Bonjour Kôrô Président et que la paix de Dieu soit sur vous et sur votre peuple, ce peuple du Mali où Peuls et Dôgônô ne se parlent plus ou du moins font semblant de se parler, où on cherche à créer un problème entre communautés soninkés avec le prétexte fallacieux que certains entretiennent encore l’esclavage, ce peuple Kôrô Président où le petit-fils n’hésitent plus à insulter grossièrement son “Papi”, où l’âge n’a plus de sens, où la dignité a fui les mœurs, où seul l’argent, le bien matériel est roi.
Soundiata, Soumangourou, Firhoun, Babemba, Tiéba, Samory le Conquérant, etc. tous ceux-là appartiendraient à la légende, à l’histoire.
Que nous reste-t-il de ces hommes et femmes qui ont bâti des sociétés “civilisées” viables, où tout était code, compromis et même souvent compromissions pour que les uns et les autres puissent vivre en symbiose, en harmonie ?
Chacun avait sa place dans ces sociétés hiérarchisées et chacun connaissait le rôle qui lui était dévolu.
Et depuis 1235, le Mandé avait déjà sa propre Constitution et l’une des mieux élaborées au monde. Qu’il s’agisse de Mandé Kalékan (le serment des chasseurs), qu’il s’agisse de la Charte de Kurukanfuga avec les deux versions (celle de 132 articles et celle des 44 articles) qui ont toujours valeur d’exemple à travers le monde et qui ont été complétés par la Dinah de Sékou Amadou….
Les jeunes d’aujourd’hui ne connaissent pas ces hommes d’hier, qu’ils traitent de sanguinaires, de barbares. Ils ne veulent pas même s’inspirer de ce qu’ils ont fait de beau, pour construire leur avenir.
Ils ne veulent pas que l’on parle du passé et que l’on parte surtout de ce passé pour bâtir l’avenir. Ils sont, pour la plupart, réfractaires à leur culture.
Kôrô Président, nous ne sommes donc pas du même monde que nos fils, que nos petits-fils.
Pour eux, c’est le numérique qui a révolutionné le monde et qui reste leur repère, leur référence.
De leurs Smartphone, ils visitent le monde entier, savent ce qui s’y passe à l’instant T et en images et en sons.
Ils ont toutes les informations sur la science, la géographie, l’histoire, la politique, la géopolitique, la géostratégie, etc.
La science et la technologie leur ont donné accès au savoir, à la connaissance et à presque toute la connaissance. C’est la jeunesse intellectuelle, scolaire, universitaire. La famille d’hier a éclaté. Les jeunes veulent désormais avoir leur part du gâteau familial. Parce qu’ils aspirent à un autre mieux-vivre et à un autre à un mieux-être.
Ils veulent ressembler aux autres jeunes de la planète et en tout. La télévision, la radio, le Net… leur donnent la possibilité de tout comprendre et de tout apprendre.
Leur environnement, celui dans lequel ils ont vu le jour leur est exigu. Ils vivent de tô ou de couscous, et dans le meilleur des cas de riz et tous les jours. Seule la sauce qu’on n’y met peut varier. Ils travaillent six mois de l’année dans le champ familial et se rendent dans la grande ville pour quelques mois à la recherche d’un peu d’argent pour s’acheter une moto, quelques habits notamment des pantalons Jean’s sans fond ou des T-shirts portant USA ou JORDAN, etc. Toutes choses que les civilisations occidentales véhiculent.
Il vaut mieux les avoir que de ne pas les avoir. Ce sont, après tout, des signes d’une certaine évolution.
Une partie de l’argent est investi dans le mariage.
Mais le luxe qu’ils ont connu ailleurs, ils ne peuvent le reproduire chez eux-mêmes. Les maisons sont encore et malheureusement en banco et couvertes de feuilles de tôle qu’ils sont obligés d’entretenir tous les ans. Alors que leurs revenus leur permettent de construire des maisons en ciment, en dur, comme on le dit chez nous.
Ce sont ces jeunes dont la plupart n’a pas été loin à l’école française qui remplissent nos villes et les plus ambitieux se jettent à la mer après avoir traversé l’enfer des déserts algérien et libyen et connu les geôles des passeurs de ces pays.
Ces jeunes ont perdu tout espoir de pouvoir survivre chez eux. Ce n’est pas leur ambition qui les porte à ces extrémités, mais plutôt le désespoir de ne pouvoir rien faire pour eux-mêmes et pour leurs parents dont ils sont censés être le soutien.
C’est dans notre pays, Kôrô Président que l’on voit une majorité de jeunes âgés de vingt-quatre à trente-cinq ans vivant aux crochets de leurs parents retraités et dont la pension suffit à peine à leur donner deux repas par jour dans le meilleur des cas, sinon c’est le riz de midi que l’on réchauffe le soir en guise de dîner.
Ils sont, ces jeunes-là, dans l’informel, dans de petits boulots temporaires, à la recherche de leur pitance quotidienne et ils sont prêts à sauter sur toutes les occasions pour gagner leur vie.
Les plus durs ce sont ceux-là qui manquent d’intelligence et d’imagination et qui versent dans la drogue, le crime, le banditisme. Ils n’ont pas trouvé mieux que d’assassiner leurs prochains pour leur extorquer leur moto, leur argent, leurs biens.
Voilà donc quatre catégories de jeunes qui constituent ou des terreaux pour le terrorisme, le jihaddisme, ou de véritables poudrières. Ceux qui n’ont pas hésité à choisir la mort, n’hésiteront point à donner leur vie pour le changement. Mars 1991 n’est pas encore très loin de nous.
Kôrô Président, je suis parmi ceux qui vous reprochaient votre silence face à certains problèmes de la nation, mais aujourd’hui il ne sied mieux à personne d’autre que vous de ne pas laisser certaines rumeurs se propager sans que vous n’interveniez pour démentir. Il s’agit, entre autres, du problème des hélicoptères que vous avez achetés pour notre armée et qui restent cloués au sol faute d’entretien ou de révision. Et c’est vous qui l’auriez dit ! Crime de lèse-majesté que j’aurais peut-être commis, mais de telles déclarations sont gravissimes de la part d’un chef d’Etat en guerre.
Pourquoi donc avoir acheté du matériel qui ne sert pas ou qui ne peut servir notre armée ?
Combien de morts et de blessés pourrions-nous compter depuis le début de ce conflit alors que le peuple s’est saigné pour consacrer ses maigres ressources à l’achat d’avions pour des interventions rapides et ciblées.
L’autre raison serait que les pièces de rechange de ces aéronefs n’auraient pas été achetées. Cette version provient, je suppose de délateurs ou de simples diffamations.
Gouverner, c’est prévoir. L’on ne peut acheter des engins de guerre et ne pas prévoir les pièces de rechange.
La désinformation va dans tous les sens Kôrô Président et nos services de communication devraient pouvoir agir pour apporter l’information vraie sur nos hélicoptères à un moment où tous les jours on dénombre des morts, des blessés et des déplacées. Et les populations accusent l’armée de n’intervenir que des jours après les forfaits des intégristes, des bandits armés, des assaillants (retenez le nom qui vous plaira), alors que des moyens colossaux ont été mobilisés pour le réarmement matériel et moral de nos troupes. La Loi d’orientation militaire est passée par là.
Il faudrait donc, qu’entre nous, nous nous disions la vérité ; la seule qui vaille.
Il est vrai que nous avons une armée en construction ou en reconstruction devrais-je dire, mais avec le sacrifice de l’Etat, du peuple en faveur de nos femmes et hommes en uniforme, l’armée ne doit point se soustraire à sa mission de défense des personnes et de leurs biens.
Hier, ils étaient en droit de refuser de se sacrifice “pour rien” parce que leurs conditions de vie et de travail étaient des plus précaires, et la corruption et la mal gouvernance avaient tellement gangréné l’armée que les soldats et hommes de rang n’avaient plus de respect pour la hiérarchie, le commandement. L’armée avait donc cessé d’exister dès lors.
La responsabilité s’est donc déplacée du rang de l’Etat à celui des soldats, eux qui sont sur le théâtre des opérations.
Ils doivent désormais avoir du répondant, et accepter d’aller au charbon pour cette nation qui se saigne tous les jours pour leur faire plaisir et les galvaniser à plus d’abnégation.
Et avec le retour de ce jeune général à la tête du ministère de la Défense, la peur doit-elle-aussi changer de camp, à moins que Kôrô Président vous ne lui en laissez pas le temps et les moyens.
Ma conviction Kôrô Président est faite : je crois que vous n’avez pas de choix de donner de telles raisons pour justifier la non-fonction de nos hélicoptères. Vous êtes le chef de l’Etat et vous n’avez pas le droit de “trahir” certains secrets pour lesquels on vous impose le silence, ou à défaut une explication “tronquée” comme celle que vous avez donnée dans Jeune Afrique.
Moi, je reste dubitatif sur vos explications et je suis enclin à croire que ceux qui nous imposent cette guerre, vous imposent à vous de ne pas utiliser nos avions parce qu’ils n’ont été achetés chez eux, et leur utilisation pourrait mettre à nu le mensonge qu’ils ont concocté aux Nations unies contre notre pays.
Nous ne sommes pas un peuple exterminateur de Touaregs, loin s’en faut. Les Touaregs qui se plaisent dans ce mensonge et qui brûlent le drapeau du Mali, symbole de notre souveraineté et qui effacent sur le fronton du gouvernorat de Kidal : République du Mali savent qu’ils prêchent dans du faux et qu’ils sont partie intégrante du peuple du Mali.
Nos compatriotes sont pour la plupart déboussolés et se posent beaucoup de questions dont les plus importantes resteront encore pour longtemps, sans réponse. Il s’agit notamment du cas de la ville de Kidal, et avec les mouvements de certains anti-Mali de l’autre jour de la région de Kidal. Cette ville et/ou cette région font-elles partie du territoire du Mali ?
Si oui, pourquoi Kôrô Président en dehors du seul gouverneur qui d’ailleurs est des leurs, aucune autre autorité de notre pays ne s’y trouve jusqu’ici ?
Et pourquoi il n’est pas permis à n’importe qui d’aller à Kidal ?
Alors que les habitants de Kidal peuplent nos hôtels aux frais de la princesse et se font remarquer dans de nombreux quartiers de Bamako comme Baco-Djicoroni, Adeken, Sirakoro, etc. Ils sont acceptés par tous comme tous les autres Maliens et ne peuvent nullement être inquiétés.
Kôrô Président, daignez expliquer à votre peuple le statut réel de cette ville ou cette région.
Chaque fois que le problème est posé, des esprits malins disent qu’il ne s’agit que de la seule ville de Kidal. Je me demande pour ceux-là que signifierait : le Mali : un et indivisible. C’est dire que même si un seul centimètre carré de Kidal ou de la région de Kidal manquerait au décompte final, nous devrions nous arrêter pour réclamer ou pour conquérir.
Le Mali ne sera total que lorsque les citoyens de quelque endroit que ce soit pourront voyager d’un coin à l’autre en toute liberté, en toute quiétude.
Il y a aussi le cas de toutes ces personnes peules ou dogonos ou autres dont on présente le cadavre sur les réseaux sociaux souvent baignant dans une mare de sang, souvent criblées de balles.
Et les deux communautés, s’accusent mutuellement d’être à l’origine de ces massacres.
Au départ on accusait les “donzo” ces chasseurs de gibiers qui n’ont que leur Baïkal ou leur fusil traditionnel. Eux, ils ont démenti toute implication dans ces massacres. Pour le donzo, dans “Mandé Kalé Kan” : Toute vie est vie. Toute vie est sacrée.
Ces donzo-là ne peuvent donc se permettre d’ôter autant de vies, ou du moins une seule vie humaine.
Il est désormais reconnu que ce sont les Peuls et les Dogonos qui s’entretuent, qui commettent ces horreurs, qui veulent s’exterminer. Ils sont tous munis de vraies armes de guerre, des “Kalachnikov” et/ou ils fabriquent eux-mêmes leurs propres bombes qu’ils appellent : “dignè wili” (la fin du monde). Ce sont ces bombes dont le souffle détruit tout sur son passage : personnes, habitations, greniers, animaux, etc.
Nous devrons à présent nous poser la question de savoir d’où proviennent ces armes dont l’unité coûterait plus d’un million de nos francs ?
Il y a, je pense Kôrô Président, des sponsors de la guerre au Mali. La pauvreté est telle que je ne crois pas que nos paysans, ceux dont nous voyons les images sur les réseaux sociaux, soient en mesure de s’octroyer des armes de cette dimension. Qui sont-ils ces magnats, ces sponsors qui financent l’armement de ces milices d’auto-défense ?
Tant que vos services de renseignement n’auront pas démasqué ces marchands de la mort, notre pays ne connaitra pas de répit.
Enfin, je voudrais saluer la méthode “Boubou Cissé” qui en elle-même n’est pas une innovation, parce que Mara est allé à Kidal pour dire que cette partie du septentrion est aussi et fait partie du Mali, et l’on se souvient de ce qui s’est passé ce jour-là.
Soumeylou Boubèye Maïga a entrepris de se rendre lui aussi au centre du pays tous les week-ends pendant sa gouvernance. Et l’on sait aussi qu’à chaque fois qu’il a tourné le talon, les massacres ont empiré.
Avec Boubou, les armes se sont tues certes, mais l’on continue hélas à compter des morts même si c’est dans une moindre mesure. Boubou a peut-être un secret que les autres n’ont pas. Est-ce par ce qu’il est Peul qu’il est compris des Peuls et des Dogonos ?
En tous les cas ce technocrate n’avait que dix-sept ans lorsque la révolution éclatait au mars en 1990-1991.
Il rentrait à peine à l’université et aujourd’hui il semble damer le pion à ses pères et grands-pères dans la recherche de la paix au centre du pays. Pourvu que cela dure.
Enfin Kôrô Président nous vous avons soutenu lors de la dernière élection, nous vous soutenons toujours envers et contre tout, mais nous voudrions que vous soigniez votre communication. Les journalistes sont intelligents et pernicieux. Ceux qui vous aiment prendront le meilleur de vos propos et les opposants n’hésiteront pas à prendre souvent le contre-pied de ce que vous dites-même en le déformant.
Faites parler vos ministres le plus que possible. Vous avez un porte-parole, c’est à lui de porter la parole. Bonne fête d’Aïd el Kébir à toute la communauté musulmane du Mali et du monde.
Qu’Allah SWT bénisse notre pays.
Mamoutou KEITA
Producteur de Spectacles
Source: Aujourd’hui-Mali