
Kôrô Président, je dois avouer que j’ai de la peine à vous regarder même à la télé et je vous assure que jamais je ne souhaiterai être à votre place par ces temps qui courent.
L’angoisse doit vous nouer la gorge et le doute vous habiter constamment dans cet imbroglio politico-militaire où vous restez incompris de votre peuple, ce peuple de la majorité silencieuse qui ne comprend pas grand-chose en la politique et que certains se plaisent à manipuler à souhait, convaincus que ce peuple prendra pour argent comptant tout ce qu’ils vont lui raconter. Eux, ce sont aussi les fils de ce pays qui ont leur mot à dire dans sa gestion.
Vous devrez, au lieu de les rejeter, ou de les mépriser, les écouter ou écouter ce qu’ils racontent aux autres, à cette majorité à laquelle ils ont plus de facilité d’accéder que vous, tant ils ont étendu leur réseau de désinformation partout.
Eux, ce sont des Maliens comme vous et moi, ils ont leur opinion qui peuvent être différentes des vôtres ou même de la “logique universelle”, mais leurs voix comptent aussi.
Car, après tout, vous êtes le président de tous les Maliens et vous devrez avoir le dos large pour essuyer tous les coups qui vous seront portés. Vous devrez être également ce tas d’ordures sur lequel on jettera tous les détritus du monde sans que vous n’en sentiez l’odeur ni le poids, c’est cela aussi être président de la République.
J’avoue que votre position n’est pas des plus confortables, surtout en ces moments où un sentiment anti-français se dégage de plus en plus en nos populations.
Et vous et ce partenaire qui a volé à notre secours un certain matin de janvier 2013 aux portes de Konna, vous n’êtes plus en odeur de sainteté pour tous ces millions de Maliens auxquels ce partenaire français a sauvé la vie pour permettre à notre pays de compter parmi les nations ou tout simplement d’exister.
Oui ! Kôrô Président il est difficile pour ce même peuple de vous comprendre et de comprendre certaines choses qui se passent à ses yeux et que je vous ai très souvent évoquées dans nombres de mes publications : il s’agit entre autres de :
La situation de Kidal, cette ville qui échappe au contrôle de l’Etat central du Mali depuis 2012-2013 pour des raisons que seule la France est en mesure de nous dire et même vous, vous avez plusieurs fois douté du statut de cette ville qui reste fermée aux autres Maliens surtout à ceux qui comme eux n’ont pas voulu porter des armes contre le reste du pays. Et c’est le MNLA qui assure le contrôle et l’administration de cette partie de notre pays où il n’est pas permis à l’armée régulière de se rendre conformément à la volonté de cette même France libératrice de François Hollande que l’on a accueilli en triomphateur aux côtés du président intérimaire Dioncounda Traoré. L’on me rétorquera que le gouverneur est cependant nommé par Bamako et il est un des leurs et je peux me convaincre que le MNLA a été consulté pour sa nomination sinon il n’aurait pu rester dans cette ville-forteresse même une heure.
Le Premier ministre “chauvin” sinon hyper patriote qui a voulu se rendre compte de visu de l’appartenance de Kidal au reste du pays, a appris à ses dépens le contraire, et n’eut été l’intervention de la même de la France il y aurait laissé la peau avec beaucoup de nos administrateurs civils et soldats.
A ce jour, l’on ne connait toujours pas l’identité des militaires qui ont tiré sur le PM et sa délégation. Aujourd’hui, des voix s’élèvent pour incriminer la France dans ces massacres. Car le MNLA venait d’être défait par l’armée nationale et avait fini par abandonner la ville. Et l’on se demande comment et en si peu de temps le MNLA a pu renverser la situation pour reprendre le dessus sur cette armée conquérante qui venait de libérer Kidal ? Ce sont autant de questions que le Malien lambda se pose et pour lesquelles il reste dubitatif sur la position de cette France dans cette guerre à laquelle il ne comprend rien et qui tue tous les jours que Dieu fait des dizaines et des dizaines de ses enfants.
Le MNLA tient en ce moment son congrès à Kidal pour la concrétisation des réformes engagées dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation issu du Processus d’Alger et auquel congrès participent, si je ne m’abuse, le représentant du gouvernement de la République, un délégué du parti Asma/CFP et des envoyés de nombreux pays d’Afrique, de l’Arabie saoudite et d’Europe.
La salle de congrès arbore le drapeau de l’Azawad et une partie de la sécurité est assurée par les casques bleus selon ce que nous avons observé sur les images.
Tout cela suscite en moi beaucoup d’interrogations quant à la nature du MNLA. Est-il un parti politique ou un groupe d’auto-défense ? Et est-ce que l’on ne serait pas déjà en train de légitimer ce qu’on a tendance à nous cacher, l’autonomie ou l’indépendance de cette partie de notre territoire qui ne compte pas plus de 500 000 âmes et qui en impose à 16 millions d’autres Maliens que l’on tue, assassine, oblige à fuir et à se réfugier loin des siens en dehors de toute humanité ?
Des zones d’ombre subsistent à présent dans cette “affaire” dite de Kidal et qui contribuent à alimenter et à renforcer le sentiment anti-français.
Et lorsqu’il me revient à la mémoire que vous-même auriez affirmé un jour qu’aucune fanfaronnade ne vous fera partir à Kidal, je comprends de moins en moins le statut de Kidal et je me demande si le vin n’est pas déjà tiré et qu’il faille le boire. Vous-même y avez été combien de fois en presque sept ans de présidence en dehors de l’élection présidentielle ?
Nous savons Kôrô Président que vous n’êtes pas libre de vos opinions, le devoir de réserve vous fait obligation de taire beaucoup de choses, mais au point où ceux qui vous ont fait confiance commencent à vous défier, à vous narguer jusqu’à ternir votre image, celle d’un homme des années où vous avez été Premier ministre avec toute cette rigueur qui a permis de stabiliser le pays à un moment où tous les espoirs de sortie de crise s’étaient amenuisés, vous devriez, choisir cette même voie de la fermeté pour dire Non à un certain diktat, à cette camisole de force que vous a fait porter et qui, forcément, vous étouffe aujourd’hui. Dire Non donc Kôrô Président vous donnerait plus de crédit et plus de pouvoir je crois.
Et c’est ce que votre peuple attendait de vous-même si par ailleurs nous savons que ce n’est pas aussi facile que l’on le croit, c’est pourquoi partout on vous accuse d’avoir déçu plus d’un.
Vous avez, je crois une aubaine dont vous devez pouvoir profiter, il s’agit de ce réveil spontané et brutal de votre peuple qui commence à donner de la voix et qui est pris au sérieux par ceux qui vous imposaient le silence. Ils ne sont point contents des propos tenus par certains Maliens à leur endroit. Et en France même des voix s’élèvent désormais pour fustiger le comportement de notre “parrain” et dénoncer l’enlisement dans lequel se trouvent les troupes fortes de milliers d’hommes et qui n’arrivent pas à bout des jihadistes.
La contestation n’a donc pas commencé maintenant, elle a peut-être connu de nouveaux développements avec notamment l’intervention de personnalités comme votre frangin le chanteur et beaucoup d’autres activistes même si je ne partage pas entièrement leur position politico-partisane.
Le premier s’est adressé à son grand frère sur un ton et dans un langage qui n’a pas beaucoup plu à nos partenaires français à telle enseigne que leur ambassadeur a cru devoir répondre pour clarifier certaines choses. Avait-il vraiment besoin de s’offusquer pour autant ? Le chanteur a dit tout haut ce que bon nombre de ses compatriotes pensent tout bas ? Et puis la liberté d’expression est le fondement de la démocratie, cette démocratie qu’eux-mêmes nous ont amenée.
Et s’il y a dans les déclarations du chanteur des choses qui friseraient “l’ignorance” ou le manque de la bonne information au niveau de ce dernier, cela ne devrait pas être considéré comme parole d’Evangile et offusquer autant l’ambassadeur !
Et je pense Kôrô Président que votre frangin vous a sorti une grosse épine du pied même si je ne suis pas d’accord avec lui sur la forme et le ton. A partir du moment qu’il dit Kôrô, il devrait à mon sens privilégier l’esprit de famille qui n’empêche pas un petit frère de dire la vérité à son aîné, mais à la maison, peut-être qu’il n’a pas réussi à vous rencontrer en famille pour vous faire connaitre ses angoisses et ses inquiétudes face à la situation dramatique que connait notre pays ! Certainement que son côté artiste l’aurait emporté sur les relations de parenté. En tous les cas, sa voix a porté au-delà du Mali et de la France. Le monde entier a réagi à ses propos y compris ceux qu’il a accusés de connivence avec nos ennemis.
Ne vous offusquez donc pas de ce que les autres disent et que vous-même ne pouvez dire, parce que vous ne pouvez pas et ne devez pas le dire. Laissez le peuple s’exprimer et exprimer sa colère, sa déception, ses interrogations, car en le muselant vous contribuerez à lui donner plus de voix et de force pour parler. Et quoi qu’il arrive vous ne serez jamais totalement dédouané vis-à-vis de ces Français qui, désormais ne vous porteront plus totalement dans leur cœur. Autant ils ne pardonneront à votre frangin pour ses propos (les Français sont très rancuniers et n’oublient rien), autant ils ne vous pardonneront pas de n’avoir pas agi contre lui. Ils n’aiment pas beaucoup que l’on les contrarie surtout lorsqu’il s’agit de peuples qu’ils ont eu à coloniser.
C’est pourquoi moi je demanderai au peuple du Mali d’être solidaire de son président qui est lui-même victime de ses protecteurs. Qu’Allah SWT protège notre pays sinon ceux qui pensent profiter de la chute du régime d’IBK ne peuvent prédire ce qui va arriver après. Sauvons d’abord le Mali et nous règlerons nos comptes après.
Il s’agit du Mali et rien que du Mali et pour ce faire, nous devrons nous départir de nos camisoles ou de nos boubous de politiciens pour sauver le pays d’abord et verser dans nos ambitions personnelles ensuite.
Car après tout, si l’on pousse “l’in humanisme” jusqu’à souhaiter un coup d’Etat au président IBK, c’est qu’on n’aime vraiment pas ce pays. 2012 n’est pas encore trop loin dans nos mémoires et il nous faudra combien d’années pour nous en relever ?
Mettons-nous ensemble pour le soutenir, pour tirer le pays du gouffre dans lequel il se trouve, panser nos plaies, reconstruire le tissu social déjà très mal en point et après nous retrouver dans les urnes pour élire les hommes et les femmes auxquels nous allons confier à nouveau le destin de notre pays.
Aujourd’hui, tout le monde feint de connaitre les réalités de notre pays et chacun y va de sa haine, de sa rancœur et de ses ambitions pour tirer à boulets rouges sur un président qui, certes doit porter tout le chapeau de tout ce qui nous arrive, mais qui ne peut être tenu pour seul responsable de ce complot international au centre duquel notre pays se trouve depuis 2012, c’est-à-dire depuis la chute du Guide libyen et l’intervention de l’Otan en Libye.
En cette année 2012, le Mali allait cesser d’exister ne l’oublions pas. L’armée avait abandonné tout le Septentrion aux bandits armés, aux vendeurs de drogues et d’illusions, à toutes ces hordes de criminels venus de partout pour peut-être bâtir un nouvel Etat dans l’Etat du Mali et je pense que c’est ce qui aurait inspiré nos frères d’hier à créer l’Azawad.
Il serait en ce moment plus facile de mettre en avant le sentiment d’appartenance au même espace géographique, à une même histoire pour convaincre les Arabes, les Songhays et les autres pour créer une Fédération ou des Etats fédérés. Il y a plusieurs Azawad au Mali si c’est vraiment pour l’histoire nous avons le Kénédougou, le Manden, le Grand Mandé, le Khasso, le Miniankala, le Kala, etc. Est-ce que chacun de ces Azawad ne pouvait-il pas demander son autonomie avec son drapeau ? Ceux qui veulent du Mali l’ont compris et se sont vite ravisés qu’ils ne devraient pas aller dans cette aventure dont ils ne peuvent point connaitre les tenants et les aboutissants. Certains de la ville de Kidal sont de ceux-là.
Kôrô Président, n’emboîtez jamais le pas à ceux qui vous pressent d’appliquer les accords d’Alger en l’état, restez prudent comme vous l’avez été jusqu’ici et consultez votre peuple pour qu’il vous dise ce qu’il en pense. Vous avez aussi et certainement compris la pression de certaines circonscriptions à vouloir s’ériger ou en cercle ou en région à un moment où notre pays peine à mettre en place une véritable décentralisation.
Les enjeux sont grands et plus faciles à gérer et à cerner. N’allons-nous donc pas nous fourvoyer dans un autre découpage qui ne tiendrait pas compte des réalités et des spécificités socioculturelles, socio ethniques et sociohistoriques de notre pays, toutes choses qui vont poser davantage de problèmes et rendre ingouvernable un pays qui ne peut renier son passé.
Il y a cette tension perceptible partout et les populations, au lieu de s’unir autour de l’essentiel, le Mali, se parlent très peu, se sentent de moins en moins et il suffit de la moindre étincelle pour mettre le feu aux poudres et souvent pour des peccadilles. Le Malien n’aime plus le Malien, c’est pourquoi j’affirme que les Maliens n’aiment pas le Mali, chacun n’aime que soi.
L’égoïsme et la méchanceté se sont installées dans nos cœurs et ce serait difficile de bâtir une nation forte et prospère avec un peuple comme le nôtre. Le mensonge aussi s’est érigé en règle de conduite pour tout le monde. On ment tellement qu’on oublie même que Dieu nous voit et nous entend pour un peuple à 95 % musulmans.
J’ai toujours dit que tant que nous ne changerons pas de comportement, mettez le savoir et le savoir-faire ensemble de toutes ces femmes et de tous ces hommes qui aspirent à diriger ce pays, ils n’y pourront rien. Il ne s’agit pas d’une question d’IBK, mais d’un changement de “logiciel” malien si nous voulons décoller.
Avec l’avènement des réseaux sociaux, personne n’a plus de vie privée. Facebook a détruit la vie de famille, où père, mère, fils et filles tout le monde a les yeux rivés sur son téléphone à la recherche d’informations ou de sensations. On ne cause plus entre nous et même dans les couples le dialogue est rompu, ce nouveau phénomène de civilisation malgré tous les avantages que l’on en tire est en train de détruire le tissu de nos sociétés.
Chacun y va de ses commentaires pour tout ce qu’il apprend par ces mêmes réseaux sociaux et la vie de nos militaires nous est contée comme un roman et tout ce qui doit être secret militaire devient secret de polichinelle, et souvent des images du Rwanda et d’ailleurs sont collées au nom de certains de nos villages sans que nos populations puissent en faire le distinguo et tout cela pour démoraliser nos populations, nos troupes qui, sur le front, ne peuvent accéder à toutes les informations.
Comment de vrais patriotes peuvent-ils se permettre de véhiculer des informations qui sont de nature à démoraliser nos troupes, à pousser nos populations contre les pouvoirs publics et à mettre le pays à feu et à sang ?
C’est pourquoi j’ai peur pour ce pays naguère berceau de dignité, d’humanité, de vérité, et d’humilité. Prions pour le Mali, pour un Mali apaisé et qui a encore tout à donner à ses fils qui n’ont connu depuis des années que galère, misère, guerre, terrorisme, chômage, faim, maladie, pauvreté et un système éducatif qui ne forme que des cadres pour la rue.
Que Dieu bénisse le Mali !
Mamoutou KEITA
Source: Aujourdhui-Mali